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L’analyse de Jacques Gautrand - Novembre 2012
La Gauche française et les chefs d’entreprise
 

Les relations entre la Gauche française et les chefs d’entreprise n’ont jamais été simples.

On se souvient du coup de tonnerre de 1981 dans le ciel patronal, avec l’arrivée des communistes au gouvernement, les nationalisations, les lois Auroux, l’autorisation administrative de licenciement, le contrôle des changes ...

Il aura fallu toute l’habileté, la faconde et la culture d’un Yvon Gattaz pour convertir aux réalités de l’entreprise moderne un François Mitterrand qui ne connaissait de l’industrie que la vision épouvantable tirée de ses lectures de Zola. Jean-Jacques Servan-Schreiber a aussi discrètement joué ce rôle de « précepteur de l’entreprise » auprès du président socialiste (1981-1995).

La Gauche au pouvoir s’est aussi appuyée sur quelques patrons partageant sinon ses idées au moins sa sensibilité. On pense notamment à Antoine Riboud, le médiatique fondateur du groupe Danone (ou, personnalité plus controversée, à Bernard Tapie, qui fit cependant beaucoup dans les années 80 pour réconcilier le grand public avec l’esprit d’entreprendre). « La première présidence de François Mitterrand est restée dans l’histoire comme une stupéfiante réhabilitation de l’entreprise aux yeux de l’opinion  », souligne Daniel Fortin dans son éclairant éditorial des "Echos" du 26 octobre intitulé "Quand la gauche aimait les patrons ..."

La Gauche de gouvernement a également puisé dans ses rangs des hauts fonctionnaires pour les propulser à la tête de grandes entreprises publiques ou parapubliques. On songe à des personnalités emblématiques comme Louis Schweitzer ou Louis Gallois, passés des cabinets ministériels à de grands groupes industriels qu’ils ont dirigés avec succès. Mais ces ex-grands commis de l’Etat n’ont pas tous excellé à la tête des entreprises que le prince leur confiait : cf. la déconfiture du Crédit Lyonnais ou de Dexia, sans parler des scandales d’Elf Aquitaine ...

On se souviendra aussi que lorsque Lionel Jospin fut Premier ministre (de cohabitation) de Jacques Chirac, on a privatisé à tour de bras, tandis que son ministre des finances, Dominique Strauss-Kahn, faisait adopter un régime très favorable des stock-options, inspiré de la Silicon Valley, initialement destiné aux start-up high-tech (mais qui fut dévoyé par la suite en étant étendu aux cadres dirigeants de grands groupes établis n’ayant pris aucun risque personnel sur leur propres économies et dont les émoluments susciteront ultérieurement la réprobation de l’opinion) …

De leur côté, les organisations patronales ont intégré l’alternance politique et ont appris à négocier avec les équipes ministérielles, quelle que soit leur couleur politique.

Depuis l’arrivée (il y a six mois) de François Hollande à l’Elysée et de Jean-Marc Ayrault à Matignon, on ne peut pas dire que les relations avec les chefs d’entreprise ressemblent à un long fleuve tranquille ...

Entre ses déclarations d’amour (1) à l’intention des entrepreneurs et des PME, et des mesures budgétaires et fiscales peu lisibles, contradictoires et à la tonalité punitive, le gouvernement socialiste a suscité rapidement la fronde des organisations patronales et clubs d’entrepreneurs.

Les mesures annoncées le 6 novembre par le Premier ministre, inspirées du rapport Gallois, ont permis de gagner quelques points de crédit auprès d’une partie du patronat, tout en mécontentant d’autres comme les artisans du bâtiment et les restaurateurs ...

Surtout que ce « Pacte pour la compétitivité et l’emploi » est pétri de contradictions et de complications. C’est le même gouvernement qui a défait la TVA sociale de Nicolas Sarkozy et qui décide maintenant d’augmenter ... la TVA en 2014. C’est le même gouvernement qui augmente l’impôt sur les sociétés de 10 milliards en 2013 et qui instaure un crédit d’impôt (« CICE ») de ... 10 milliards en 2013 !
Voir, ci-dessous, les principales mesure du « Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. »

Deux conceptions de l’entreprise

Le fond du problème est que la Gauche est tiraillée depuis des décennies entre deux conceptions contradictoires de l’entreprise.

L’aile social-démocrate des socialistes reconnaît la prise d’initiative individuelle et la nécessité de l’encourager tandis que son aile gauchisante - la gauche de la Gauche - continue à assimiler l’entreprise au foyer de l’affrontement capital/travail, à l’endroit où s’opère la « confiscation » de la plus-value aux travailleurs par le « grand capital » ...
Cette aile gauchisante rejette, par principe, le profit qu’elle assimile à une forme de vol
(« La propriété, c’est le vol ! » - Proudhon) ; elle nie son rôle fondateur dans la création de richesses et d’emplois ; seule trouve grâce à ses yeux l’entreprise "à but non lucratif", d’où l’engouement actuel de la gauche du parti socialiste pour "l’économie sociale et solidaire" perçue comme une vraie alternative à l’économie de marché ...

