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L’instance de dialogue au sein des réseaux de franchise :
en état de mort clinique ?
Rémi de Balmann *
 

Le Conseil des ministres du 22 septembre 2017 a adopté les cinq ordonnances destinées à « renforcer le dialogue social ». Après avoir été signées dans la foulée par Emmanuel Macron, ces ordonnances ont été publiées samedi 23 septembre au Journal Officiel. Selon le communiqué officiel, « de nombreuses mesures entreront en vigueur dès le lendemain de la publication des ordonnances. D’autres (…) nécessitent des décrets d’application qui seront publiés dans les prochaines semaines, et au plus tard au 31 décembre 2017. »
Les responsables des réseaux de franchise s’interrogent légitimement pour savoir si ces ordonnances sont de nature à confirmer l’obligation de création d’une « instance de dialogue dans les réseaux de franchise », dispositif voté par la précédente législature. Nous avons sollicité l’avis de Rémi de Balmann, avocat spécialisé en droit de la franchise, coordinateur du Collège des experts de la Fédération française de la franchise (FFF) qui s’est mobilisée contre ce dispositif imposé aux réseaux de plus de 300 salariés.

Rémi de Balmann :

« La cohérence n’exige-t-elle pas désormais de faire disparaître cette instance de dialogue contre-nature ? ... »

Rémi de Balmann

° Consulendo : Le Gouvernement vient d’adopter les ordonnances visant à renouveler le dialogue social dans les entreprises, et notamment les plus petites, lesquelles ne comptent généralement pas de délégués syndicaux. Ces ordonnances corroborent-elles, selon vous, l’obligation pour les réseaux de franchise de créer une « instance de dialogue » instituée par la loi El Khomri  ?

- Rémi de Balmann : Aucune des cinq ordonnances adoptées par le gouvernement d’Edouard Philippe n’évoque cette si controversée instance de dialogue institué par l’article 64 de la loi El Khomri. Pour autant, cela ne signifie nullement que cette instance survivra encore longtemps dans l’ordre juridique. Certes, en sa qualité de ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique de l’époque, Emmanuel Macron a bien apposé sa signature au bas de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnel, dite « loi El Khomri ». Rien n’indique cependant qu’il ait été particulièrement favorable à cette instance… Au moment où le Conseil des Ministres, sous la présidence désormais d’Emmanuel Macron, a décidé par ordonnances de fusionner délégués du personnel, comité d’entreprise et CHSCT au sein d’un conseil social et économique (CSE), unique dans les entreprises de plus de 50 salariés, la cohérence n’exigerait-elle pas de faire disparaître cette instance que nous jugeons contre-nature ?

Rappelons que le rapporteur du projet de loi El Khomri soulignait lui-même que l’amendement proposant de créer cette instance soulevait « plusieurs questions, notamment juridiques. L’une d’elles tient au choix de l’instance suggérée. Pourquoi ne pas avoir plutôt opté pour la reconnaissance d’une unité économique et sociale (U.E.S.) ? Pourquoi avoir choisi une instance de droit commun et non pas une négociation conventionnelle au sein du réseau des franchisés ? ».

On se souvient d’ailleurs que c’est la C.F.D.T. qui a convaincu le gouvernement Valls d’intégrer dans la loi El Khomri cette instance comprenant des représentants du franchiseur, des franchisés et des salariés de ces derniers. Instance dont le Gouvernement Valls s’est efforcé – sous la vigoureuse et efficace campagne de mobilisation des fédérations professionnelles au premier rang desquelles la F.F.F. – d’en limiter la portée en reconnaissant lui-même que la franchise ne faisait nullement naître – par elle-même – « une relation de dépendance et de subordination entre le franchiseur et les salariés des franchisés » (observations du gouvernement devant le Conseil constitutionnel).

Contrairement à l’argumentaire de la C.F.D.T. pour qui : « Croire et faire croire que le franchisé est un indépendant qui fait ce qu’il veut, c’est ignorer qu’il doit respecter de nombreuses contraintes, y compris de gestion, imposées par les réseaux » (Interview d’Olivier Guivarch, secrétaire général de la fédération services de la C.F.D.T. dans le magazine LSA ).

Le Gouvernement Valls devait même souligner que dans « l’économie du système de franchise (…) il n’existe pas de relation de travail salarié entre le franchiseur et les salariés du franchisé ». Ainsi, dans sa version finale, l’article 64 de la loi El Khomri a très largement restreint le rôle de cette fameuse instance, supprimant notamment l’obligation d’avoir à lui transmettre des informations portant « sur (…) l’évolution et les prévisions d’emploi annuelles ou pluriannuelles et les actions éventuelles de prévention envisagées compte tenu de ces prévisions, la politique sociale et les conditions de travail de l’ensemble du réseau » ou encore les « décisions concernant l’organisation, la gestion et la marche générale du réseau de franchise (…) » ...

