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HOMMAGE
Jean Boissonnat (1929-2016)
Il a fait comprendre l’économie aux Français
Par Rémy Arnaud & Jacques Gautrand
 

Jean Boissonnat, le co-fondateur du magazine L’Expansion est décédé le dimanche 25 septembre 2016 à l’âge de 87 ans.
C’était d’abord une voix reconnaissable entre toutes, qu’on entendait naguère sur l’antenne d’Europe 1 pour sa chronique quotidienne de quelques minutes. Cette voix, au timbre un peu métallique m’évoquant celle des héros de films américains doublés en français, captait immédiatement l’attention du public. Son éloquence naturelle, la clarté de l’exposé - à l’oral comme à l’écrit - avaient le don de rendre intelligibles les sujets les plus complexes et, par ricochet, de rendre "intelligent" l’auditeur. La voix de ce journaliste talentueux et exigeant, qui a côtoyé les grands décideurs de ce monde pendant plus de trois décennies - lui qui venait d’un milieu modeste -, nous manquera pour éclairer les enjeux économiques et géopolitiques qui sont devant nous. Cet humaniste passé par la JEC (Jeunesse étudiante chrétienne), européen convaincu, avait été un observateur averti des grands événements du 20ème siècle comme il l’a raconté dans un de ses derniers ouvrages « 2029 ou Comment j’ai traversé trois siècles en cent ans » (éditions Salvator). Puisse sa curiosité d’esprit, son acuité intellectuelle, la pertinence de ses analyses - telles que celles portant sur l’avenir du travail (« Le travail dans vingt ans » - Odile Jacob 1995) -, et aussi son optimisme, inspirer tous ceux qui, à sa suite, s’efforcent de baliser les chemins du progrès économique et humain.

Rémy Arnaud qui a collaboré au Groupe Expansion, comme l’auteur de ces lignes, retrace le riche parcours de Jean Boissonnat, auprès de qui nous avons eu la chance de travailler quelques années.

J.G.

Un journaliste exigeant, un pédagogue talentueux, un observateur engagé

Jean Boissonnat

Jean Boissonnat fut certainement le journaliste économique le plus brillant de sa génération. Mais pas que cela.

Celui qui toute sa vie durant allait fréquenter le gotha des affaires et de la politique était né le 16 janvier 1929 dans une famille ouvrière de la région parisienne, son père était ajusteur. Une ascendance pour laquelle il éprouvait une très grande fierté et qui faisait de lui un parfait exemple de ce qu’il est convenu d’appeler la « méritocratie républicaine ». Lorsqu’il commence ses études supérieures, on est au début des « Trente glorieuses » et l’ascenseur social fonctionne encore à plein.

Bachelier, Jean Boissonnat opte donc pour Sciences-Po Paris. Le célèbre établissement de la Rue Saint-Guillaume reste encore très marqué par son recrutement dans les beaux quartiers de la capitale. Il ne manquera pas de souligner plus tard l’expérience singulière que fut pour lui son entrée dans cet univers très représentatif des milieux dirigeants.

C’est évidemment sur les bancs de cette école que le futur journaliste allait apprendre ce qui va constituer la trame de sa vie professionnelle avec ses deux composantes essentielles : l’économie et la politique. Mais Jean Boissonnat n’allait pas se contenter de se plonger dans les écrits de Keynes, de Jean Fourastié ou d’Alfred Sauvy, il allait aussi s’engager dans les débats de son temps. Catholique fervent c’est tout naturellement qu’il rejoint les rangs de la JEC (Jeunesse étudiante chrétienne). On était alors dans les années 1950, la France se reconstruisait à toute vitesse, les grands débats politiques du moment allaient donner autant d’occasions de se passionner pour la chose publique : la décolonisation, la création de la Communauté européenne, la Guerre froide... Des sujets auxquels le jeune Boissonnat n’allait pas manquer de se frotter.

Les valeurs humanistes qui l’inspireront toute sa vie n’en feront pas qu’un observateur de la marche du monde : il sera aussi un homme d’engagement comme l’a consacré son mandat de président des Semaines sociales de France (de 1995 à 2000).

On ne sera pas surpris d’apprendre qu’à l’issue de ses années d’études à Sciences-Po, Jean Boissonnat se présenta au concours de l’ENA (Ecole nationale d’administration), la pépinière de la haute fonction publique. Mais il n’intégrera pas finalement cette célèbre école et avouera plus tard avoir souffert de cet échec.