N’oublions pas que le gros des troupes de la Gauche française travaille (ou a travaillé) dans le secteur public, parapublic ou dans des grands groupes dépendant de la commande publique (ou gérés à la mode étatique) – soit, grosso modo, la moitié des salariés et des retraités !
Ces électeurs considèrent l’entreprise comme une « vache à lait » qui doit accorder toujours plus d’avantages à ses salariés, et qui a les moyens illimités de contribuer au financement de services publics dispendieux ... Dans ces groupes, souvent bureaucratiques (où l’ambiance de travail n’est pas toujours épanouissante), les syndicats défendent bec et ongles le « lien de subordination » du salarié en contrepartie du devoir de protection et d’assistance attendu de l’employeur ... C’est une vision féodale de l’entreprise qui est encore, plus ou moins consciemment, partagée par une partie des cadres dirigeants et de l’intelligentia française.

La Gauche française a besoin d’un aggiornamento idéologique

On est loin d’une vision de l’entreprise comme « communauté de destin et de projet » dans laquelle l’entrepreneur et son « équipe » partagent les risques et les gains, l’enthousiasme de l’œuvre commune, les bons moments comme les difficultés ...

L’antagonisme fondamental capital/travail qui soustend le firmament des idées de la Gauche française, l’a toujours empêchée de se rallier au principe de « co-gestion » adopté en Allemagne où il est admis que des salariés participent au conseil d’administration. Pour être équitable, soulignons qu’une bonne partie de notre patronat ne veut pas non plus entendre parler de co-gestion !

Le Premier ministre repète qu’il veut créer un « choc de confiance ». Il a raison. Car il est nécessaire si l’on veut retrouver les chemins de la croissance et de l’emploi dans notre pays.

Mais pour susciter la confiance des entrepreneurs et des investisseurs, la Gauche française doit surmonter ses contradictions idéologiques, en adoptant une conception positive de la place de l’entreprise dans la société.

Un aggiornamento salutaire, comme l’ont fait les socialistes allemands au congrès de Bad-Godesberg ... c’était en 1959 !

Jacques Gautrand
jgautrand [ @ ] consulendo.com

Note :
(1) - « Rien ne pourra se faire sans les entreprises et encore moins contre », a affirmé François Hollande le 26 octobre devant quelque 3000 dirigeants de la communauté Oseo Excellence. (...) L’essentiel, a ajouté le président de la République, est que la fiscalité soit stabilisée durant les cinq prochaines années et que vous puissiez faire vos choix d’investissement en toute connaissance de cause et quelles que soient les difficultés conjoncturelles ou budgétaires que l’Etat pourrait rencontrer. »

- Tandis que dans "Les Echos" du même jour ont pouvait lire cette exhortation inattendue de la part du président du groupe socialiste au Sénat, François Rebsamen : « Il faut envoyer un message d’amour au monde économique, afin de redonner le goût d’entreprendre et de créer à ce pays. »

- « Au sein de ce Gouvernement, laissez-moi vous dire que je serai la voix de toutes celles et de tous ceux qui créent, qui imaginent, qui prennent des risques, qui réussissent, parfois échouent aussi… mais entreprennent, apprennent et nous apprennent aussi de leurs échecs et nous donnent une formidable leçon d’énergie et de vitalité. » - Déclaration de Fleur Pellerin, ministre déléguée aux PME lors du salon des Micros-Entreprises (9 octobre 2012)

Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi
(Source : Premier Ministre - 6 novembre 2012)

« Le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi », s’articule autour de "huit leviers de compétitivité et trente-cinq décisions concrètes", parmi lesquels la mise en place d’un "Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi" (CICE) à hauteur de 20 milliards d’euros.
Une mesure financée par 10 milliards d’euros d’économies dans les dépenses publiques, 10 milliards d’euros par la restructuration du taux de TVA et la fiscalité écologique.

Extraits du discours du Premier ministre, Jean-Marc Ayrault sur le CICE :

- « Le Gouvernement a décidé de retenir une première mesure, massive, et sans précédent, l’allègement de 20 milliards d’euros du coût du travail.

Cet allègement sera mis en œuvre sur trois ans, avec un allègement de 10 milliards dès la première année, et de 5 milliards supplémentaires chacune des deux années suivantes. Il sera donc de 20 milliards en régime de croisière. Il portera sur les salaires compris entre 1 et 2,5 fois le Smic. Cela représentera l’équivalent d’une baisse d’environ 6 % du coût du travail.

Il prendra la forme d’un crédit d’impôt, le "Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi" (CICE), avec un effet immédiat sur les impôts des entreprises au titre de l’exercice 2013 et, pour les PME qui le demandent, un effet en trésorerie dès l’année prochaine. » (...)

- « C’est d’abord en réduisant les dépenses publiques que nous financerons la première moitié de l’effort. (...) Ces économies nouvelles dans les dépenses produiront leurs premiers résultats en 2014 et atteindront 10 milliards d’euros au total en 2015, à mesure de la montée en puissance du coût du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Ces économies s’ajouteront à celles déjà prévues dans notre programme budgétaire. » (...)

- « La deuxième partie du dispositif sera financée par une modulation de la TVA et une nouvelle fiscalité écologique, sans prélèvement supplémentaire pour les contribuables en 2013. (...) L’évolution de la TVA, elle aura lieu au 1er janvier 2014. Le Gouvernement proposera en effet :

• que le taux intermédiaire, qui porte notamment sur la restauration et les travaux de rénovation des logements, soit porté, de 7 % aujourd’hui, à 10 % ;
• et que le taux normal soit porté de 19,6 % à 20 %.

En revanche, le taux réduit, celui qui porte sur les produits de première nécessité, en particulier l’alimentation, sera abaissé, de 5,5 % aujourd’hui à 5 %. »

- Consulter l’intégralité des mesures annoncées par le Premier ministre

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