Ordonnances sur le dialogue social :
la spécificité des TPE prise en compte
  

Les cinq ordonnances destinées à « renforcer le dialogue social » ont été présentées le 31 août 2017 par le premier ministre, Edouard Philippe, et la ministre du travail, Muriel Pénicaud. Parmi les 36 mesures prévues par ces ordonnances, faisant suite à des semaines de concertation avec les partenaires sociaux, certaines dispositions répondent aux spécificités des TPE/PME et notamment, les entreprises de moins de 20 salariés qui n’ont généralement pas de représentant syndical.



La délégation de la CPME reçue à Matignon - été 2017 François Asselin (à g.), le président de la CPME, à la tête d’une délégation reçue à Matignon par le premier ministre et la ministre du travail.

La Confédération des PME (CPME) souligne que « la possibilité, en l’absence de syndicat, de négocier des accords majoritaires avec les représentants du personnel dans les PME jusqu’à 50 salariés (1) est une avancée majeure qui favorisera le dialogue social au sein de l’entreprise et permettra d’adapter l’organisation du travail à l’activité de l’entreprise. Les TPE de moins de 20 salariés (2) pourront, quant à elles, organiser une consultation, forme de référendum simplifié, à l’initiative de l’employeur.

Parallèlement, poursuit l’organisation patronale dans un communiqué, les branches professionnelles qui auront désormais l’obligation de prendre en compte les TPE dans leurs accords, conserveront leur rôle de régulation évitant ainsi une forme de distorsion de concurrence entre grandes et petites entreprises d’un même secteur. »

La réforme des seuils sociaux oubliée...

La CPME regrette toutefois que « l’épineuse question des seuils sociaux n’ait, elle, pas été directement traitée. » On sait que, pour une PME, franchir le cap des 11 ou des 50 salariés entraîne une kyrielle d’obligations et de contraintes nouvelles... Ce qui pousse certaines entreprises à maintenir leurs effectifs en dessous de ces seuils ou à "tronçonner" leur activité en plusieurs petites entités juridiques.

L’association patronale se réjouit cependant que « cette réforme traduise un changement en profondeur qui prend en compte la réalité des petites entreprises en leur ouvrant des facultés de dialogue jusqu’à présent réservées, en pratique, aux seules grandes entreprises. Employeurs et salariés des TPE/ PME en sortiront gagnants.  »

- (1) Lorsqu’il n’y a pas de délégué syndical dans l’entreprise (c’est le cas de 96% des PME), le représentant du personnel, élu par les salariés, pourra conclure un accord collectif sur tout les sujets pour bénéficier de toutes les souplesses offertes par la négociation. Ainsi, toutes les entreprises, quel que soit le nombre de salariés, auront un accès direct et simple à la négociation, précise le texte des ordonnances.

- (2) Les chefs d’entreprises de moins de 20 salariés qui n’ont pas d’élu du personnel, pourront négocier directement avec leurs salariés sur tous les sujets. Les TPE bénéficieront ainsi des mêmes souplesses et des mêmes capacités d’adaptation du droit social, que les grandes entreprises ( rémunération, temps de travail, organisation du travail...)

Le Medef reste vigilant sur la nécessité de simplifier le dialogue social

Le Medef se montre, quant à lui, plus mesuré dans l’appréciation de la portée de ces Ordonnances, tout en qualifiant cette réforme « de première étape importante dans la construction d’un droit du travail plus en phase avec la réalité quotidienne des entreprises. Ainsi, cette réforme vise à donner aux entreprises, notamment les TPE et PME, la capacité de s’adapter avec leurs collaborateurs aux mutations du monde. »

L’organisation patronale «  regrette néanmoins que les ordonnances n’ouvrent pas la capacité d’un dialogue simple dans les entreprises entre 50 et 300 salariés. Le Medef sera donc vigilant à ce que la fusion des instances existantes conduise bien à une optimisation des coûts liés au dialogue social et à plus de simplicité.

(...) Les travaux doivent se poursuivre pour continuer à simplifier le droit existant et donner la capacité d’un dialogue pour tous dans toutes les entreprises, quelle que soit leur taille.
Le Medef restera très vigilant dans les semaines qui viennent pour vérifier que les décrets à venir seront cohérents avec l’esprit de cette réforme
. »

Emmanuelle Barbara : « un nouveau regard sur le rapport employeur/salarié »

Me Emmanuelle Barbara Pour l’avocate spécialisée en droit du travail, Emmanuelle Barbara, ces ordonnances reflètent « une adaptation du monde du travail salarié aux exigences et à la logique de notre époque. »

« Le projet de ces ordonnances, poursuit l’avocate associée du cabinet August Debouzy, propose la recherche de l’efficacité face au temps court, la création d’un droit protecteur au mouvement des salariés, mais également la reconnaissance du droit de l’entreprise à s’adapter rapidement dans un monde instable. Pour une fois, le sort des TPE/PME n’est pas oublié. Telles sont les caractéristiques de ces ordonnances que l’on retrouvera dans les futures réformes constitutives de notre modèle social.

Notre société qui connait une mutation sans précédent du fait notamment des bouleversements technologiques attise les attentes individuelles à participer activement à la vie de la cité comme à pouvoir réaliser ses projets, y compris professionnellement. Le droit du travail doit donc faire une place à ces nouvelles impatiences. Les mesures qui fusionnent les IRP (instances représentatives du personnel), qui clarifient les motifs et les conditions de licenciement y compris dans le domaine économique, raccourcissent les délais de contestation, appellent un nouveau regard sur le rapport employeur/salarié et employeur/IRP.

La réforme ne sera une transformation du monde du travail que si les entreprises et leurs partenaires s’emparent de la faculté qui leur est offerte de co-construire réellement un univers conforme à leurs ambitions respectives et à leurs objectifs, les mieux partagés et compris possibles.

Pour que le dialogue social ne soit pas qu’un mantra ou un exercice de style affadi par les « contenus obligatoires » prévus par les lois successives laissant peu de place à l’imagination ou à l’inventivité, il faut courir le risque d’un état d’esprit renouvelé et confiant. Espérons que les acteurs seront à la hauteur. »

Les titres des cinq ordonnances destinées à renforcer le dialogue social :

- Ordonnance relative au renforcement de la négociation collective

- Ordonnance relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales

- Ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail

- Ordonnance portant diverses mesures relatives au cadre de la négociation collective

- Ordonnance relative au compte professionnel de prévention.