« Capital humain » et « Valeur partenariale » dans l’entreprise
par Etienne Rosenstiehl *
Le "capital humain" (expérience, savoir-faire, capacité de travail, niveau d’éducation, réseau personnel, etc.) que détient chaque salarié (cadres dirigeants compris) et qu’il met à la disposition de l’entreprise - en d’autres termes, qu’il investit dans l’entreprise – constitue un actif essentiel confié au management. Il est donc de la responsabilité des managers que chaque « investisseur en capital humain », que chaque employé –tout comme chaque investisseur en capital financier- puisse valoriser son capital et ne soit pas tenter d’aller l’investir ailleurs …
Il me paraît important de souligner le point suivant : le capital humain n’est pas la propriété de l’entreprise, il lui est confié au même titre que le capital financier. Comme le capital financier, il devrait figurer au passif du bilan de l’entreprise, dans les fonds propres, ou disons dans l’actif net. En conséquence, il est moins important d’en connaître sa valeur comptable que d’en maitriser le coût et de s’en assurer la disponibilité. Dans cette perspective, la juste rémunération du capital humain devient la question essentielle.
Augmenter la taille du gâteau
Les réflexions qui ont été menées sur le partage de la valeur n’ont pour l’instant pas abouti, car elles relèvent de la négociation pour le partage d’un gâteau supposé fixe …
Or, si l’on considère capital humain et capital financier comme deux éléments fondamentaux du capital social de l’entreprise et si on les rend éligibles, à due proportion, au partage de la valeur créée, alors, non seulement on obtient un effet d’incitation des salariés et des dirigeants qui augmente la taille du gâteau, mais de plus, on aligne très précisément les intérêts du travail et ceux du capital.
En conséquence de quoi, apporteurs de travail et apporteurs de capital financier œuvrent dans le même but et font les mêmes choix stratégiques pour l’entreprise. On résout ainsi les problèmes de schizophrénie des salariés-actionnaires. De même, la présence des salariés dans les organes de direction ne débouche plus sur la confrontation d’intérêts fondamentalement antagonistes.
Cette seconde propriété est très intéressante car elle réduit ce que les économistes appellent les « coûts d’agence » qui sont notamment les coûts de contrôle et les coûts d’incitation des salariés à travailler au bénéfice des seuls actionnaires. A son tour, cette réduction de coûts augmente mécaniquement la taille du gâteau à partager …
En d’autres termes, plutôt que « d’acheter » les apporteurs de travail, les actionnaires ont intérêt à faire de ces apporteurs de capital humain de véritables partenaires.
Repenser l’entreprise comme association entre apporteurs de travail et apporteurs de capital, et instaurer une règle pertinente de partage de la valeur créée, telle est la méthode qui conduit les associés à maximiser la création de "valeur sociale", et corrélativement à maximiser la création de valeur actionnariale et la création de "valeur partenariale" qui est la part des bénéfices revenant aux apporteurs de travail.
La participation, l’outil idéal
L’outil de base qui permet de mettre en œuvre cette approche moderne de l’entreprise est disponible : c’est la participation telle que définie par la réforme de 2008.
Cette réforme introduit notamment la notion de « dividende du travail ». Clairement sous-utilisée la participation est l’outil idéal de valorisation du capital humain, elle traduit en termes sonnants et trébuchants les beaux discours sur le capital humain. Le cadre de la participation est très souple et, comme toujours lorsqu’on traite d’incitations financières, il est indispensable de revoir précisément son utilisation. Sa formule par défaut a perdu tout sens économique : on ne saurait lui en vouloir, elle date de 1967 ! Celle-ci mérite donc d’être revue et adaptée à la situation de chaque entreprise comme la loi le permet.
Dans la pratique, la participation des salariés aux bénéfices de l’entreprise est un outil efficace de partage de la valeur ajoutée entre capital financier et capital humain.
Ce partage de la valeur est un préalable fondamental à la participation des salariés au capital et aux organes de direction de l’entreprise. Etant plafonnée, la participation doit être complétée par d’autres formes de rémunérations variables pour satisfaire les exigences des plus hauts salaires.
Lorsque l’entreprise est mise au service de la finance, la création sans partage de la valeur actionnariale aboutit aux impasses constatées durant la récente crise internationale.
Le contrat d’entreprise mérite aujourd’hui d’être revu au regard des composantes humaines que chaque entreprise intègre. Ces composantes humaines doivent d’abord se traduire dans les faits par des pratiques et des comportements nouveaux entre les associés et partenaires du projet d’entreprise.
Ainsi, remettre la finance à sa place d’outil au service de l’entreprise (et non comme finalité), permet de traduire l’association des apporteurs de moyens de production en termes économiques et monétaires, et ce au bénéfice de tous les partenaires.
* Etienne Rosenstiehl est associé-fondateur de WorK is K , cabinet spécialisé en finance, rémunérations incitatives et ressources humaines.
|