Bernard Giroux
"Medef : confidences d’un apparatchik"
  

Editions de l’Archipel - 2013

Alors que le Medef vient de se doter d’un nouveau président, Pierre Gattaz qui a succédé, cet été 2013, à Laurence Parisot, on ne peut que recommander la lecture des « confidences » de Bernard Giroux * qui a passé près d’un quart de siècle au service de l’organisation patronale, dont il a dirigé le service de presse. Dans un style clair, direct, concret, empreint d’humour et cultivant l’autodérision à l’anglosaxonne, l’auteur raconte, de l’intérieur, le fonctionnement d’une organisation en réalité mal connue et objet de beaucoup de fantasmes ....

* Bernard Giroux - « Medef - Confidences d’un apparatchik - De Ceyrac à Parisot, 25 ans chez les patrons » - Editions de l’Archipel - 185 pages



éditions de l'Archipel 2013

Les confidences de Bernard Giroux, 25 ans porte-parole des patrons...

"MEDEF". Cinq lettres qui peuvent susciter autant la fascination que le rejet violent selon votre intrelocuteur...
Bernard Giroux est entré au Conseil national du patronat français(CNPF), un peu par hasard en 1980, à la fin de ses études et il y est resté 23 ans.
Il a travaillé, au sein du service de presse de l’organisation patronale pour cinq de ses présidents successifs : François Ceyrac, Yvon Gattaz, François Perigot, Jean Gandois et Ernest-Antoine Seillière. C’est à travers leurs portraits, croqués avec bonhommie mais sans révérence (auxquels il a ajouté le portrait "vu de l’extérieur" de Laurence Parisot), que Bernard Giroux nous fait découvrir les arcanes du patronat français.

Promu à la direction du service de presse du CNPF en 1989 (CNPF qui est devenu le Medef en 1998) l’auteur a, en effet, bénéficié, selon ses propres termes, d’une « formidable plate-forme d’observation et d’action. » (lire l’extrait de son livre, ci-dessous)

Il peut ainsi nous apporter un éclairage de première main sur les coulisses et les enjeux des « relations sociales » dans notre pays, euphémisme qui désigne les négociations tumultueuses syndicats-patronat. Il décrypte leurs us et coutumes, leurs rituels parfois théâtralisés à dessein, leurs lourdeurs aussi, leurs contradictions, et ce goût excessif pour un "effroyable jargon technique", avec d’inévitables dérives technocratiques aboutissant à des usines à gaz réglementaires destinés à satisfaire la multiplicité des intérêts des uns et des autres ... Sans oublier leur part d’ombre : tels les fonds "secrets" de l’UIMM et leur usage, que l’auteur ne passe pas sous silence.

Avec un don incontestable d’écrivain, il émaille son livre d’une foule d’anecdotes, toujours savoureures et souvent instructives. Comme cette révélation à propos du statut tant décrié des intermittents du spectacle dont la paternité échoit ... à un haut dirigeant du CNPF dont l’épouse était costumière de théâtre !

Bernard Giroux consacre un long chapitre à Yvon Gattaz (le père de l’actuel président du Medef) dont l’accession (inattendue) à la tête du patronat, fin 1981, a correspondu à l’arrivée de la Gauche au pouvoir.

Doté d’un talent certain pour la pédagogie (cet ingénieur-entrepreneur, fondateur de Radiall, était issu d’une famille d’enseignants), Yvon Gattaz a contribué à "l’éducation" économique du président Mitterrand dont les références en la matière se trouvaient plutôt du côté de Zola et de Balzac que de Schumpeter ... Il réussit ainsi à obtenir que "l’outil de travail" fut exclu de l’assiette de l’impôt sur la fortune.

Il est à la fois intéressant (et décourageant) de lire que, déjà au début des années 80, les patrons ont dû monter au créneau face aux pouvoirs publics pour dénoncer "le poids écrasant des charges" handicapant leur compétitivité ... Paradoxalement, c’est au cours de cette période de socialisme triomphant et de nouveaux acquis sociaux (Lois Auroux, reraite à 60 ans, cinquième semaine de congés payés ...) que les Français se sont réconciliés avec l’esprit d’entreprise et le modèle de l’entrepreneur. La personnalité d’Yvon Gattaz et le patient travail d’influence des services du CNPF n’y sont pas étrangers.

Mais depuis le retour de la gauche aux affaires en 2012, l’histoire ressert les plats et ce patient travail de persuasion de l’opinion publique doit être remis en chantier. Ironie : c’est le fils d’Yvon Gatttaz qui a désormais la rude tâche de défendre la cause des patrons auprès du "fils" spirituel (et parfois mimétique) de François Mitterrand aujourd’hui à l’Elysée, alors que la première année du quinquennat de François Hollande a été marquée par beaucoup d’incompréhensions et de faux pas à l’égard entrepreneurs ...
"Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage !"

J.G.

Du Comité des forges au Medef

Bernard Giroux ->Bernard Giroux a été recruté en 1980 au CNPF par une grande figure de la communication d’influence des années 70 et 80 : Michel Frois qui dirigeait alors la puissante direction de l’information de l’organisation patronale. Il y est resté jusqu’en 2003, après avoir dirigé le service de presse, puis a rejoint à cette date, dans les mêmes fonctions, la fédération des chambres de commerce et d’industrie jusqu’en 2012. Figure connue et appréciée des journalistes économiques, Bernard Giroux est aujourd’hui consultant en communication. Voici un court extrait de son livre :

« C’est ainsi que je suis entré au coeur du patronat français. Cette rencontre avec Michel Frois allait déterminer ma carrière et me conduire à passer, excusez du peu, vingt-trois ans au CNPF, devenu Medef en 1998. Cette longue carrière m’a permis de connaître tous les coins et recoins de cette étrange maison. Lorsque j’ai quitté le Medef au printemps 2003, Sabine Syfuss-Arnaud m’a gentiment qualifi é, dans un article de L’Expansion, de « mémoire de la maison ».

