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Vers l’entreprise à valeur humaine :
une démarche volontaire capable de régénérer le dialogue social
Par Alain Mollinier *
 

Réagissant à notre réflexion sur l’"entreprise à valeur humaine", Alain Mollinier, spécialiste en gestion RH, nous fait part de ses propositions pour mettre en œuvre une démarche managériale source de progrès social.

Vers l’"entreprise à valeur humaine" :
une démarche volontaire capable de régénérer le dialogue social Alain Mollinier

Par Alain Mollinier *

Que le capital humain soit indispensable à la réussite de l’entreprise, qu’il soit considéré comme une ressource et non pas une charge, n’est-ce pas ce que les premiers mouvements de grève du monde industriel voulaient déjà signifier, en montrant que sans les hommes et les femmes qui produisent, l’entreprise ne peut fonctionner ?

Rappelons qu’une entreprise, quel que soit son domaine d’activité, c’est d’abord et surtout :
-  Des clients et
-  Des salariés qui produisent les services ou les produits achetés par les clients.

Tout le reste – management, finances, RH, logistique,… - ne sert qu’à la production des biens et services et à la satisfaction du client.

Cette prise de conscience remonte au milieu du siècle dernier, période de contestation du modèle taylorien et d’émergence de la notion de management participatif. Cette approche visait à mettre l’Homme au centre du fonctionnement de l’entreprise et, ainsi, à faire vivre une "entreprise à valeur humaine". Mais elle n’avait cependant pas débouché sur une "quantification" de cette valeur humaine.

Depuis les années 1970, nous assistons en parallèle de cette évolution, à un accroissement vertigineux de la norme - comme l’actuel débat sur la refonte du Code du travail vient le souligner.
Qu’il s’agisse des grands accords de branche qui l’emportaient jusqu’à très récemment sur les accords d’entreprise, des textes de loi trop souvent pris en réaction à une situation plus que dans une vision de cohérence du droit, empilés sur les textes antérieurs et que la refonte de 2007 du Code du travail a alourdi plus que simplifié, ou des textes relatifs à l’environnement, ou à la Responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE), … le résultat en est une complexité croissante de gestion.

Cette complexité alourdit le fonctionnement au quotidien de l’entreprise et son coût par la nécessité de mobiliser des ressources spécialisées en droit (RH) ou de conseils spécialisés externes (avocats, qualiticiens, …).

Cet alourdissement des normes sociales et réglementaires, en soi, ne s’oppose pas à la mise en œuvre d’une démarche participative.

Pourtant seul un petit nombre d’entreprises a mis ou cherche à mettre en place une gouvernance conduisant à une "entreprise à valeur humaine" au sens où la définit Jacques Gautrand. Pourquoi ?

Les causes de cette situation sont multiples :

- Coté dirigeants, leur formation, culture, cursus ne les conduisent pas - ne les accoutument pas - à une telle approche. Ils sont souvent issus des « grandes écoles » ou des "grands corps" - X, ENA, Mines-, ils fonctionnent par cooptation et trustent les directions de groupes. Ou bien, ils sont munis de solides diplômes (HEC, Centrale, Université….), mais ils ont été formés au management selon des schémas tayloriens. Soit ils sont autodidactes, et ils pilotent leur entreprise souvent à l’intuition, et en fonction des urgences qui s’imposent à eux...

Observons aussi que beaucoup de dirigeants, particulièrement dans les PME et les TPE se sentent seuls. « Un chef d’entreprise isolé est un chef d’entreprise en danger » me disait un président d’union patronale. Il soulignait ainsi que l’art de diriger une entreprise n’est pas inné et peut s’apprendre, en tout cas se perfectionner. Mais cela demande de la volonté, des compétences et du temps.

- Coté salariés, rappelons que la plupart d’entre eux vont travailler pour assurer leur subsistance et un niveau de vie acceptable pour leur famille. La question première est alors celle de la rémunération. Se réaliser dans son travail, y trouver une forme d’épanouissement personnel, ne peut se produire que si l’individu a le sentiment que son travail est correctement/justement payé. Cette notion de "juste traitement" est au cœur de la vie au travail et produit, selon qu’elle est effective ou non, motivation ou rejet. Ajoutons à cela une culture bien française faisant encore référence à la « lutte des classes », une vision négative du "patron" et une perception péjorative de l’entreprise privée, qui conduisent, en réaction, nombre de travailleurs à rechercher d’abord la « sécurité de l’emploi » et à s’orienter vers la fonction publique ...

