Le travail n’est pas « fini ». Il se transforme radicalement.
Le contenu du travail, son organisation, les modalités de son exercice sont en mutation permanente. Cette métamorphose continue déjoue d’ailleurs bien des prédictions hâtives. L’accélération des transformations en cours ne manque pas d’inquiéter une part croissante des actifs qui se demandent si leur job ne va pas devenir obsolète ou si leur activité ne va pas se faire « uberiser »…
Si le fameux principe schumpetérien de la « destruction créatrice » s’est confirmé avec les précédentes révolutions techniques, il paraît moins transposable aux mutations actuelles qui se caractérisent par un rythme accéléré et une dimension protéiforme : bien malin qui peut dire par quoi seront remplacés les emplois qui deviennent obsolète aujourd’hui…
Parlons "métiers", "activités" plutôt que "d’emplois"
En fait, le terme « emploi » nous induit en erreur : Évitons de raisonner en termes de « création d’emplois » ou de « destruction d’emplois ». Cela correspond à une vision passée de l’économie où les mines, les industries de masse, étaient largement pourvoyeuses « d’emplois » et siphonnaient les travailleurs ruraux et les immigrants en quête d’une « meilleure situation ». Ce modèle du « transfert » massif de main d’œuvre d’un secteur à l’autre a vécu.
Car l’économie contemporaine est éclatée, morcelée, délocalisée, « dématérialisée » et organisée « en réseau » : elle s’appuie sur des flux de données numérisées (informations, innovations, brevets, concepts…), sur des flux de capitaux transfrontaliers et suppose, par conséquent, une mobilité/flexibilité des travailleurs. C’est une des clés d’explication de la mutation en cours du travail.
Le grand changement est que cette « nouvelle » économie n’est plus « pourvoyeuse d’emplois » comme jadis mais demandeuse de compétences, d’expertises, de savoir-faire, de savoir-être … C’est à dire de prestations de « professionnels » capables, grâce à leur « métier » et à leurs qualités spécifiques, de répondre, pour des temps plus ou moins longs, à la demande d’organisations qui se positionnent davantage comme des « donneurs d’ordres » que comme des employeurs…
Voilà pourquoi le statut du « salarié à vie » dans la même entreprise est remis en cause (et l’interdiction des licenciements prônée par certains n’y changera rien).
Voilà pourquoi les différentes formes de travail indépendant se développent un peu partout. Et ce mouvement est loin d’être terminé.
Il faut donc accepter d’affronter lucidement cette mutation du travail plutôt que de vouloir taxer les robots ou distribuer à tous une aumône publique !
Et repenser tout notre modèle social en élaborant un statut de "l’actif" et non plus du "salarié"...
Non, le travail n’est pas fini, car les besoins sont infinis !
Les compétences, les talents, les savoir-faire, les savoir-être, sont des atouts très recherchés pour mieux répondre aux besoins de marchés qui se développent sous nos yeux : traitement et analyse des méga-données (« Big Data »), marketing et relation-client à l’heure du e-commerce, plateformes « collaboratives », services après-vente et assistance en ligne, recherche et applications dans les biotechnologies, secteur des éco-techniques et des énergies renouvelables, commerces en circuits courts, encadrement/animation des activités ludiques, culturelles, touristiques, sportives, services aux particuliers, assistance aux personnes fragiles ou dépendantes, secteur de la formation, du coaching, de la santé, de la beauté, de la remise en forme … (liste non exhaustive). Soit une multitude d’activités où le « facteur humain » s’avère irremplaçable.
Les besoins sont infinis car nous sommes entrés dans une société « relationnelle » où la demande de services interpersonnels ira croissant, ne serait-ce qu’en raison des évolutions des modes de vie individuels, conjugaux et familiaux et aussi de l’évolution démographique (vieillissement de la population)…
Cela ouvre un champ immense à la création d’entreprises et d’organisations capables d’innover, de professionnaliser ces services et d’enrichir la palette des offres et des prestations.
Cela signifie que le travail ne manquera pas pour répondre à tous ces besoins ! Mais cela suppose aussi que les métiers actuels vont évoluer, qu’ils devront être enrichis, perfectionnés, adaptés en permanence. Cela implique des investissements massifs dans la formation initiale et permanente, tout au long de la vie, afin de permettre à chacun d’actualiser ses savoirs, de les diversifier, afin d’ouvrir des passerelles d’une qualification à une autre, d’un métier à un autre…
Voici un chantier urgent à ouvrir afin de mieux utiliser l’enveloppe des 35 milliards d’euros de la formation professionnelle !
Peu de candidats sont entrés dans cette réflexion de fond sur les mutations du travail. En tout cas, ces problématiques ne sont pas au centre du débat public, c’est le moins qu’on puisse dire...
Et pourtant elles devraient être prioritaires puisqu’elles touchent à notre quotidien et conditionnent assurément notre qualité de vie présente et à venir.
Jacques Gautrand
jgautrand [ @ ] consulendo.com
(1) En référence au titre de l’ouvrage de Jérémy Rifkin « La fin du travail : le déclin de la force globale de travail dans le monde et l’aube de l’ère post-marché » publié en 1995 aux Etats-Unis et l’année suivante en France par les éditions La Découverte.
|