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A quoi servent les syndicats en France ?
Par Bernard Brunhes - propos recueillis par Jean-Michel Mestres *
 

Alors que s’est tenue (les 20 et 21 juin 2013) la 2ème "Grande Conférence Sociale" et que l’"ANI" (accord national interprofessionnel conclu le 11 janvier) sur l’emploi a divisé les syndicats français, il est éclairant de lire (ou relire) le point de vue d’un grand expert des relations sociales : Bernard Brunhes.
L’ancien conseiller aux affaires sociales du Premier ministre socialiste Pierre Mauroy, lors de l’arrivée de la Gauche aux affaires en 1981, le polytechnicien fondateur d’un cabinet de consulting réputé (aujourd’hui intégré au Groupe BPI), celui qui fut choisi comme médiateur dans plusieurs conflits, le président du réseau d’accompagnement de créateurs d’entreprise "Initiative France", est décédé d’un cancer le 5 septembre 2011, à l’âge de 71 ans. Jean-Michel Mestres * a recueilli ses mémoires desquels nous extrayons ce texte intitulé « Brève histoire du syndicalisme. » Avec l’aimable autorisation de l’auteur.

- « En mission - Une vie engagée » Par Jean-Michel Mestres - Éditions Descartes & Cie (2012)

« Une brève histoire du syndicalisme »


(Texte préparatoire à une intervention devant le CJD-Paris en novembre 2009) Bernard Brunhes

Par Bernard Brunhes *

« La société française continue à souffrir d’un dialogue social d’une grande médiocrité. On parle, on parle, mais, trop souvent, dans l’entreprise les débats tournent autour de questions concernant les instances représentatives elles-mêmes et le rôle des syndicats plutôt que sur les questions de fond ; dans les branches, on passe des heures et des heures à discuter des accords dont la répercussion sur l’entreprise est pour le moins modeste.

Au niveau interprofessionnel il n’y a presque plus rien. Comme le disait le baron Seillière (président du CNPF puis du Medef de 1997 à 2005 - NDLR) lors du lancement du Medef : « Le dialogue social, théâtral au niveau national, chuchoté dans les entreprises de terrain, psalmodié dans les organismes paritaires ; bousculé, anesthésié ou confisqué par les pouvoirs publics, est à bout de souffle ».
Qu’est-ce qui ne va pas ?

La Loi Le Chapelier, enfant d’une Révolution conduite par une bourgeoisie libérale, a interdit les organisations corporatistes. Lorsqu’elle a été révoquée, en 1884, il y avait belle lurette que les ouvriers de l’industrie s’étaient organisés pour se défendre contre les patrons. Mais ces réunions étaient interdites. Les syndicats qui ont pu se former après 1884 étaient donc issus de mouvements clandestins et donc violents et adeptes de la lutte des classes, contre une bourgeoisie qui leur avait jusque là interdit d’exister.

Les syndicats français ont depuis lors été considérés non comme des partenaires mais comme des adversaires des chefs d’entreprise.

La section syndicale d’entreprise date de mai 1968.
Jusque là les syndicats étaient personnae non gratae dans les entreprises. Ils n’avaient que deux rôles reconnus : 1/ négocier les conventions collectives et accords d’entreprise ; 2/ présenter les candidats aux élections professionnelles (monopole de présentation au premier tour).

[ Un système qui aboutit à marginaliser les syndicats ]

Ainsi, ce qui fait la réalité du syndicat dans l’entreprise – la défense quotidienne des salariés dans la relation inégale entre patron et salarié – lui échappe.
Cette mission revient aux Comités d’entreprise, délégués du personnel et CHSCT. Ceux-ci sont certes, dans les grandes entreprises au moins, des personnes en grande partie élues sur des listes syndicales ; mais, une fois élus, ils ne tiennent leur légitimité que de leur élection. Il est facile de comprendre la différence avec un délégué allemand : le salarié français en difficulté va voir son DP, qui ne manquera pas de l’aider : c’est son rôle ; le salarié allemand va voir son délégué syndical ... qui lui demande s’il est bien syndiqué et encaisse la cotisation. La distinction entre d’un côté la négociation d’accords (rôle du syndicat) et, de l’autre, consultation, concertation, défense individuelle des salariés, participation à la vie de l’entreprise (rôles des élus) conduit à marginaliser de fait les syndicats, malgré les apparences.

