Des livres & des auteurs
Ces entrepreneurs Made in France

Insensiblement, la France est devenue un pays d’entrepreneurs. Une révolution silencieuse dans ce (...)

Lire la suite 
Nos partenaires
 
A méditer...
Recevoir la newsletter
 
Flux RSS
http://lentreprise.lexpress.fr/creation-entreprise/franchise/
Accueil
 
La chronique de Jacques Gautrand - Février-mars 2016
DROIT DU TRAVAIL : LA RÉFORME INTROUVABLE
 

Cette chronique a été mise en ligne le 18 février 2016. Bien avant que le Premier ministre, Manuel Valls n’annonce le report de la présentation du projet de loi El Khomri en conseil des ministres, face à la vague de protestations alimentée par les syndicats de salariés et les syndicats étudiants. Comme nous le craignions, il est probable que le texte de loi final sera édulcoré et ne permettra pas la nécessaire réforme en profondeur d’un Droit du travail conçu à l’ère industrielle dans une société de plein-emploi...

On aurait pu penser que le camp de la réforme progressait en France et qu’on allait enfin s’attaquer à ce "monstre textuel" et réglementaire du Code du travail...

Il y avait eu le rapport du conseiller d’État, Jean-Denis Combrexelle, plaidoyer en faveur de la négociation collective, puis celui de la commission présidée par l’ancien garde des Sceaux (ministre de la Justice) de François Mitterrand, Robert Badinter, chargée de redéfinir « les principes essentiels du droit du travail », remis le 25 janvier 2016 au Premier ministre Manuel Valls...

Et l’on attendait beaucoup du projet de loi de la ministre du Travail Myriam El Khomri portant sur « la négociation collective, le travail et l’emploi » qui devait faire avancer le dossier...

Las, l’actuel Code du travail a encore de beaux jours devant lui !

Si l’on en croit les informations qui ont filtré, il ne faut pas s’attendre à une réforme du Code du travail avant … 2019 ! C’est-à-dire sous une autre mandature !

En fait cette réforme serait confiée, après le vote de la loi, à une « commission de refondation (sic) du Code du travail » … qui disposera de deux ans pour rédiger un rapport à remettre au Premier ministre, sur la base des 61 grands principes généraux définis par la Commission Badinter... Soit une nouvelle usine à gaz comme la France sait en produire !

UN PROJET DE LOI CONTESTÉ AVANT D’ÊTRE DÉBATTU...

Avant même d’être discuté au parlement, le projet de loi de Madame El Khomri a suscité une levée de boucliers aussi bien à gauche, parmi les socialistes eux-mêmes, parmi les syndicats de salariés et de fonctionnaires, parmi les syndicats étudiants, chez les communistes, et aussi parmi les représentants patronaux(1).

Il est désormais très probable que les correctifs du gouvernement Valls et les amendements parlementaires viendront raboter les avancées les plus hardies du texte de loi initial...

Réforme du contrat de travail, lien de subordination, statut des indépendants ... les lacunes du projet de loi

Une fois encore la gauche de gouvernement, social-démocrate (et qui n’ose toujours pas le dire !), se trouve prise au piège de ses propres contradictions, et contrainte de faire le grand écart en voulant concilier l’inconciliable : entre, d’une part, son intention affichée de simplifier l’environnement « textuel » de l’entreprise et lui donner plus de souplesse, et, d’autre part, son engagement historique vis-à-vis de son camp, à « sécuriser » les salariés et à défendre « leurs droits acquis »… Manuel Valls l’a réaffirmé : « dans un code du travail simplifié, les droits des salariés seront mieux connus, mieux compris, et donc mieux appliqués. »

Ceci apportera de l’eau au moulin de ceux qui observent qu’en France « on ne peut réformer … qu’à condition de ne rien changer » !

En effet, on ne sait pas si le projet de loi osera s’attaquera à l’absence d’alternative au dilemme actuel : CDI versus CDD. Il serait hasardeux d’espérer une courageuse avancée en direction d’un « contrat de mission » ( à durée plus variable ou progressive que l’actuel CDD limité), proposition pragmatique, émanant du terrain des entreprises, et qui permettrait à de nombreuses PME/TPE d’embaucher des collaborateurs en fonction de projets spécifiques - dont la pérennité ne peut être garantie a priori, mais présentant des potentiels de développement – une initiative qui lèverait un des obstacles bien connus à la création de nouveaux emplois.

