« L’entrepreneur doit assumer seul les conséquences angoissantes
de certaines décisions... »

Par Olivier Torrès*
La solitude est insidieuse lorsqu’elle s’insinue dans le sommeil du dirigeant où ses problèmes quotidiens hantent ses nuits. Combien de témoignages ai-je entendu de dirigeants avouant dormir avec un carnet pour noter, au sursaut d’un réveil nocturne, la solution au problème qui tournait en boucle dans leur tête toute la nuit. La solitude, c’est passer des nuits blanches à broyer du noir... Les problèmes de trésorerie, la baisse de l’activité, la perte d’un gros client, l’impayé qui arrive au pire des moments, le salarié que l’on côtoie de longue date et que l’on doit licencier… Voilà autant de "stresseurs" qui amplifient le sentiment de solitude des dirigeants.
Et que dire de l’intensité de la solitude du chef d’entreprise lorsqu’il est
convoqué au tribunal de commerce pour liquider son entreprise ?
Ce jour-là, c’est souvent un monde qui s’écroule, parfois une dynastie
familiale qui s’effondre. La souffrance est telle que certains commettent
l’irréversible...
La solitude des entrepreneurs s’amplifie lorsqu’ils doivent faire face
à un environnement de plus en plus complexe et quand le sentiment de
responsabilité se mue en sentiment de culpabilité. En petite entreprise,
il n’existe point de DRH pour faire tampon. Le management est frontal.
Le dirigeant est en butte directe et permanente avec des problèmes
de tous types.
L’entrepreneur doit assumer seul les conséquences angoissantes
de certaines décisions.
La solitude est l’un des traits des décideurs, surtout lorsqu’il s’agit de
prendre des décisions importantes. Or, « en PME, tout est stratégique »
disait Michel Marchesnay, l’un des grands maîtres "PMistes français".
C’est là l’un des traits spécifiques des entreprises de moindre taille.
Les "stresseurs" évoqués plus hauts (la perte d’un client, l’impayé,
le licenciement d’un salarié…) sont marginaux et secondaires en grande
entreprise. Ils deviennent majeurs et cataclysmiques dans les plus
petites.
La solitude accompagne les dirigeants de PME tout au long
de leur vie.
C’est pour cela que l’étude de Bpifrance Le Lab est cruciale pour éclairer ce phénomène
typiquement "PMiste".
Il existe des antidotes à la solitude du dirigeant
Fort opportunément, cette étude invite aussi à promouvoir des antidotes à la solitude.
Par bonheur, ils sont nombreux : « Savoir s’entourer », « Adhérer à des réseaux », « Faire de la stratégie » pour sortir le nez du guidon, « Constituer des comités de pilotage », « Partager les décisions », « Ouvrir le capital », « Se former »… sont autant de recettes complémentaires dont l’étude montre les doubles vertus, à la fois pour la santé du dirigeant et la santé de l’entreprise.
Le style de management participatif, la nature du leadership charismatique, le type de gouvernance ouvert, la stratégie collaborative, sont au cœur des réponses apportées par cette étude.
On voit alors se dessiner les contours d’une PME, moins classique,
plus managériale, donnant plus de poids aux procédures, à la planification,
à la gouvernance élargie, au long terme, à la mise en place d’une stratégie
globale incluant les parties prenantes…
* Olivier Torrès est professeur à l’Université de Montpellier et à Montpellier Business School ; il est le fondateur de l’Observatoire Amarok sur la santé des dirigeants de PME.
(1) L’étude a identifié sept grands facteurs amplificateurs de solitude (par ordre décroissant d’importance) :
1 - L’absence d’un bras droit ou d’une personne de confiance sur laquelle le dirigeant peut se reposer
2 - Un temps de travail hebdomadaire supérieur à 70 heures
3 - Des résultats déficitaires lors de l’exercice en cours
4 - Le fait d’être seul dirigeant et propriétaire de l’entreprise
5 - Un chiffre d’affaires en baisse
6 - Des difficultés chroniques de recrutement
7 - Le fait de vivre seul d’être célibataire, veuf ou divorcé
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