L’institution patronale, en effet, est à la fois connue et méconnue. Pour le Français lambda, le Medef est l’organisation qui, sous la coupe des grands patrons, négocie avec les syndicats, souvent à reculons. Point barre. En revanche, ses activités de lobbying, son rôle international ou dans les territoires sont ignorés. Est-ce une conséquence de l’esprit de lutte des classes qui prévaut toujours dans notre vie politique, économique et sociale ? La vie de l’organisation patronale et son histoire n’intéressent guère les chercheurs. Autant les syndicats et le mouvement syndical ont donné lieu à d’innombrables ouvrages, souvent de qualité, autant l’histoire du patronat et des patrons, à l’exception de biographies de grands dirigeants, ne suscite guère l’inté rêt.
Et pourtant, quelle histoire !
Le 17 juin 1791, de façon mal inspirée, la Convention vote la loi Le Chapelier. Ce texte interdit le droit de coalition et d’association, pour les ouvriers comme pour les patrons. Leurs « prétendus intérêts communs » sont dénoncés comme contraires aux droits individuels. Tous les groupements et associations de l’Ancien Régime sont dissous. Sous la Révolution, les corps intermédiaires n’auront pas droit de cité.

[ Aux racines du mouvement patronal... ]

Il faudra attendre la Restauration pour que se crée la première organisation patronale. Elle naît en 1821 à Paris, rue de la Sainte-Chapelle. Là se sont réunis des patrons charpentiers, maçons, paveurs, bientôt rejoints par des patrons des autres métiers du bâtiment. Cette première organisation patronale se donne un objectif d’entraide mutuelle. En revanche, pendant plusieurs dizaines d’années, tous les groupements qui apparaissent sur fond de révolution industrielle, depuis le Comité des filatures de Lille, en 1824, jusqu’au Comité des intérêts métallurgiques, en 1840, sans oublier, en 1835, le Comité des industriels de l’Est de Jules-Albert Schlumberger, ont pour objectif principal de résister aux politiques libre-échangistes de l’État, timides sous la monarchie de Juillet, triomphantes sous le Second Empire. On verra même, en 1849, un des premiers dirigeants patronaux, Auguste Mimerel, obtenir, au nom de l’Association pour la défense du travail national, que les produits étrangers soient exclus de l’Exposition industrielle de Paris.

En 1901, à l’initiative du Comité des forges, l’Union des industries métallurgiques et minières (UIMM) est créée. Cette organisation, à compétence principalement sociale, regroupe toutes les branches industrielles utilisant des métaux. Elle veille aux intérêts des entreprises face au syndicalisme et au socialisme naissant et préconise un État de plus en plus interventionniste.

Enfin, en 1919, les patrons français se dotent d’une organisation nationale interprofessionnelle avec la Confédération générale de la production française (CGPF), qui se transforme en 1936 en Confédération générale du patronat français et affi rme sa vocation d’être l’interlocuteur social des pouvoirs publics.

Au cours des vingt-trois années que j’ai passées dans le saint des saints, le petit suppôt du Grand Capital que j’étais a servi cinq présidents successifs : François Ceyrac, Yvon Gattaz, François Perigot, Jean Gandois et Ernest- Antoine Seillière. J’ai travaillé, en outre, auprès d’une trentaine de dirigeants de grande renommée – Yvon Chotard, Pierre Guillen, Jacques Dermagne, Arnaud Leenhardt, Didier Pineau-Valencienne, Guillaume Sarkozy, Denis Gautier-Sauvagnac et Denis Kessler, pour n’en citer que quelques-uns –, ainsi que d’anciens ou futurs ministres tels François-Xavier Ortoli, Michel Roussin ou Francis Mer.

J’ai côtoyé nombre des principaux dirigeants de grandes entreprises et de présidents de fédérations professionnelles, à partir d’une formidable plate-forme d’observation et d’action : la direction du service de presse du patronat, cabinet noir des patrons des patrons. J’ai trottiné aux côtés de François Perigot et d’Ernest- Antoine Seillière dans des dizaines de pays étrangers, observateur attentif d’une mondialisation en gestation.

J’ai eu la chance, à Paris ou lors de déplacements, de croiser des dirigeants internationaux tels Lech Wałęsa, Alexander Dubček, Frederik de Klerk, Nelson Mandela, Abdelaziz Bouteflika, Shimon Peres, Hun Sen, Fidel Castro, Hosni Moubarak ou Vladimir Poutine...

Grâce à mon métier de relations avec la presse, j’ai noué des liens privilégiés, souvent amicaux, avec d’innom brables journalistes. À l’occasion d’interminables séances de négociations, j’ai connu bien des responsables syndicaux. J’ai croisé nombre de femmes et d’hommes politiques et copiné avec certains de leurs collaborateurs de droite et de gauche. (...)
Enfin, évoluer en plein coeur de la machine patronale m’a permis de sillonner la France et de nombreux pays, de faire des rencontres et de vivre des moments insolites.

Les confidences, révélations, portraits et analyses que j’ai regroupés dans ces pages apporteront, je l’espère, un autre regard sur notre histoire économique et sociale récente. Puissent-ils faire mieux connaître une bien curieuse maison...
Suivez le guide ! »

Bernard Giroux

* « Medef - Confidences d’un apparatchik - De Ceyrac à Parisot, 25 ans chez les patrons » - Editions de l’Archipel - 185 pages