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Un DRH témoigne
Qu’est-ce qui fait lien entre le salarié et l’entreprise ?
Par Alain Mollinier
 

Dans un récent article, Jacques Gautrand préconisait d’élargir la notion d’Affectio Societatis afin qu’elle s’applique à l’ensemble des membres de la communauté d’une entreprise, et non plus aux seuls actionnaires : salariés, managers, prestataires réguliers ...

Mon expérience de DRH de diverses sociétés industrielles – Matra MHS, Thomson Multimédia R & D, TES Electronic Solutions - me permet de mesurer concrètement les enjeux d’une telle proposition et de pointer les questions qu’elle pose.
Un premier enjeu est de bien apprécier la nature du lien entre les salariés et l’entreprise ...

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Alain Mollinier

Quelle est la force du lien entre les salariés et l’entreprise ?
Si, pour les cadres de direction, la question semble ne pas se poser (peut-on, hormis quelques cas de dirigeants « mercenaires », être cadre dirigeant et ne pas se sentir complètement engagé envers l’entreprise ?), la question de la relation à l’entreprise est bien réelle pour les autres catégories de salariés : opérateurs, techniciens, personnel d’encadrement ... pour ceux-ci, cette relation s’inscrit généralement dans l’échange classique du salariat : force de travail contre rémunération.

Le DRH se trouve au carrefour des attentes des individus et de la structure. A ce titre, il entend et voit au quotidien la multiplicité des attentes des salariés envers l’entreprise.
Quelques lignes de force ressortent de ces perceptions : la stabilité de l’emploi, la reconnaissance du travail fait, l’évolution du salaire, sont les trois points clés que j’ai pu percevoir dans mes différents postes. Précisons-les :

- La stabilité de l’emploi. La mobilité professionnelle n’est pas une réalité et ne le sera pas tant que des systèmes combinant ressources des entreprises et fonds publics ne donneront pas à chaque salarié une sécurité minimale –en revenus de compensation et en durée de protection – permettant de considérer la perte d’emploi non plus comme un accident grave mais comme un élément normal d’une vie professionnelle. Des progrès ont été faits en ce sens, par exemple par la mise en place de la rupture conventionnelle du contrat de travail ou par l’allongement de la couverture de la convention de reclassement personnalisée lorsque l’emploi est perdu pour raison économique. Encore faudra-t-il que Pôle Emploi parvienne à assurer des prestations réellement personnalisées, soutenues et sanctionnées par un résultat concret auprès de chaque demandeur d’emploi.

- La reconnaissance du travail fait ou, dit plus simplement, la considération et le respect des salariés. Cette notion renvoie à la capacité à reconnaitre que la contribution attendue a bien été fournie. Et cette reconnaissance passe par de multiples canaux : l’expression de remerciements ou de félicitations par les manageurs de proximités et / ou du top management, et pas seulement pour un travail exceptionnel mais aussi au quotidien. Le bonjour des uns envers les autres. La capacité à « recadrer » ceux ou celles qui ne contribuent à la hauteur de ce qui est attendu, ce qui manifeste une forme de justice dont la perception est très sensible au niveau d’un atelier. La capacité des manageurs à traiter leurs équipes et la communauté des salariés en adultes en parlant vrai.

Ce parler vrai est multiforme. En voici deux exemples : savoir communiquer sur les résultats et les évolutions prévisibles de l’entreprise et les éventuelles conséquences pour les salariés (nécessité de se remettre en cause par la formation, apprentissage de nouveau métier, changement d’horaire de travail, mais aussi risque sur l’emploi … ) ; dire ce que l’on veut faire et le faire, ce qui revient à donner du sens et des repères et ainsi diminuer l’incertitude source de toutes les inquiétudes et rumeurs. Et bien d’autres formes encore, tant il n’y a pas de limite à exprimer de la considération envers autrui, tout en définissant et maintenant le cap.

- L’évolution du salaire. C’est un sujet délicat, source de risques et tensions lors de la NAO – négociation annuelle obligatoire sur les salaires et le temps de travail. Il ne s’agit pas de débattre de ce que doit être le salaire de l’ouvrier dans telle ou telle entreprise comparée à celui du technicien, de l’employé ou du cadre. Cette approche ne débouche sur aucun résultat constructif et ne peut que créer des débats dont l’unique résultat est que chacun veut plus, sans se poser les deux questions de base qui sont : 1) quels sont les moyens de l’entreprise pour faire évoluer la masse salariale ? 2) quelle approche peut permettre la reconnaissance salariale la mieux adaptée ?

J’ai encore en mémoire les débats avec les partenaires sociaux sur l’intérêt de pratiquer des augmentations générales (AG) plutôt que des augmentations individualisées (AI), les critiques de l’application de ces AI, considérées comme faites à la « tête du client » faute de capacité à fournir des critères permettant d’objectiver leur attribution, sans omettre la gêne des manageurs de terrain qui pour éviter la confrontation avec des éléments de leurs équipes pratiquent parfois le saupoudrage, lequel, in fine, mécontente tout le monde …

Au-delà de ces aspects, il faut noter la difficulté à entrer dans une logique de négociation du revenu annuel c’est-à-dire non seulement l’évolution des salaires mais aussi d’autres éléments parfois tout aussi intéressants tels que la mise en place ou l’évolution du taux de prise en charge des mutuelles, la négociation d’accords d’intéressement, les tickets restaurants ou la prise en charge améliorée du cout du restaurant d’entreprise, le plan d’épargne entreprise et son éventuel abondement, les montants d’indemnités kilométriques, etc. Cela traduit la dichotomie de perception entre revenus immédiats en espèces sonnantes et trébuchantes, revenus immédiats quasi monétaires (Tickets restaurants par exemple) et revenus différés (PEE, accord d’intéressement…), chacun se montrant en général beaucoup plus sensible à la première catégorie. Signe encourageant, cette perception évolue. Ainsi, ai-je eu l’agréable surprise, lors des NAO 2008, de recevoir de la part des délégués syndicaux des demandes pour revaloriser des indemnités kilométriques et la participation employeur à la prise en charge des repas pris sur site ou en restaurant interentreprises ...

