De gauche à droite sur la photo : Pierre-Alain Weill (PS), Dominique Tessier (EELV), Olivier Carré (UMP), Thibaut de la Tocnaye (FN), Aziz Senni (NC).
En préambule, les cinq représentants politiques - qui ont tous une expérience en entreprise, ont affirmé dans un élan d’unanimité leur soutien à l’entrepreneur dans son rôle de producteur de richesse et de lien social, d’innovateur et de facteur de progrès. Aziz Senni, le fondateur de Business Angels des Cités, qualifie l’entrepreneur « de pionnier, d’aventurier, de porteur d’optimisme en permettant que demain soit meilleur qu’aujourd’hui. » Pour Olivier Carré, dans une société bloquée dans ses peurs, « l’entrepreneur est celui qui ne démissionne pas, qui n’a pas peur ... »
Trois points principaux ont été abordés au cours de cette table ronde animée par Sophie Pignal (France 2) et Jacques Gautrand (Consulendo.com) : la fiscalité, le financement et la question "Comment faire grandir les PME ?"
I. La Fiscalité
L’impôt, le sujet qui fâche ? « Le sujet peut être abordé avec la rengaine du « toujours trop ». Qui dirait le contraire ? Mais quand on met en place une fiscalité réfléchie, c’est une manière de marquer une politique sur l’environnement, sur la façon d’encourager l’innovation, d’aider ceux qui démarrent » énonce Pierre-Alain Weill, pour le PS. Au titre de la « fiscalité réfléchie », le PS, lui, propose une « modulation de l’impôt sur les sociétés, pour encourager la distribution aux salariés et l’investissement plutôt que le versement des dividendes aux actionnaires » explique Pierre-Alain Weill.
Une position partagée par Europe Ecologie les Verts, dont les positions sur le sujet des PME sont proches du PS. Néanmoins, Dominique Tessier, pour les écologistes, avance aussi une proposition précise : « une règle simple : quelles que soient les niches fiscales, il ne pourrait pas y avoir un taux d’imposition inférieur à 16% », avec toutefois une franchise d’impôt en faveur des TPE qui réinvestissent leurs profits en fonds propres.
Olivier Carré, représentant l’UMP, estime que « les PME grandiront si on leur fiche un peu la paix ! ». Pour le parti de l’actuelle majorité, le niveau de financement de la protection sociale pèse trop lourd sur le travail et sur les entreprises ; l’une des priorités est de « soulager la décision d’embaucher » et donc, de « transférer de façon organisée une partie de la fiscalité vers la consommation » explique Olivier carré.
Tranfert de charges
L’inégalité entre PME et grands groupes, également relevée par le PS, ne laisse pas indifférent le Nouveau Centre d’Hervé Morin. Son représentant, Aziz Senni, propose de réduire l’impôt sur les sociétés à « 15% pour les PME de moins de 250 salariés ».
Parmi les autres mesures proposées par le Nouveau Centre, figurent le transfert un ou deux points des « charges sociales » sur la TVA, et une stabilisation de l’environnement règlementaire pour les entreprises : « la spécialité de notre pays consiste à voter des lois. Nous proposons que les lois ne changent pas pendant le quinquennat, pour apporter de la stabilité pour les entreprises » énonce Aziz Senni.
Au Front national, on se soucie tout particulièrement de la transmission d’entreprises : « il faut baisser de 10 à 15% l’impôt sur la plus value, lors des cessions de PME » explique Thibaut de la Tocnaye qui souhaite que les salariés « bénéficient aussi de la revente de l’entreprise en obtenant une part de la plus-value. »
Crédit d’impôt-recherche. Pour ce même parti, le crédit impôt recherche (CIR) devrait être pérennisé, mais également « réservé aux pme innovantes et non aux grandes entreprises » ajoute Thibaut de la Tocnaye. Les Verts estiment eux aussi que « le crédit impôt recherche a dérapé (…) aujourd’hui, 80% environ est capté par les grands groupes » explique Dominique Tessier, qui voudrait revenir à des plafonnements. Il propose de créer un « bonus écologique » afin de flécher le CIR vers les filières innovantes dans les écoproduits et le développement durable, et « encourager ainsi les industries de demain. »
Olivier Carré, quant à lui, plaide pour la possibilité d’élargir les critères du crédit d’impôt-recherche, afin d’être certain qu’il bénéficie bien à l’innovation dans les PME. Mais les mesures à prendre pour favoriser la croissance des PME ne sont pas uniquement d’ordre fiscal : ainsi, le PS avance l’idée « d’un diagnostic innovation, qui aille vers les entreprises, les aide à trouver la capacité de valoriser leurs innovations ... et pointe vers des relais qui existent déjà et ne sont pas encore assez utilisés » .
