La chronique de Jacques Gautrand - Décembre 2016 / Janvier 2017

LA FRANCE EN 2017
Facteurs d’incertitudes et motifs d’espérance...
  

Perspectives économiques

Que nous réserve 2017 au plan économique ?
Une année électorale est un facteur supplémentaire d’incertitude s’ajoutant aux handicaps structurels de l’économie française, laquelle "se traîne" depuis le début de la décennie... En même temps, les perspectives d’une politique plus volontariste et moins "pénalisante" à l’égard des forces vives du pays, politique qui serait mise en oeuvre avant l’été par les nouveaux dirigeants issus des urnes, voilà un motif raisonnable d’espoir. Le principal défi à réussir : créer un « choc de confiance » !

Au seuil de 2017, revenons d’abord sur l’année qui vient de s’écouler.

2016 n’a pas confirmé les attentes de reprise économique : au final, la croissance ne dépassera pas les 1,2%, ni plus ni moins qu’en 2015, annonce la dernière note de conjoncture de l’Insee

L’économie française a même été au bord de la syncope au deuxième trimestre de cette année avec un taux de "croissance" inférieur à zéro : -0,1% !
L’explication ? Principal moteur de notre économie, la consommation des ménages se traîne. Elle a été nulle au deuxième et au troisième trimestres de 2016. Et seul un franc rebond au moment des fêtes de fin d’année pourrait améliorer le bilan annuel. Les commerçants le constatent : les consommateurs attendent les soldes et les promotions pour ouvrir leur porte-monnaie... Chômage de masse, stagnation du pouvoir d’achat, charge croissante des prélèvements obligatoires (notamment avec l’explosion des taxes locales), climat d’insécurité lié aux attentats, tous ces éléments se conjuguent pour refréner l’acte d’achat et pousser à l’épargne de précaution (les Français sont les champions occidentaux du bas de laine !).

Une base productive anémiée

Les deux autres moteurs de la croissance sont bien fragiles. Les exportations ne couvrent plus depuis longtemps nos importations et, malgré un taux de change favorable de l’Euro, les ventes des produits français hors de nos frontières patinent (ceci entraîne un déficit extérieur de quelque 45 milliards d’euros !).

L’investissement des entreprises semble vouloir repartir. Mais après des années de non-investissement, de plans sociaux et de "restructurations" industrielles, notre base productive s’est rabougrie comme peau de chagrin. Avec un niveau toujours élevé de faillites (60 000 entreprises par an qui disparaissent) et peu de nouvelles ETI (moyennes entreprise de croissance) qui émergent, le tissu industriel a besoin d’être redynamisé...

Certes, notre pays peut s’enorgueillir de "champions internationaux", mais ces grands groupes investissent principalement dans les marchés en croissance - c’est à dire à l’étranger !- et maintiennent, dans le meilleur des cas, leurs bases françaises à périmètre constant. Quant au gros des troupes, les 98% des entreprises qui ont moins de 50 salariés, elles n’ont pas dans l’ensemble les moyens financiers de se développer, faute d’une rentabilité suffisante ou en raison de leur positionnement sur des "micro-marchés" locaux...

La politique économique appliquée au cours du quinquennat Hollande, par ses contradictions, ses allers-et-retours, son manque de lisibilité, n’a pas remédié aux handicaps structurels que nous venons d’évoquer.

Alors, que nous réserve 2017 ?

Les prévisions gouvernementales sont prudentes en tablant sur 1,5% de croissance en 2017. Ce qui serait déjà mieux, si nous l’atteignons, que le score de 2015 et 2016. D’autres prévisionnistes sont plus pessimistes, tels les experts du magazine L’Expansion qui annoncent un faible 1,2% en 2017...

Sans rentrer dans une querelle de chiffres, examinons quel sera le contexte de 2017 et les chances de la France de faire mieux - ou pas - qu’en 2015 et 2016.

D’abord, il n’a échappé à personne que notre pays sera en année électorale d’avril (premier tour des présidentielles) à juin (législatives).

