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MANAGEMENT
L’art de la décision dans un contexte de "surinformation"
 

Par François Bert *

A l’heure des Data et des moyens d’accès à l’information instantanée, la tentation est forte de croire qu’une compréhension exhaustive des données disponibles permet la décision ou qu’un plan abouti garantit l’exécution. Or c’est la capacité à décider qui est la seule garantie contre l’imprévu et le levier le plus puissant à la mise en mouvement de la motivation des autres. Pour cela, le décideur doit posséder une qualité indispensable et rare : le discernement.

Le "discernement" qualité indispensable à la prise de décision
Par François Bert *

François Bert

L’accélération des techniques de connexion et d’accès à l’information nous conduit à reconsidérer les règles et la pratique du management. L’open-source, l’open-space et l’open-innovation triomphent partout. Les managers doivent de plus en plus gérer des équipes multiculturelles dans un environnement en perpétuelle recomposition. Des personnes très diverses, d’origines ou de parcours internationaux, ultra-adaptatives rejoignent les rangs d’entreprises de toutes tailles.

Et pourtant dans cet univers mouvant, une « variable » n’a pas changé : toute organisation suppose un décideur, c’est à dire celui qui, au final, tranche et décide. Une personne qui, après bien des débats, des échanges, et toutes les interconnexions possibles, soit capable de faire le pas que tout le monde attend et sans lequel la mécanique du groupe - fût-elle la plus complexe du monde - ne peut avancer.

Le Maréchal Foch, qui a connu sans aucun doute la plus grande accélération industrielle, technique et tactique du millénaire disait néanmoins et non sans humour : « une décision se prend toujours en assemblée impaire et trois c’est déjà beaucoup… ».

Dans notre contexte caractérisé par de forts bouleversements, il me semble indispensable de se poser deux questions capitales :

- Comment garantir une bonne prise de décision ?

- Comment tirer le meilleur parti de la richesse des personnalités et des moyens actuels sans oublier l’objectif de l’entreprise : le succès durable ?

Les moyens considérables que la technique met à notre portée pour nous connecter aux personnes et au monde décuplent aujourd’hui l’accès aux informations et à la connaissance de manière générale.
Mais sait-on pour autant mieux décider ?
Rien n’est moins évident : pas plus que les sites de rencontres n’offrent de clarté et de pérennité dans le choix d’un conjoint ou d’un compagnon, l’abondance d’informations n’a d’effet sur la prise de décision. Comme les médias sociaux, elle élargit le spectre et les critères du choix sans qualifier pour autant le processus de "discernement".

La question n’est pas de savoir ce que nous savons, la question est de savoir comment nous combinons cette information à l’ensemble des éléments de contexte pour la traduire en action.

A partir d’un certain seuil même, l’excès d’informations peut devenir paralysant, tout comme, dans le domaine du recrutement, l’accès à un choix infini de profils multi-qualifiés repousse sans cesse le choix d’un élu potentiel dans l’espérance d’un meilleur à venir.

Si le développement des technologies accroît la connaissance et les échanges, son effet est limité sur l’action décisionnelle à proprement parler. Or c’est sur cette dernière qu’il faut savoir porter notre attention si nous ne voulons pas mettre l’entreprise en péril.

Qu’est-ce qu’un bon décideur ?

Nous ne cessons de voir fleurir des modules de formation qui appellent à la responsabilité ou la méthode : en un mot, la tendance est de considérer la décision comme une technique ou comme une expression du courage, une compétence ou une qualité morale...

C’est oublier qu’elle est d’abord une posture. La qualité indispensable à une prise de décision durable, connectée, ajustée et réactive aux bouleversements permanents du terrain… c’est le discernement.

Or le discernement, c’est 95 % d’écoute.