II. Le financement des PME
Le Nouveau Centre propose deux pistes : d’une part, imposer une transparence aux banques pour que soient rendus publics le montant des prêts effectivement accordés aux entreprises, notamment les TPE, et pour « favoriser la concurrence ». Et d’autre part, « favoriser l’investissement des personnes physiques dans les PME, en étendant l’esprit TEPA de défiscalisation pas seulement à l’ISF mais aussi au revenu des personnes (avec une franchise d’impôt allant jusqu’à 200 000 euros). Dans certains pays, plaide Aziz Senni, on peut investir beaucoup plus, en étant défiscalisé » .
Le PS avance son idée – qui s’est largement diffusée – d’une « banque publique d’investissement : il faut regrouper les moyens existants (Oséo, CDC, la Banque postale …), pour avoir une capacité de financement déclinée dans les régions » explique pour sa part Pierre-Alain Weill, suivi par les écologistes.
Le Nouveau Centre soulève la question des investissements de petits montants dont ont besoin les TPE. Aziz Senni rappelle que 95% des TPE ont moins de 20 salariés : « Pour aider les gens à s’installer, pour permettre au plombier d’acheter une camionnette, le financement manque cruellement. Il est plus difficile d’emprunter 10 000 euros qu’un million ! » Aziz Senni plaide aussi pour le développement des nouvelles formes d’entreprenariat social, et de développement du micro-crédit.
Le FN, lui, est partisan de la méthode forte. Afin de favoriser les financements en fonds propres des entreprises en phase de démarrage, Thibaut de la Tocnaye demande que « la Caisse des dépôts puisse imposer aux fonds dans lesquels elle détient des participations, des quotas d’investissement à respecter : par exemple, 15% dans l’amorçage et la création. »
Olivier Carré rappelle à ce propos le rapprochement qui vient de s’opérer entre OSEO et le FSI (Fonds stratégique d’investissement) pour mieux accompagner les projets des PME de croissance en région. Il suggère aussi que soient mis en place des mécanismes permettant de mieux orienter l’épargne longue vers les PME, davantage que ce n’est le cas aujourd’hui (cf. les capitaux considérables placés en assurance-vie).
Les débats de la matinée étaient animés par par Sophie Pignal (France 2) et Jacques Gautrand (Consulendo.com), membres de l’AJPME.
III. Comment faire grandir les PME ?
Les intervenants ont proposé des mesures d’ordre très divers. Notamment faciliter l’accès aux commandes publiques, dont les procédures pourraient être simplifiées et repensées en faveur des PME, « en instituant, par exemple, l’allotissement », préconise Pierre-Alain Weill.
Le FN, lui entend « créer une cellule sur les délais de paiement à Bercy, car plus d’une entreprise sur deux ferme à cause des délais de paiement. Il faut vérifier l’application de la loi LME ».
Le Nouveau Centre propose plusieurs idées originales, comme une validation des acquis de l’expérience (VAE) pour les entrepreneurs, la création d’un contrat de travail unique, dont les droits se développent au fur et à mesure de sa durée, la définition d’un seuil de PME à 250 salariés, pour conférer plus de souplesse et libérer les entreprises des « effets de seuil ». Aziz Senni déplore ainsi que 34 obligations administratives nouvelles s’imposent à la PME qui franchit le cap des 50 salariés … Olivier Carré convient qu’il « faudrait lisser les seuils sociaux ou les faire disparaître. »
Fidèle à la rhétorique du Front National, Thibaut de la Tocnaye brandit la menace d’une loi anti-OPA contre les fonds d’investissements étrangers et demande la renégociation des traités européens : il faut « couper le cordon ombilical avec l’Europe (…) pour faire rentrer des milliards dans les caisses de l’Etat français », et, si besoin, remettre en cause l’Euro comme monnaie unique ; mettre en place un protectionnisme français, si, à l’échelle européenne, on ne le fait pas. Un élan qui inquiète les Verts : « Si on commence à faire du protectionnisme, on risque de ne pas pouvoir exporter beaucoup vers les autres pays … » commente Dominique Tessier.
Compte-rendu réalisé par Anne Daubrée, journaliste, membre de l’AJPME.
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