Autre interrogation : le projet de loi comportera-t-il des dispositifs simples et incitatifs, de nature à développer le travail indépendant ? On sait que dans le contexte de chômage de masse structurel (6,5 millions de personnes inscrites à Pôle Emploi toutes catégories confondues, effrayant record historique !), de nombreux français se tournent vers le travail indépendant avec l’espoir de « s’en sortir ». Comme le confirme un récent sondage Opinionway pour l’Union des autoentrepreneurs (UAE), la Fondation Le Roch-Les Mousquetaires, publié à l’occasion du Salon des Entrepreneurs 2016.

Encourager le travail indépendant, repenser le "lien de subordination"...

Le défunt projet de loi NOE que devait défendre Emmanuel Macron début 2016, avait d’ailleurs l’intention de répondre aux dérives de « l’ubérisation » de l’économie, en renouvelant le statut de travailleur indépendant, via notamment l’harmonisation de la protection sociale entre les différentes catégories d’actifs.
L’un des objectifs étant d’encourager les donneurs d’ordre (ETI et grand groupes) à faire davantage appel à des indépendants sans encourir le risque (et les pénalités) qu’un contrat de prestation de services soit requalifié par les inspecteurs du travail en « contrat de travail ».

Ces questions renvoient d’ailleurs à interroger la notion de «  lien de subordination » qui en droit français définit le salariat : cette notion est-elle encore pertinente dans l’économie immatérielle, servicielle et collaborative du 21ème siècle ? Ne faut-il pas remettre complètement à plat l’esprit et les composantes du contrat de travail héritier d’une époque où le salarié « louait sa force de travail » à un employeur et renonçait à son autonomie en échange d’une sécurité matérielle ?

Cela devrait, par la même occasion, inciter les partenaires sociaux à repenser l’ « affectio societatis » qui, jusqu’à présent, caractérise uniquement la solidarité que se doivent entre eux et à l’égard de l’entreprise les actionnaires. Ne faudrait-il pas l’élargir à toutes les « parties prenantes » de l’entreprise à commencer par les salariés, à travers une généralisation de l’actionnariat salarié ? Ne serait-ce pas la meilleure façon de rééquilibrer le rapport capital-travail que les excès condamnables du capitalisme financier ont dangereusement déstabilisé ?

En définitive, le principal reproche qu’encourt cette loi, serait de se révéler incapable de répondre aux immenses défis que représentent les mutations du travail au 21ème siècle.
À suivre !

Jacques Gautrand
jgautrand [ @ ] consulendo.com

(1) NOTE :

- Le porte-parole du PCF, Olivier Dartigolles, interviewé par Le Figaro, estime que, sous le quinquennat de François Hollande, « les salariés n’ont cessé de perdre des droits et les travailleurs des protections. »

- De son côté, la CGPME souligne dans un communiqué à propos du projet de loi El Khomri que « L’augmentation de la durée maximale du temps de travail hebdomadaire, la modulation annuelle du temps de travail ou l’assouplissement des accords de maintien dans l’emploi passeront par des accords signés par des syndicats de salariés... absents de la quasi-totalité des PME. Or, sans accord, les mesures applicables resteront déterminées par la Loi. En clair, si le texte est voté en l’état, les grandes entreprises bénéficieront de plus de souplesse tandis que rien ne changera pour les PME. Une nouvelle forme de distorsion de concurrence...
La CGPME réclame donc, en l’absence de syndicats de salariés, la possibilité d’élargir le pouvoir de négociation des représentants du personnel et, en cas de carence, la possibilité pour l’employeur de recourir, à son initiative, à des référendums d’entreprises.
 »

- Réaffirmant son attachement à « la prévalence de l’accord d’entreprise sur le contrat de travail », le Medef, pour sa part, préconise de « sortir définitivement du carcan des 35 heures qui reste un épouvantail pour tous les investisseurs internationaux et génère des contraintes indues pour la compétitivité des entreprises françaises. »