La part du risque acceptable

Ces observations nous renvoient à la question cruciale : quelle est la part de risque, inhérente à toute activité économique, que le salarié est aujourd’hui prêt à accepter ?

Nous abordons ici le deuxième enjeu de l’élargissement de l’Affectio Societatis : réconcilier salariés et entreprise, oui mais, jusqu’où et comment ?

Tous actionnaires ?
Les salariés sont-ils prêts à accepter un revenu global composé d’ une part fixe et garantie, le salaire et d’une autre part liée au résultat de l’entreprise ? Il faudrait alors que chacun admette qu’à son niveau, de l’ouvrier au PDG, il est « co-construteur » du résultat de l’entreprise et que donc il n’y a plus deux camps : le personnel qui exécute et n’a d’autre responsabilité que de venir faire son travail, les manageurs qui dirigent et seraient seuls responsables du bon ou mauvais résultat de l’entreprise ; sans oublier les actionnaires, ces capitalistes se servant les premiers et largement ! (sachant que si l’entreprise a pu se créer et commencer à vivre c’est parce qu’ils ont investi l’argent nécessaire et pris le risque de le perdre…) Bref, est-on prêt à passer dans nos entreprises du « Eux-Nous » au « Nous-Nous » ?

Mon expérience de DRH me conduit à penser qu’il faudra encore un long travail d’éducation pour que ce chemin puisse se généraliser. De plus, il faudra aussi définir les limites et modalités d’intervention de chaque partie prenante dans la définition de la stratégie et sa mise en œuvre.

Ce deuxième enjeu renvoie à la notion d’engagement. Disons le clairement : oui, la majeure partie des salariés est engagée à l’égard de l’entreprise qui l’emploie et veut la voir vivre. Mais cet engagement est souvent, consciemment ou inconsciemment, provoqué par une défense bien comprise des intérêts individuels dans le cadre de l’organisation actuelle des entreprises et ressemble dans les cas extrêmes à la corde qui soutient le pendu ...
Ce qu’on peut aussi résumer comme : « Faute de pouvoir trouver mieux ailleurs, je m’accroche à cet emploi dans cette entreprise ... » On entre alors dans une forme d’engagement de survie, loin de l’engagement du « co-constructeur » mentionné auparavant.

Le troisième enjeu est de dépasser tous les blocages et limitations évoqués précédemment.
Il est souvent fait état de la culture historique de contestation et d’affrontement capital-travail dans notre pays. Mais dans la pratique, cet antagonisme se traduit en affrontement salariés (et leurs représentants)- Direction. Mon parcours professionnel me montre que la solution « évidente » de dialogue et de pédagogie ne peut être mise en œuvre qu’au seul niveau de l’entreprise.
C’est l’ensemble du corps social qui doit réfléchir sur ce lien entreprise et salariés et plus largement entreprise et citoyens et parvenir à développer une approche équilibrée et partagée de l’entreprise et de son incontournable existence.

Replacer la notion d’entreprise au coeur de l’éducation.
Les corps constitués, les différentes structures d’éducation – de la maternelle aux universités, les organisations professionnelles, ont leur part à prendre dans ce développement.
L’entreprise ne peut continuer à être vue et perçue par ces milieux comme une réalité annexe, alors qu’elle est au cœur de la création de richesse et que cette richesse génère notamment des impôts qui par le jeu de la redistribution permettent de financer nos systèmes publics (comme l’Education nationale, par ex.) et services sociaux. Il faudrait donc que la notion d’entreprise soit replacée au cœur de l’éducation (au sens anglais du terme, l’ensemble des savoir qui aide chacun à bâtir sa personnalité et son socle de réflexion), via la formation ou toute autre canal (à quand une série télévisée reflétant la diversité et richesse de la vie en entreprise ?).

Si je peux témoigner, à travers mon engagement dans ma branche professionnelle, des actions coordonnées menées par les différents responsables d’entreprise ( telles que : soutien aux universités pour mettre en place des filières professionnelles diplomantes, rencontres étudiants-représentants d’entreprises pour montrer la réalité de la vie de l’entreprise via le « club DRH » porté par la branche métallurgie 35-56, accueil de stagiaires ...), il m’apparait que ces responsables sont bien seuls dans l’action et qu’il nous manque une impulsion nationale venant du Politique ...
A chacun ensuite de se déterminer par rapport à ce Politique.

Alain Mollinier

- Après quinze annnées passées au Ministère du Travail comme inspecteur du travail, puis directeur adjoint, Alain Mollinier a occupé des fonctions de DRH et DAF dans des filiales de groupes industriels : Matra, puis Thomson Multimédia.
Il a ensuite rejoint le monde du conseil en Ressources Humaines comme directeur régional d’une société de conseil.
A partir de 2003, il a développé A.C.E. Management et Ressources Humaines, sa propre marque de conseil : il intervient en appui RH opérationnel sous diverses formes – missions de conseil, DRH de transition, DRH à temps partiel …
Diplômé de Sciences-Po Paris, Alain Mollinier a suivi le cursus de l’Institut National du Travail de l’Emploi et de la Formation Professionnelle.

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