On peut en déduire que le premier semestre 2017 sera une période d’attentisme : les acteurs économiques, sauf nécessité, ne prendront pas de grandes décisions d’investissement et de développement stratégiques tant que les urnes n’auront pas parlé.
Il en est de même en matière d’embauches...



2017 : signes d’embellie conjoncturelle sur fond d’inconnues

Côté consommation des ménages, il y a peu de probabilité que les tendances observées ces dernières années changent : les facteurs d’incertitude quant à l’avenir demeurent. La persistance d’un niveau élevé de chômage reste un frein aux achats.

Néanmoins, selon l’Insee, la consommation des ménages devrait «  redémarrer pour retrouver une croissance plus proche de celle du pouvoir d’achat (+0,5 % au quatrième trimestre 2016 puis +0,3 % par trimestre au premier semestre 2017). Mi-2017, l’acquis de croissance de la consommation s’établirait à +1,0 % (après +1,5 % en 2016). »
On est quand même loin d’une reprise en fanfare...

Motif d’espoir, l’investissement immobilier et les travaux de construction reprennent, et, souligne l’Insee, « la récente hausse des permis de construire suggère que cette tendance se poursuivrait et s’amplifierait même un peu d’ici mi-2017 avec une croissance de l’ordre de +0,6 % par trimestre. »

Autre signe positif, la croissance de l’emploi dans le secteur marchand après des années de stagnation, portée notamment par l’emploi intérimaire, précise l’Insee : 51 000 emplois supplémentaires au troisième trimestre de 2016 après +29 000 au deuxième trimestre. « Les perspectives en termes d’effectifs restent élevées, même si elles se tassent un peu dans l’intérim, et l’emploi salarié marchand retrouverait son rythme du premier semestre d’ici mi-2017 (en moyenne +30 000 par trimestre) », écrit l’Institut d’études économiques.

Ces perspectives sont confortées par la baisse des chiffres des chômeurs (catégorie A) publiés fin décembre : de septembre à fin novembre, le nombre de demandeurs d’emploi sans activité a reculé de 109 800 (-3,1 %), « soit la plus forte baisse trimestrielle observée depuis janvier 2001. (...) Cette baisse du nombre de demandeurs d’emploi (...) résulte notamment de la solide reprise des créations d’emploi salarié : près de 237 000 ont été enregistrées dans le secteur marchand au cours des 18 derniers mois consécutifs de hausse », souligne dans un communiqué le ministère du Travail.

Néanmoins, le total cumulé des personnes éloignées du marché du travail (chômage et activité réduite) demeure encore à des niveaux très élevés : 6,2 millions (toutes catégories confondues) en France métropolitaine et 6,5 millions avec les DOM/TOM (chiffres DARES) !

L’investissement repart.

L’Insee table sur un rebond des dépenses d’investissement des entreprises après un "repli" au cours des 2ème et 3ème trimestres de 2016 : « Dans les enquêtes de conjoncture, les intentions d’investir restent relativement élevées, tant dans l’industrie que dans les services. Ainsi, la baisse récente de l’investissement des entreprises ne serait qu’un contrecoup de la forte progression enregistrée fin 2015 et début 2016. L’investissement retrouverait un peu de tonus d’ici mi-2017 : +0,5 % au quatrième trimestre 2016 puis +0,8 % au premier trimestre 2017 et +0,5 % au deuxième trimestre. »

Même si ces éclaircies conjoncturelles sont positives, elles ne généreront pas une croissance suffisamment forte. et les handicaps structurels de notre économie, évoqués plus haut demeurent.

Incertitudes

L’environnement international demeurera pour de la France lourd d’incertitudes en 2017 avec l’entrée en fonction de Donald Trump aux Etats-Unis, les conséquences du Brexit en Grande-Bretagne, les élections fédérales en Allemagne, et le cancer de l’islamisme radical qui, depuis les foyers conflictuels du Moyen-Orient, diffuse ses métastases à toute la planète...