-  Quant au syndicat des indépendants (SDI), il juge que « l’obligation systématique d’accords de branche ou d’entreprise pour toute nouvelle organisation du travail pénalise particulièrement les TPE et les excluent de fait du projet de loi. Le SDI souligne que près de 90% des entreprises en nombre ne sont pas en mesure de négocier directement, en l’absence d’organisations syndicales en interne. Quant aux conventions collectives, aucune ne prend en compte à ce jour, à l’occasion des négociations, la spécificité des TPE. C’est pourquoi le SDI propose que chaque branche se dote d’une « cellule TPE » en charge d’adapter les opportunités législatives et conventionnelles de branche à ce segment d’entreprises. (…)il est urgent que les TPE puissent enfin disposer de règles simples et adaptées, constatant que 99% des professionnels indépendants jugent le droit du travail complexe ou très complexe et source majeure de frein à l’emploi. »

- Le projet de loi renforce le pouvoir des syndicats dans un pays où leurs "troupes" sont pourtant très clairsemées, puisqu’on ne compte que 3% à 5% de salariés syndiqués dans le secteur privé... Soumettre tout accord dans l’entreprise à l’agrément majoritaire des syndicats ne représente donc aucun progrès, et notamment pour les entreprises de moins de 10 salariés (90% des entreprises !) où il n’y a guère de représentants syndicaux.
L’expert en relations sociales, Eric Verhaeghe, fondateur du cabinet Parménide, le relève sur son blog : « Dans son article 11, le projet de loi limite les dérogations ( au Droit du travail) aux cas d’accords majoritaires à 50%, au lieu des 30% actuellement. Toutefois, dans l’hypothèse où les entreprises obtiennent seulement une majorité de 30% et non de 50% sur un accord, les organisations syndicales pourront demander l’organisation d’un référendum. Ces dispositions diminuent fortement la probabilité d’une mise en place effective de la loi dans les entreprises.
Une raison mathématique explique ce phénomène. Appliqué au niveau national, par exemple, il supposerait qu’un accord recueille systématiquement la signature de la CFDT et de la CGT, ou, à défaut, des trois autres organisations syndicales réunies. Les situations où ce cas de figure se produit sont extrêmement rares.
Autrement dit, la loi El-Khomri risque de renchérir fortement le coût du travail pour les entreprises qui voudront déroger à la loi : pour obtenir un accord, elles devront céder beaucoup de concessions aux organisations syndicales. Rien ne prouve donc qu’elle participe à une véritable amélioration de la situation
. »

Lire aussi...
 Consulendo fait sa mue
 L’entreprise "responsable"…
mais responsable de quoi exactement ?
 LA FRANCE EN 2018
Peut-on parvenir à « une vision partagée » de l’entreprise ?
 Quel rôle pour l’entreprise au 21ème siècle ?
 PME-TPE :
une rentrée sociale pleine de promesses... et d’inconnues
 Déconnexion
 L’Europe,
notre histoire, notre avenir
 Présidentielle 2017
Le « modèle social français » en questions
 Le travail est-il fini ?
Non, car les besoins sont infinis !
 LA FRANCE EN 2017
Facteurs d’incertitudes et motifs d’espérance...
 IDÉES POUR 2017 (III)
Rêvons d’une France aux 20 millions d’actionnaires...
 Entrepreneurs,
qu’attendre des politiques ?
 IDÉES POUR 2017 (II)
La réforme fiscale , « mère » de toutes les réformes
 Démocratie directe vs Démocratie représentative :
laquelle triomphera à l’ère d’Internet et des réseaux sociaux ?
 IDÉES POUR 2017 (I)
Pour ou contre un revenu universel d’existence ?
 La vraie "fracture" française
 L’esprit d’entreprise et d’initiative : une authentique « énergie durable » pour la France ...
Ne la décourageons pas !
 La grande transformation numérique
 L’économie « participative » en questions
 Présentation
 Jacques Gautrand Conseil

 Imprimer

 Envoyer à un ami

  Plan du site  |   Mentions légales  |   Crédits  |   Haut de page