Louis XIV, résumé à tort à sa posture de monarque absolu alors qu’il était le référent et l’arbitre de toute l’Europe, disait que gouverner c’est « laisser agir la facilité de bon sens ». Il y a là ni méthode, ni analyse, ni même synthèse, seulement une longue et continue pratique de l’écoute jusqu’à l’évidence. Louis XIV a forgé sa capacité de jugement et sa puissance de vision en se taisant pendant des années : alors que la régence de sa mère puis le ministère de Mazarin suivait son cours jusqu’à ses 23 ans, il assistait à tous les conseils et faisait en silence ce travail d’élaboration naturelle vers la décision. Pas à pas il a pu asseoir sa confiance dans sa capacité naturelle à voir où les choses se passent, où il faut les emmener. Quand il a pris les rênes, ses facultés de discernement étaient rodées et sa capacité de décision opérationnelle.

L’analyse et la synthèse les plus brillantes ne font pas la décision...

Les grandes écoles (et l’ensemble des formations qui nous donnent nos chefs) forment à l’analyse et au mieux à la synthèse.

Nul souci précisément du discernement, qui est pourtant la seule qualité qui permet de décider naturellement, durablement et... justement.

- L’analyse décortique au point de déformer parfois la réalité tangible, étrange pornographie de chirurgiens cherchant à voir au-delà de la peau.

- La synthèse contracte et pondère des informations hors contexte ; elle purge le cerveau, sans le connecter à l’environnement ; elle ne fait que désengorger la prise de décision au risque de lui réduire son champ de vision.

- Le discernement, à force de présence et d’écoute, saisit ce qui devient soudainement plus grave ou plus important que tout le reste et déclenche la décision.

Articuler les talents.

Même si bien sûr l’ensemble de ce que nous apprenons nous permet de faire face à un spectre de plus en plus large de situations, il devient urgent dès qu’une entreprise atteint la taille critique (et dès que plus de deux associés se répartissent les rôles) d’organiser l’équipe sur des critères de personnalités beaucoup plus que d’affect ou de compétences/spécialités/expériences.

On ne fera pas d’Einstein un vendeur ou un dirigeant au long cours. En revanche -et précisément pour lui permette de donner le plein champ de son génie- il est fortement préconisé de lui trouver un adjoint avec une personnalité managériale, de sorte que ses idées passent dans la réalité au bon moment, au bon rythme et avec les bons moyens.

Organiser l’équipe ce n’est pas seulement rassembler des complémentarités, c’est surtout les articuler de la bonne façon, de sorte que leurs postures respectives donnent le meilleur et servent aux autres.

Einstein, pour continuer avec lui, doit être en amont de la chaîne. Il faut lui trouver une personnalité de type Patton, très « bottum-up » et décisionnaire naturel. Napoléon avait su se trouver son complément en la personne de Berthier (Waterloo dont nous célébrons le fâcheux anniversaire, est grandement dû à son absence le jour de la bataille).

La politique actuelle montre que les grands absents des organigrammes sont les chefs naturels : les candidats au pouvoir sont très majoritairement des vendeurs qui se montrent très mal à l’aise ensuite quand ils sont aux responsabilités (logique de « gentils » ou de « chefs de bande » qui communiquent à défaut de savoir où ils vont) et ils s’appuient maladroitement sur des ribambelles d’experts qui délivrent eux aussi une masse d’informations ou de lois déconnectées du contexte et trop exhaustives pour être applicables.

« L’entreprise révèle les chefs ... »

L’entreprise est un créneau où les chefs peuvent encore se révéler - seules les situations révèlent les chefs - et il est urgent de leur permettre de jouer ce rôle à l’articulation des idées et de la vente.

L’aptitude à décider est le levier le plus puissant de la conduite des hommes

L’horizon précisément sans limite de l’ensemble des possibilités techniques d’accès à des masses d’informations (Data) et le flux « ADSL » de toutes nos connexions nous laissent facilement croire que tout est possible. La logique cérébrale accroît cette sensation en partant du principe qu’un plan bien conçu se déroulera nécessairement sans encombre.
L’expérience nous apprend hélas ! tout le contraire : la meilleure garantie de l’exécution n’est pas la qualité du plan mais l’aptitude à la conduite opérationnelle, c’est-à-dire à la décision continue de celui qui en a la charge.