Au plan économique, la situation des banques italiennes est source de tensions pour l’équilibre de la zone Euro, tandis que la remontée des cours du pétrole d’une part, et les perspectives de hausse des taux d’intérêt, accroissant mécaniquement le remboursement de la dette publique, d’autre part, sont des menaces pesant sur la croissance.

Autant dire que pour la nouvelle équipe gouvernementale qui arrivera aux commandes entre mai et juin 2017, les marges de manœuvre seront serrées.

Le budget 2017, dernière loi de Finances du quinquennat Hollande, élaboré sur la base d’un taux de croissance de l’économie de 1,5% - dont on a vu le caractère très hypothétique - prévoit de ramener le déficit budgétaire à 2,7% du PIB contre 3,3% en 2016. Or le Haut Conseil des Finances publiques considère que faire passer « le déficit nominal sous le seuil de 3 points de PIB est très incertain. » En valeur absolue, le déficit budgétaire se maintiendra à un niveau élevé, quelque 70 milliards d’euros, c’est à dire l’équivalent de l’intégralité des recettes de l’impôt sur le revenu !

Notre pays a besoin d’un choc de confiance !

Les nouveaux dirigeants du pays devront rapidement apporter des réponses aux attentes d’un pays marqué par des années de crise, de désillusions, de défiance à l’égard de la parole politique...

Dès leur entrée en fonction, ils doivent donc créer un choc de confiance par la prise de décisions immédiates à fort impact symbolique - sans pour autant trop dégrader les comptes publics.

Tel est le grand défi que devront relever ceux qui briguent les suffrages des Français... échaudés par des années de promesses non-tenues.

Quelles pourraient être quelques-unes de mesures susceptibles de redonner confiance aux forces vives du pays ?

- Le rétablissement, avec effet rétroactif au 1er janvier, de la défiscalisation des heures supplémentaires pour tous les salariés ;
- Le report du prélèvement de l’impôt à la source, perçu comme un casse-tête et une nouvelle source de complication pour les entreprises déjà emberlificotées dans l’usine à gaz du compte pénibilité...
- La suppression des droits de mutation sur les ventes de tout bien immobilier, des fonds de commerce et des entreprises cédées (en dessous d’un certain plafond "raisonnable" à fixer) ;
- La transformation du Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi (CICE) en baisse directe de charges sociales pour les PME de moins de 250 salariés, afin de rendre ce dispositif plus simple et plus "juste" à l’égard des entreprises "à taille humaine" ;
- La suppression totale des charges patronales et salariales sur toutes les nouvelles embauches jusqu’à deux fois le SMIC ;
- La suppression, a minima, de l’ISF sur la résidence principale ;
-  L’abaissement à 15% du taux d’impôt sur les sociétés pour les PME de moins de 50 salariés ;
- Le relèvement des "seuils sociaux", sources de lourdes contraintes et de blocages pour les PME (passer celui de 11 à 50 salariés et celui de 50 à 100) ;
-  Le paiement des cotisations sociales a-posteriori et non plus a-priori pour toutes les entreprises individuelles et les indépendants selon le même principe que le régime de l’auto-entrepreneur...

Cette liste est purement indicative et non exhaustive. Aux candidats de faire preuve d’audace et d’imagination pour la compléter dans d’autres domaines, afin de faciliter la vie quotidienne des Français.

Aux candidats de faire preuve de courage en s’engageant à prendre des mesures capables de libérer les énergies créatives, de permettre aux talents et aux initiatives de s’épanouir !

Notre pays regorge de trésors de créativité, d’ingéniosité et de générosité qui ne demandent qu’à se déployer pour peu qu’on ne les décourage pas par un carcan bureaucratique toujours plus pesant et une fiscalité "punitive"...

C’est mon vœu pour 2017 : que les candidats renoncent à promettre toujours plus mais qu’ils s’engagent à faire mieux.

Jacques Gautrand
jgautrand [ @ ] consulendo.com

>>>Lire (ou relire) nos contributions au débat d’idées pour 2017 :

- Pour ou contre un revenu universel d’existence ?
- • Il faut encourager l’actionnariat salarié.
- • La réforme fiscale, "mère" de toute les réformes.