Les français et l’entreprise ; les Français et les entrepreneurs.
Les insatisfactions que ressentent aujourd’hui les salariés dans l’entreprise, on les retrouve clairement exprimées dans une autre enquête réalisée par l’Ifop pour le cabinet Michael Page et le quotidien Le Monde à l’occasion de la remise du "Trophée du Capital humain" en juin. (2) Les salariés des grands groupes interrogés y font état du « manque d’écoute et de reconnaissance » de la part de leurs managers ; « ils estiment à 64% que leur implication personnelle est mal prise en compte dans leur rémunération ; ils déplorent aussi un partage inéquitable des profits entre dirigeants, actionnaires et salariés ... »
Cependant, 73% des sondés se déclarent satisfaits de leur situation professionnelle. Et le travail demeure une source de réalisation de soi et « d’épanouissement personnel » pour 65% des sondés dans l’enquête BVA-BPI-L’Express.
Fierté d’appartenance à l’entreprise
Ainsi malgré les réserves exprimées quand aux modes de management ou d’organisation, une large majorité de salariés valorisent leur appartenance à leur entreprise : 71% des sondés se disent « fiers de travailler pour leur entreprise » (BVA) ; ils sont également 72% à exprimer ce sentiment dans l’enquête Ifop pour Michael Page …
S’ils apprécient l’entreprise dans laquelle ils travaillent, quelle opinion les salariés ont-ils de leurs dirigeants ? Les résultats sont plus contrastés : selon BVA, 12% en ont une très bonne image ; 48 % plutôt une bonne image (total 60%, en baisse par rapport à 2007) ; à comparer aux 10% qui en ont une très mauvaise image et aux 29% plutôt une mauvaise ...
Plus l’entreprise est petite, plus le dirigeant est apprécié ...
On notera que l’image du dirigeant est d’autant plus bonne que l’entreprise est petite : 76% des salariés de TPE ont une bonne opinion de leur patron contre 54% dans les sociétés de plus de 1000 salariés ...
C’est, en effet, une constante de nombreuses enquêtes : les dirigeants de PME ont davantage la cote aux yeux des Français que les PDG des grands groupes - et la crise financière n’a pas arrangé les choses auprès de l’opinion publique.
Une autre enquête réalisée par OpinionWay à l’occasion du Salon des Entrepreneurs de Lyon (3) confirme ce clivage : 87% des sondés font confiance aux patrons de PME/TPE pour contribuer au dynamisme de l’économie, alors qu’ils ne sont que 30% à accorder leur confiance aux dirigeants des grandes entreprises …
Besoin de proximité
Cette enquête fait ressortir le besoin de proximité que les Français adressent aux entrepreneurs. Ils les considèrent d’abord comme les créateurs du développement économique local ; et un développement qui doit être générateur d’emplois.
Quand OpinionWay demande aux sondés de caractériser « l’entrepreneur idéal », ils répondent majoritairement : « celui qui crée des emplois ». (Alors que lorsque l’on pose cette question aux seuls entrepreneurs, ils répondent quant à eux : « celui qui à une passion à faire partager » !).
Dans une période de profondes mutations, l’entreprise reste donc un point d’ancrage très fort pour les Français. Ils attendent surtout de celle-ci qu’elle leur apporte de la sécurité économique dans un monde incertain et lourd de menaces.
Ces différentes enquêtes font aussi apparaître une forte demande de reconnaissance personnelle : un levier de motivation que les cadres dirigeants devraient davantage prendre en compte (Les courriels et les tableurs ne remplacent pas la qualité de la relation interpersonnelle ! on ne fait progresser ses collaborateurs qu’en leur accordant de l’attention ...).
L’attachement des Français à des entreprises à « taille humaine » est une excellente nouvelle pour les entrepreneurs. Cela doit stimuler leur énergie et leur implication. Cela accroît aussi leur responsabilité économique et sociétale. Notamment vis à vis des jeunes qui décrivent "l’entrepreneur idéal" comme « celui qui s’inscrit dans le développement durable » (sondage OpinionWay) ...
Les entrepreneurs d’aujourd’hui créent les emplois de demain
Face à l’explosion des déficits publics et à l’indispensable réforme de l’Etat Providence asphyxié par son hypertrophie, les Français ont pris enfin conscience que « les entrepreneurs d’aujourd’hui sont les emplois de demain » : 86% des sondés par OpinionWay. Une reconnaissance qui transcende les clivages politiques : 94% des électeurs de droite et 84% des électeurs de gauche partagent ce point de vue.
Un consensus qu’on aimerait bien retrouver sur d’autres enjeux économiques d’avenir pour notre pays.
Jacques Gautrand
jgautrand [ @ ]consulendo.com
Notes :
(1) Sondage BVA pour BPI et L’Express , réalisé du 28 avril au 6 mai 2010 auprès d’un échantillon de 1000 salariés représentatif de la population active occupée.
Découvrez les résultats du sondage
(2) Sondage IFOP pour Michael Page réalisé du 29 avril au 6 mai 2010 auprès d’un échantillon de 1004 salariés d’entreprises de plus de 1500 personnes.
Découvrez les résultats du sondage
(3) Sondage OpinionWay réalisé pour Ciel et CCI-Entreprendre en France, à l’occasion du Salon des Entrepreneurs de Lyon. Etude quantitative réalisée du 28 au 30 avril 2010 auprès d’un échantillon de 1047 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
Découvrez les résultats du sondage
* Sur le "malaise dans le travail", on lira avec attention l’article que Dominique Méda consacre à un essai de Matthew B. Crawford : « Eloge du carburateur - Essai sur le sens et la valeur du travail » (éditions La Découverte - 2010) sur le site Liens socio , le portail francophone des sciences sociales :
« Le malaise actuel de la société tient en partie au malaise dans le travail, au malaise du travail. Le sens du travail s’est perdu, le travail ouvrier et le travail de bureau ont subi une dégradation certaine, les travailleurs ne comprennent plus ce qu’ils font : tout se passe comme si les biens et services qu’ils produisent se dressaient devant eux telle une puissance étrangère. (...)
Les travailleurs ne sont plus en confrontation directe avec le réel, ils ne savent plus pour l’élaboration de quel produit final ils travaillent, ils doivent poursuivre des objectifs qui sont purement instrumentaux et ne sont plus en rapport avec le bien ou le service à produire : les logiques qui se sont interposées entre le réel à transformer et les travailleurs, les objectifs intermédiaires inventés par les managers, devenus pour eux objectifs finaux, ont créé un niveau de réalité qui rend l’exercice du travail insensé au sens propre du terme. »
Lire l’article de Dominique Méda
|