Emmanuel Arnaud, Arnaud Berger & Christian de Perthuis

"Le développement durable"  

Nathan, collection Repères Pratiques

Le développement durable est à la mode. Tout le monde en parle ou s’en prévaut. Mais qu’y a-t-il derrière cette expression qui est devenue un mot d’ordre ? Rédigé par trois spécialistes de la question, cet ouvrage didactique explicite, en « soixante-quinze notions clés », les multiples dimensions de ce concept en vogue.



Dès les premières pages de ce petit livre en forme de manuel, on retrouvera la définition proposée en 1987 dans son rapport à l’ONU, par Gro Harlem Brundtland, alors premier ministre norvégien : «  un développement qui réponde aux besoins des générations présentes, sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs  ».

Une définition connue et souvent citée dans les colloques. Bien que le poète l’ait encore plus joliment formulée : « Nous n’héritons pas la terre de nos parents ; nous l’empruntons à nos enfants. » (Antoine de Saint-Exupéry)

Il est regrettable que la traduction française de l’expression anglaise "sustainable development" soit si réductrice. En effet, "sustainable" évoque en anglais deux notions complémentaires que ne peut exprimer à lui seul notre adjectif durable : la notion de pérennité (durable) mais aussi le caractère "soutenable" (supportable, acceptable) de cette croissance... Ce qui est bien l’enjeu que porte ce concept.

Pour Christian de Perthuis, professeur associé à l’université de Paris-Dauphine, conseiller à la Caisse des Dépôts, chargé de la Mission Climat, le développement durable s’est aujourd’hui presque « banalisé » au risque d’être «  récupéré en argument marketing ou publicitaire »...

Mais « le vrai progrès », à son avis, c’est « l’émergence dans les entreprises de nouvelles pratiques, avec la mise en place de règlements et d’engagements internationaux (type les quotas carbone), l’adoption de règles de gouvernance et de transparence vis-à-vis des parties prenantes ». Même si cela « concerne surtout les pays les plus développés et les grandes entreprises » (20% d’entre elles, selon ses propres estimations). « Pour celles-ci, le développement durable est devenue la norme à laquelle il faut se conformer. Et ce n’est pas seulement dû aux contraintes législatives de type loi NRE en France ; on observe ces pratiques dans bien d’autres pays comme le Royaume Uni, l’Allemagne, les Etats-Unis…car cela correspond à une demande sociale forte partout. Les grandes entreprises ont parfaitement compris qu’elles devaient rendre des comptes à la société, sans quoi elles s’exposent à des risques considérables. D’ailleurs le développement durable est désormais enseigné dans les business schools… »

Etendre les exigences de la RSE (responsabilité sociétale) auprès de l’ensemble des entreprises et notamment des PME est un défi pour l’avenir, car elles représentent l’essentiel du tissu économique. Cela dépend beaucoup de la personnalité du dirigeant de PME : pour Christian de Perthuis « un petit nombre sont très motivés et font déjà des choses très innovantes, notamment dans l’engagement citoyen. » Cependant, comme beaucoup de PME sont tributaires de grands donneurs d’ordres, les normes du développement durable peuvent devenir « des éléments de discrimination : si l’on reporte sur ses sous-traitants des contraintes que l’on n’est pas capable d’intégrer en interne », remarque-t-il. Comme dans la grande distribution, par exemple.

Les exigences du développement durable sont-elles compatibles avec la financiarisation de l’économie ?

Christian de Perthuis le croit, à condition que la sophistication des techniques financières soit mieux régulée par les pouvoirs publics. D’ailleurs, ajoute-t-il, « la finance n’est pas forcément synonyme de court terme : les fonds de pension ont des engagements de moyen et long termes. Les investisseurs ont vis-à-vis du management des exigences d’information et de transparence plus fortes que par le passé, au nombre desquelles on trouve les critères de l’investissement socialement responsable. »

En définitive, Christian de Perthuis estime que les acteurs du secteur privé dans leur ensemble ont su mieux et plus vite intégrer les enjeux du développement durable que les appareils d’Etat, « lesquels ont du mal à se remettre en cause… ».

Les marges de progrès ne manquent pas.

Pour faire bouger les choses, « la société civile » joue un rôle grandissant, ainsi que le souligne le livre.

Comme citoyens ou consommateurs, « les gens sont aujourd’hui davantage mobilisés sur des problèmes d’intégration, de solidarité Nord-Sud, de tourisme solidaire, de commerce équitable… ». Et l’auteur de « La génération future a-t-elle un avenir ? » [1] compte beaucoup sur la relève : « nos aïeux avaient une conscience écologique de nécessité ; nous l’avions perdue ; mais les nouvelles générations vont aller beaucoup plus loin dans leurs exigences ».

Aux trois piliers classiques du développement durable (économique, social, écologique), Christian de Perthuis propose d’en ajouter un quatrième : « la valorisation de la diversité culturelle et du patrimoine, y compris dans sa dimension esthétique. » Ce qui ne manque pas de faire sens.

Jacques Gautrand

- Emmanuel Arnaud, Arnaud Berger, Christian de Perthuis, « Le développement durable » - Nathan, coll. Repères pratiques - 160 pages(2005)