Ce n’est pas l’équipement mais bien d’abord la capacité d’observation et de réaction de l’aventurier qui lui permet de traverser la jungle.

Décider c’est avoir la vision des étapes : non pas celles d’un plan figé d’avance mais celles d’un pas que l’on pose résolument quand on a suffisamment d’éléments (et non pas tous) pour passer à l’acte, sans savoir pour autant quel sera le suivant. Décider c’est atteindre le col sans préjuger de la vallée qui vient, sentir ce que notre boussole interne nous engage à faire sans déjà voir le sommet, avancer dans l’observation et l’écoute en réduisant les dangers par l’imagination de scénarii de possibles au lieu de se protéger en rigidifiant la règle. C’est au plan d’être la variable d’ajustement et non au réel.

Les deux zones-clef de déraillement du management.

Comprendre n’est pas faire, faire n’est pas décider, décider n’est pas conduire. La tentation de l’ « homme supersonique » est la conséquence naturelle de notre système de grandes écoles et notre vision très cérébrale du monde : tout peut s’apprendre…
Cette illusion se fracasse à deux niveaux : au point de passage des conseils abondants de la gouvernance à la décision stratégique (sacrificatrice) d’une part et à celui de la planification à la conduite (arbitrage courant) d’autre part.

Décider stratégiquement et tactiquement, tenir dans la durée les variations économiques et les soubresauts opérationnels c’est un métier à part entière. La tentation est forte de croire qu’une compréhension exhaustive des données disponibles permet la décision ou qu’un plan abouti garantit l’exécution. La capacité de décider est la seule garantie crédible contre l’imprévu et le levier le plus puissant et le plus indispensable à la mise en mouvement juste, actualisée, pertinente de la très variable motivation humaine.

Que d’experts ou cerveaux brillants se retrouvent paralysés quand leur métier n’est plus de savoir mais de permettre, plus d’assembler mais de décider, plus de maîtriser mais de libérer !

Les salariés ne se mettent pas en mouvement parce qu’ils ont compris mais parce qu’ils ont envie. Aucune place compartimentée dans un plan parfait ne peut donner envie à quelqu’un longtemps. L’envie est un travail quotidien, connecté à l’environnement, discerné pas à pas en fonction des évolutions de contexte.

Dans la direction à donner comme la motivation à insuffler la posture d’écoute est clef. C’est autour d’elle, comme les muscles s’articulent autour d’un genou, que doivent se fédérer le travail du fond comme celui de la relation.

En conclusion je me permettrais d’insister sur deux points :

-  le management du futur doit tirer parti de l’abondance de la modernité sans renier les règles simples qui demeurent au-delà des époques ; comme la terre a su produire une luxuriance infinie sans pour autant quitter son axe de rotation autour du Soleil, il doit canaliser le flot des échanges et des données dans le lit simple de l’exécution.

-  Au cœur de cette transformation opérationnelle il y a une fonction pratique, équipée d’un « update » permanent et visionnaire dans le « faire, au bon moment, au bon endroit, avec les bonnes personnes » : cette fonction s’appelle le discernement ; elle doit être le point nodal de toute entreprise, au maximum en ayant dans l’équipe une personne qui en est équipée naturellement et à défaut par apport externe.

C’est une qualité précieuse que de se connaître. Croître dans la configuration professionnelle qui nous correspond c’est optimiser à la fois ses chances d’épanouissement et ses chances de succès. Travailler en groupe avec une complémentarité de posture davantage que de liens affectifs ou d’affinités mentales c’est la garantie de ce qui manque le plus dans les aventures entrepreneuriales aujourd’hui : la durée.

François Bert

* Consultant en gestion des ressources humaines, fondateur du cabinet Edelweiss RH spécialisé dans l’accompagnement des équipes dirigeantes.

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