Il n’y pourtant pas lieu de le regretter : si la République y a perdu un haut fonctionnaire, le public et la démocratie y ont gagné un journaliste hors du commun. Il aura d’ailleurs l’occasion de prendre sa revanche sur ce revers : des années plus tard, alors au faîte de sa notoriété journalistique, Jean Boissonnat fut choisi... pour présider le jury d’admission à la prestigieuse école d’administration !

A la sortie de ses études, il choisit donc le journalisme. Choix judicieux, tant il y fera merveille. Le voici donc au quotidien catholique « La Croix » dont il devient rapidement le chef du service Économie. Un journal en phase avec ses convictions où il se fit rapidement connaitre par la pertinence de ses analyses et ses exceptionnelles capacités de vulgarisateur. Ce vénérable quotidien, édité par la congrégation des Assomptionnistes, avait fait œuvre de pionnier en lançant, sous sa direction, un supplément économique peu de temps avant que « Le Monde » ne lance le sien... Il n’en fallait pas plus pour attirer l’attention d’une figure du monde médiatique qui s’apprêtait alors à lancer un magazine économique : Jean-Louis Servan-Schreiber, trente ans tout juste à l’époque et qui "débauche" le journaliste de la rue Bayard.

Ainsi est née en 1967 «  L’Expansion ». A vrai dire, le choix de Jean Boissonnat pour en animer la rédaction fut alors une surprise dans le petit monde de la presse. Comment allait fonctionner ce tandem improbable entre le rejeton d’une dynastie de gens de presse, bourgeoise et américanophile, que son frère Jean-Jacques avait fait connaitre urbi et orbi, avec un journaliste totalement étranger à l’establishment, issu de la presse confessionnelle et, pour ne rien arranger, ne parlant pas anglais, la langue incontournable des affaires ? Certains doutaient de la pérennité d’un tel projet. Eh bien, non ! le binôme allait fonctionner, et comment !

Fruit de leur collaboration, « L’Expansion » devint rapidement le journal de référence du monde économique et de la vie des affaires, tout en se révélant une entreprise de presse fort prospère. Le pari de ses fondateurs étant que les cadres, les lecteurs-cibles de ce nouveau mensuel, allaient devenir la catégorie socioprofessionnel la plus nombreuse. Et qu’ils représentaient une cible de choix pour les annonceurs publicitaires que le magazine a rapidement su attirer et fidéliser en grand nombre avant l’avènement de l’ère Internet (au point que pour absorber toutes la pages de pub qui affluaient au faîte de sa gloire, le mensuel avait dû passer au rythme bimensuel).

Les éditoriaux de Jean Boissonnat largement repris et commentés trouvèrent pendant des années un prolongement avec sa chronique quotidienne en direct sur les ondes d’Europe 1 - radio qui au début des années 1980 avait fait une place dans ses programmes à l’humoriste Coluche. Une cohabitation radiophonique qui amusait beaucoup Jean Boissonnat et que certains de ses interlocuteurs ne manquaient pas de railler.

A ses éditoriaux largement repris dans la presse régionale (Ouest-France, Midi-Libre), Jean Boissonnat allait ajouter de nombreux ouvrages dont certains co-écrits avec des personnalités connues du monde économique comme Michel Albert ou Michel Camdessus, deux personnalités dont il était très proche (voir sa bibliographie en fin d’article).

Arbitre d’un débat décisif...

INA - Débat télévisé pour les présidentielles de 1981Jean Boissonnat ne manquait pas d’intervenir régulièrement dans les débats télévisés où la clarté de son expression faisait merveille. Il n’est donc pas étonnant qu’il fut choisi lors de l’élection présidentielle de mai 1981, avec sa consœur Michèle Cotta, pour arbitrer le grand débat à la télévision entre les finalistes du second tour, François Mitterand et Valéry Giscard d’Estaing...

Cette notoriété et son don pour la vulgarisation lui valurent une reconnaissance du grand public. C’est l’époque où des sondages réalisés par de grands médias auprès de leurs lecteurs le plaçaient invariablement au somment de sa profession.

Une pépinière de presse fertile...