Enfin, les évolutions liées à l’introduction de l’Internet et des nouvelles technologies qui permettent une connexion permanente, à distance, n’ont pas vraiment changé les attentes des salariés. Certains trouvent, grâce à ces outils numériques, une plus grande autonomie dans l’organisation de leur travail . Tandis que d’autres craignent un contrôle plus fort... Mais ne sont-ils pas déjà contrôlés dans leur travail quotidien au sein des locaux de l’entreprise ? Les frontières entre temps de travail et temps libre se brouillent aussi, contrepartie de l’autonomie procurée par ces nouveaux moyens ? Certes cela appelle à définir des règles du jeu, par exemple fixer des périodes de déconnexion, mais celles-ci doivent rester compatibles avec le libre arbitre de chaque salarié. Évitons ce travers de penser et de décider à leur place !

Cependant, le sentiment d’appartenance est une réalité du monde du travail et son besoin me parait aujourd’hui renforcé par l’éclatement des modes et lieux de travail.

En dépit de ces freins, il me semble que le modèle « d’entreprise à valeur humaine », pourrait être adopté par tout chef d’entreprise qui le désire.

Examinons quelques pistes qui permettraient d’y parvenir :

-  Préparer soigneusement cette démarche. Le dirigeant qui veut s’engager dans la voie de « l’entreprise à valeur humaine », doit prendre le temps de se documenter, visiter des entreprises déjà engagées dans ce processus, dialoguer avec des dirigeants et salariés de ces entreprises, en particulier chercher à capter ce qui fait le succès de la démarche mais aussi les difficultés rencontrées et comment elles ont été surmontées.

-  Mûrir et monter son projet comme « un business plan », c’est à dire élaborer un argumentaire clair, compréhensible et "audible" par tous les salariés et donc convaincant.

-  Définir une méthodologie d’action qui donnera des étapes, des repères et des objectifs.

-  Questionner son propre style de management et celui de ses encadrants ;

-  Associer son encadrement à la démarche dès son origine, de façon à permettre une appropriation du projet par ces relais. Tendre vers « l’entreprise à valeur humaine », suppose de la part des encadrants une capacité de remise en cause sur leurs méthodes de management, le développement de leur écoute et sens du dialogue.

-  Conduire avec ses encadrants un dialogue continu avec le personnel pour assurer la compréhension et acceptation de l’évolution / changement que comporte la démarche vers « l’entreprise à valeur humaine ». Cela conduit à :

- o Présenter et faire partager la stratégie et la finalité de l’entreprise,
- o Décliner les objectifs qui en découlent,
- o Et ainsi clarifier les rôles et responsabilités de chacun,
- o Entendre les objections et les lever,
- o Fournir les moyens nécessaires au processus engagé…

-  Evaluer avec le personnel les résultats produits par « l’entreprise à valeur humaine »,

-  Et enfin partager ce résultat sous différentes formes : primes, intéressement, actionnariat, accroissement de responsabilités, programmes de formation,…

En conclusion, soulignons qu’il s’agit d’une démarche continue qui, en s’appuyant sur les compétences de chacun, à sa place, en favorisant initiatives et autonomie, et donc responsabilisation, génère de la confiance des salariés concernés par et concentrés sur la réussite de « leur » entreprise.

C’est alors que la "valeur humaine" de l’entreprise peut se mesurer et être quantifiée comme un actif, pas seulement à l’occasion de cessions ou fusions comme on le fait lors des « due diligences », mais sur une base permanente (annuelle) devenant un élément clé du dialogue social interne à l’entreprise.

Alain Mollinier

* Diplômé de "Sciences-Po" Paris, ancien inspecteur du travail, Alain Mollinier a occupé des fonctions de DRH et de DAF dans des filiales de groupes industriels. Il a ensuite rejoint le monde du conseil en Ressources Humaines comme directeur régional d’une société de conseil. Depuis 2003, il intervient comme consultant indépendant en management et RH auprès d’entreprises et d’institutions qu’il accompagne, de la conception de la stratégie sociale à sa mise en œuvre opérationnelle.

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