La législation française affaiblit le syndicat par le fait qu’elle leur reconnaît le droit de représenter l’ensemble des salariés de l’entreprise. De ce fait, les accords qu’ils signent engagent tout le personnel et pas seulement leurs membres. Pourquoi se syndiquer puisque cela ne change rien à la situation personnelle du syndiqué ?
En outre, les régimes de protection sociale – retraites, chômage, aide au logement, formation professionnelle, etc. – sont pris en charge par la collectivité nationale ou professionnelle. Les organisations syndicales participent à leur gestion en étant membre des conseils d’administration, mais il n’est pas question que les bénéfices de ces régimes soient réservés à leurs adhérents. Les salariés ne voient pas d’intérêt à payer une cotisation à des syndicats qui ne leur apportent aucun avantage spécifique.

De ce fait seuls adhèrent les travailleurs qui veulent en faire un acte militant.
Ce sont donc des convaincus qui paient leur cotisation. Mais convaincus de quoi ? L’adhésion est un acte de solidarité pour ceux qui veulent militer pour leurs idées : naturellement, dans les années qui ont suivi la seconde guerre mondiale, période où les idéologies jouaient encore un grand rôle dans notre société, les syndiqués étaient des militants communistes à la CGT, des militants chrétiens à la CFTC, éclatée en 1964 entre chrétiens de gauche (CFDT) et chrétiens de droite (CFTC), les « laïques » qui refusent tout à la fois « les bolcheviks et les curés » (comme disait André Bergeron) à Force Ouvrière. Quatre organisations auxquelles s’est ajoutée la CGC pour les cadres, catégorie sociologique qui ne voulait pas se mélanger. Un quintette auquel se sont ajoutés ensuite (pourquoi pas, puisque l’unité syndicale était de toute façon hors de portée) d’autres organisations, dont SUD, représentant dans le monde du travail de l’ensemble des mouvances d’extrême gauche.

Arrivent les années 2000 et la chute des idéologies. Les Eglises, les partis, les mouvements porteurs d’idéologies totalisantes n’attirent plus les foules. Mais les organisations syndicales persistent dans leur être.
On ne sait plus très bien ce qui les différencie, sinon leurs cultures, leurs histoires propres, voire leurs haines recuites dans certaines entreprises. Et comme l’appartenance à l’une des cinq grandes confédérations donne un droit automatique à la représentativité, même quand on n’a pas d’adhérent, il ne manque pas de candidat pour créer sa propre boutique si jamais, dans une entreprise l’un des cinq sigles n’est pas représenté. Quant aux confédérations non reconnues, elles font des pieds et des mains pour entrer dans le saint des saints ...

[ En France, « les syndicats se satisfont de l’apparence du pouvoir » ... ]

Les pouvoirs publics ont été encore plus pervers qu’on ne le croit à l’égard des syndicats – avec leur assentiment ! Ils ont multiplié les sièges d’administrateurs et de conseillers pour les représentants des syndicats : caisses primaires de sécurité sociale, caisses d’allocation familiale, caisses de retraite, conseils économiques et sociaux régionaux, organismes de collecte du 1% logement, commissions et groupes de travail en tous genres sur tous les thèmes économiques et sociaux.
C’est ainsi que les organisations syndicales se perdent en de multiples lieux où elles n’ont guère de pouvoir, mais se satisfont de l’apparence du pouvoir. Pendant ce temps, elles ne gênent ni les patrons ni les gouvernants : elles ne se mêlent pas de lutte des classes et de contre-pouvoir dans les entreprises. Ces sièges et la générosité des pouvoirs publics leur permettent en outre de disposer de budgets que la faiblesse de leurs effectifs de cotisants ne leur permettrait pas de dépenser.

Mais moins on a de pouvoir, plus on utilise le pouvoir de la parole.

C’est pourquoi, ces syndicats, par construction impuissants, s’expriment beaucoup. On appelle cela le dialogue social. Abus de langage. » éditions Descartes & Cie 2012

Bernard Brunhes

* Lorsqu’en juillet 2010, il se sait atteint d’une tumeur au cerveau, Bernad Brunhes sollicite le journaliste Jean-Michel Mestres qui est aussi son collaborateur au sein du réseau Initiative France, pour rédiger ses mémoires.
Ceux-ci garderont leur caratère "inachevé" du fait du décès de Bernard Bruhnes le 5 septembre 2011, mais seront publiés en 2012 sous le titre « En mission - Une vie engagée » aux éditions Descartes & Cie. C’est de ce livre qu’est extrait, avec l’aimable autorisation de son auteur, le texte publié ci-dessus par Consulendo.com (les intertitres ont été rajoutés pour cette publication).

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