Au fil des ans « L’Expansion » allait faire des petits : La lettre de L’Expansion, une lettre d’informations confidentielles, le Club de L’Expansion, animé par Philippe Lefournier qui réunissait, pour des rencontres et des voyages d’études, un cénacle de hauts dirigeants ; sans oublier les Forums de L’Expansion où défilaient les ministres et les hommes d’affaires les plus en vue, ou encore le mensuel « Lire » lancé avec Bernard Pivot. Au milieu des années 1980, les cofondateurs de« L’Expansion » ont l’idée de s’adresser aussi aux dirigeants de PME dont le poids et le rôle dans l’économie française sont grands mais largement méconnus, en lançant, en partenariat avec le Groupe Ouest-France (dont Jean est un des administrateurs), le mensuel « L’Entreprise » dont la direction est confiée au journaliste Jacques Barraux. (1)
On se souviendra aussi du rachat en 1987 à Bruno Bertez du quotidien La Tribune de l’économie, rebaptisée « La Tribune de L’Expansion », dont Jean Boissonnat assurera la direction jusqu’en 1992 (avant la cession de ce titre) ; le Groupe Expansion est, à ce moment-là, à l’apogée de son développement en France et à l’international, employant plus de 800 personnes dans son immeuble dominant le Parc André-Citroën ...

Au cours de ses plus de quarante années d’existence, le Groupe Expansion a été - et c’est sans doute un autre volet remarquable de sa réussite - la pépinière fertile de nombreux talents journalistiques qui ont "essaimé" ailleurs. Sans que cette liste soit exhaustive, citons Vincent Beaufils, directeur de « Challlenges », Hedwige Chevrillon et Emmanuel Lechypre de BFM, Vincent Giret du « Monde », Jean-Marc Vittori, éditorialiste aux « Echos », François Lenglet de France 2 (dont le talent de vulgarisateur rappelle celui de Boissonnat), Christine Kerdellant, directrice de « L’Usine Nouvelle », Eric Meyer de « Geo »... sans oublier le nouveau directeur de la rédaction de « L’Express » Guillaume Dubois...

Près de trois décennies après la création de « L’Expansion », lorsque Jean Boissonnat, à l’âge de 65 ans, décide de quitter la barre du magazine, ses collègues du journal lui font une surprise : une édition spéciale du magazine faisant le bilan d’une vie bien remplie avec la publication de ses textes les plus marquants et des photos retraçant ses innombrables rencontres avec les grands ce monde, Georges Bush, Jean-Paul II, Helmut Schmidt, ainsi qu’une galerie de nombreux dirigeants politiques et acteurs de l’économie.

Le journaliste économique rejoint alors, jusqu’en 1997, le Conseil monétaire de la Banque de France, un aréopage de neuf sages épaulant le Gouverneur, Jean-Claude Trichet, dans ses décisions.
Européen convaincu, proche de Jacques Delors, Jean Boissonnat s’est beaucoup impliqué dans la préparation du lancement de la monnaie unique au tournant du siècle.

Ensuite, le journaliste ne cessera jamais de faire entendre sa parole, chaque fois qu’on la sollicitait, donnant des conférences, écrivant des livres et des éditoriaux notamment pour Ouest-France, sans négliger son engagement au sein des Semaines sociales de France et dans la promotion d’une vision chrétienne de la société et du progrès humain.

Rémy Arnaud

(1) Les titres L’Expansion et L’Entreprise appartiennent aujourd’hui au Groupe Altice-SFR Médias, également propriétaire de L’Express.

Quelques titres parmi les livres de Jean Boissonnat

- "Le Journal de Crise 1973-1984", éditions Jean-Claude Lattès (1985), prix Zerilli-Marimo 1985

- "Crise Krach Boom", en collaboration avec Michel Albert, éditions du Seuil (1988)

- "Le Travail dans vingt ans" - Rapport du Commissariat général du Plan, éditions Odile Jacob (1995)

- "La Révolution de 1999 - L’Europe avec l’euro", éditions Sand & Tchou (1998)

- "L’Aventure du Christianisme social : Passé et avenir", éditions Bayard/Desclée de Brouwer (1999)

- "Europ€ année zéro", éditions Bayard (2001)

- "La fin du chômage ?", éditions Calmann-Lévy (2001)

- "Notre foi dans ce siècle", en collaboration avec Michel Albert et Michel Camdessus, éditions Arléa (2002)

- "Plaidoyer pour une France qui doute", éditions Stock (2004)

- "La France injuste : 1975-2006 : pourquoi le modèle social français ne fonctionne plus", en collaboration avec Timothy Smith et Geneviève Brzustowski, éditions Autrement (2006)

- "2029 ou Comment j’ai traversé trois siècles en cent ans ", éditions Salvator (2009)

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