Témoignage

Entreprises : les conditions du retour de la confiance  

Par Alain Mollinier *

Spécialiste du management des ressources humaines, Alain Mollinier * connaît bien le monde des entreprises - grandes et petites. Dans ce témoignage, il nous livre ses observations personnelles sur les conditions pour restaurer la confiance, préalable indispensable au développement économique.



Les conditions du retour de la confiance
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Alain Mollinier

Par Alain Mollinier *

Depuis plusieurs années, j’accompagne, comme intervenant et conseil RH engagé dans leur développement, des entreprises de taille et de nature différentes, en particulier des TPE et PME.

Voici plusieurs constats que je tire de mon expérience et de mes observations.

- Tout d’abord, au-delà du discours généraliste et uniformisant sur la crise, la réalité des entreprises est multiforme.
Certaines sont confrontées à des difficultés économiques réelles qui les conduiront à plus ou moins court terme au dépôt de bilan. D’autres sont sur un marché plus ou moins porteur et défendent leurs chances malgré le contexte économique difficile ; elles dégagent des résultats positifs ou sont à l’équilibre.

Mais toutes les entreprises sont confrontées aux mêmes freins :

- Celui d’un "discours anti-entreprise" - qui ne date pas de 2012-, qui s’ajoute à des contraintes fiscales et réglementaires croissantes.
Il est aujourd’hui impossible pour un chef d’entreprise et son responsable RH d’assurer une conformité parfaite aux exigences réglementaires, sauf à ne faire que cela et pendant ce temps ne plus piloter l’entreprise sur ses fondamentaux qui sont de produire et vendre !

- Celui de l’ignorance de la réalité économique de base : une entreprise ne peut se développer qu’à la condition de générer du résultat et de posséder une vraie trésorerie. Limiter les reports à nouveau des déficits antérieurs comme cela a été décidé en 2012 revient à ralentir le désendettement des entreprises et donc l’assainissement de leur situation économique.
Les taxer toujours plus est méconnaître que seule l’économie réelle, celle des biens et services marchands, génère la richesse d’un pays, celle qui permet de payer les salaires du personnel politique, des fonctionnaires – de l’Etat comme des collectivités territoriales - et de tous les « non-productifs » qui n’existent que grâce à l’impôt prélevé sur l’économie réelle.

- Face à ces contraintes, piloter et développer une entreprise relève du sacerdoce ou de l’inconscience ! Il ne faut donc pas s’étonner si des entrepreneurs envisagent d’arrêter ou limiter leur activité en France.

Il ne faut pas non plus lire les chiffres de création d’activité - en général sous la forme unipersonnelle - comme un développement croissant de l’entreprenariat dans notre pays. Il s’agit bien souvent de la seule solution pour des seniors confrontés au chômage de retrouver une activité, plus ou moins importante et plus ou moins rémunératrice, et ne pas rester enfermés dans le statut de demandeur d’emploi ...

Nous sommes donc loin d’une dynamique de croissance portée par un climat de confiance. Les ingrédients nécessaires à un développement serein des entreprises : stabilité des règles du jeu, réduction des charges et entraves de toutes sortes, ne sont pas réunis.

A-t-on des raisons d’espérer, cependant ?

Je réponds non pour tout ce qui est de la création et du développement d’entreprises et d’activités nouvelles pour les raisons décrites ci-dessus.

Oui, pour les entreprises en place.

En effet, au-delà de l’actualité médiatique qui met le projecteur sur des situations difficiles de grands groupes plus que de PME ou TPE, la majeure partie des salariés est attachée à son entreprise, en comprend les difficultés et les enjeux, et est prête à des sacrifices pour que celle-ci perdure.
Cela, à une condition : qu’un langage de vérité soit tenu par les dirigeants et que les efforts soient reconnus -et récompensés - lorsque cela redevient possible.

A cette condition interne, s’ajoute la nécessité d’un renforcement des compétences managériales des équipes de Direction. Il n’est plus possible, du fait de la complexité des différentes réglementations – commerciale, environnementale, sociale, …- de s’improviser manageur.

Outre les compétences techniques attendues des membres d’équipe de direction ( directeur industriel pour la gestion de la production, directeur commercial et marketing pour le développement de la clientèle, directeur R & D, directeur financier, etc.) ceux-ci doivent posséder des qualités comportementales, des "savoir-être" leur permettant de porter le projet de l’entreprise, le faire partager par tous, et, par l’exemplarité de leur comportement, susciter la confiance. Ces qualités comportementales se stimulent, s’entretiennent et se perfectionnent : aux dirigeants d’entreprise d’en faire une priorité stratégique

Enfin, pour aller au-delà de ces constats, je fais un rêve : qu’on demande à passer par la case entreprises (et notamment PME-PMI !), dans un emploi de quelques années - sur le terrain, pas au siège social !- tous les donneurs de leçons et faiseurs de textes, Enarques, Polytechniciens, enseignants, personnel politique ...

Gageons qu’il en sortirait un peu plus de réalisme et de lucidité, bénéfiques à l’activité économique du pays !

Alain Mollinier
* Après quinze années passées au Ministère du Travail comme inspecteur du travail, puis directeur adjoint, Alain Mollinier a occupé des fonctions de DRH et de DAF dans des filiales de groupes industriels : Matra, puis Thomson Multimédia.
Il a ensuite rejoint le monde du conseil en Ressources Humaines comme directeur régional d’une société de conseil.
Depuis 2003, il développe A.C.E. Management et Ressources Humaines, sa propre marque de conseil : il intervient en appui RH opérationnel sous diverses formes – missions de conseil, DRH de transition, DRH à temps partiel …
Diplômé de Sciences-Po Paris, Alain Mollinier a suivi le cursus de l’Institut National du Travail de l’Emploi et de la Formation Professionnelle.