En définitive, comme l’aurait dit Jean de la Fontaine, « la montagne a accouché d’une souris » (« La Montagne qui accouche », livre V, fable 10).

° Consulendo : Dès lors, allez-vous continuer à vous mobiliser avec les professionnels de la franchise pour obtenir l’abrogation cet article 64 de la loi El Khomri qui est pourtant gravé dans le marbre - le décret d’application ayant été publié ?

- Rémi de Balmann : Même réduite à l’état d’ectoplasme, cette instance de dialogue reste – sur le papier – un non-sens juridique qu’il convient d’abolir. Dans les faits, certes, les syndicats ne se sont pas rués – et pour cause – pour solliciter la mise en place de ces instances de dialogue dans les réseaux de franchise...

En réponse au rapporteur du projet de loi d’habilitation des ordonnances qui lui demandait d’éclairer le Sénat sur le bilan de cette instance, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, précisait le 25 juillet 2017 : « (Cette instance) n’a toujours pas vu le jour, personne n’ayant encore sollicité sa création. Il est urgent d’attendre ». Il convient de rappeler que ce ne sont évidemment pas aux franchiseurs à déclencher la constitution de ces instances de dialogue.

Les franchisés ne sauraient pas plus en prendre l’initiative, contrairement à ce qu’a soutenu mon confrère Serge Meresse auquel j’ai répondu dans une tribune publiée par LSA. En effet, et au rebours de la première version du texte (article 29 bis A), l’article final (article 64) a supprimé la possibilité pour les franchisés de demander la création de l’instance de dialogue. La constitution d’une instance de dialogue ne doit être envisagée que lorsqu’«  une organisation syndicale représentative au sein de la branche ou de l’une des branches dont relèvent les entreprises du réseau ou ayant constitué une section syndicale au sein d’une entreprise du réseau le demande ».

Rappelons aussi que le décret n° 2017-773 du 4 mai 2017 censé définir le processus de constitution de cette instance de dialogue a fait naître davantage de questions qu’il n’en a levé les ambiguïtés structurelles et congénitales...

Qui se satisferait aujourd’hui des lacunes et contradictions de ce décret, signé par Bernard Cazeneuve, alors Premier ministre, l’avant-veille de l’élection d’Emmanuel Macron à la Présidence de la République ?

L’actuel gouvernement n’a lui-même pas fait mystère de son souhait de voir abroger cette instance de dialogue dans les réseaux de franchise. Et l’occasion va lui être donnée de mettre un terme au trouble suscité chez les franchiseurs par la création de ce dispositif contre-nature.

L’article 38 de la Constitution dispose, en effet, que : « Le gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi - ordonnances prises en Conseil des ministres après avis du Conseil d’État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation ».

Je précise que la loi du 2 août dernier habilitant le Gouvernement à recourir aux ordonnances dispose que : « Pour chacune des ordonnances prévues aux articles 1er à 6, un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de sa publication ». Les ordonnances étant désormais publiées, le gouvernement va donc déposer un projet de loi de ratification de ses ordonnances d’ici au plus tard le 23 décembre et sans doute bien avant.

Or et alors même qu’un sénateur suggérait d’introduire dans la loi d’habilitation de ces ordonnances une habilitation supplémentaire pour supprimer l’instance de dialogue de la loi El Khomri, il lui a certes été rétorqué par le rapporteur du texte que cet amendement était irrecevable, le même rapporteur, en l’occurrence le sénateur Alain Milon (LR), tenant toutefois à jouter : « Je l’approuve sur le fond ». Et la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a elle-même précisé que : « Nous pourrons y revenir le moment venu ». Quant à Alain Richard, vice-président LREM de la commission des lois du Sénat, il a surenchéri en précisant : « La loi de ratification, dans quelques mois, sera un véhicule plus approprié ».

Devrait donc être « débarquée » de la loi El Khomri cette instance de dialogue, véritable "passager clandestin" qui n’avait rien à y faire, ainsi que nous l’avons toujours dit.

L’emploi du futur – et non pas du conditionnel (« La loi de ratification, dans quelques mois, sera un véhicule plus approprié ») – constitue, en effet, à nos yeux plus qu’une promesse mais un engagement !

- * Rémi de Balmann est avocat à la cour d’appel de Paris. Diplômé de Sciences-Po Paris et titulaire d’un DEA de droit des affaires (Paris II - Assas), il est gérant du cabinet D, M & D, spécialiste du conseil et de la défense des têtes de réseaux. Outre ses activités de conseil et de plaideur, il participe à de nombreuses conférences et colloques et écrit régulièrement des articles sur les réseaux et leur évolution. Ruban de la franchise 2015, il est coordinateur du Collège des experts de la Fédération française de la franchise.

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