Les femmes et la création d’entreprise : des freins psychologiques et socioculturels à lever  

69% des femmes considèrent la création d’entreprise plus « épanouissante » que le salariat ! 18% d’entre elles envisageraient même - ou sont en train - de créer leur propre entreprise. Tels sont quelques-uns des enseignements d’un sondage OpinionWay réalisé à l’occasion du Salon des Entrepreneurs 2012. (1) Pourtant des freins et des obstacles restent à surmonter pour accéder à une certaine "parité" dans l’entrepreneuriat.

L’INSEE nous apprend que 38% des créateurs d’entreprises enregistrées en 2011, sont des femmes (2), du moins dans les entreprises individuelles (chiffre non connu dans les sociétés) : elles sont majoritaires dans l’enseignement, la santé, l’action sociale (60%) et dans les services aux personnes (56%).

Ces données sont aussi à rapprocher de la dernière enquête annuelle CSA pour la Fédération française de la franchise et les Banques Populaires qui fait ressortir une progression des femmes parmi les franchisés : 45% en 2011 contre 40 en 2010.

André Letowski * analyse pour Consulendo.com les résultats du songade OpinionWay.



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Les femmes et la création d’entreprise
Attentes & obstacles perçus
Par André Letowski *

69% des femmes interrogées par OpinionWay (1) estiment que la création d’entreprise est une voie professionnelle plus épanouissante que le salariat (dont 12% se disent "tout à fait d’accord" avec ce jugement).
En cela les femmes ne se distinguent pas des hommes, des jeunes, interrogés à l’occasion de nombreuses enquêtes.

Cette opinion largement favorable ne les conduit pas pour autant à avoir envie de créer leur entreprise dans des proportions plus importantes que les hommes : elles ne sont que 3% à sérieusement envisager de le faire à court terme, deux fois moins que les hommes (6%).

15% d’entre elles déclarent envisager de créer une entreprise ou de se mettre à leur compte, mais sans fixer d’échéance à leur intention (17% pour les hommes).
L’expérience montre que cette envie sans échéance se traduit le plus souvent par la non-création, ou alors, dans une situation de rupture, par la remise en perspective du projet de créer son entreprise.

Les femmes qui souhaitent créer un jour sont plus diplômées que les hommes : 86% bac et au-delà dont 53% bac à bac +2, contre respectivement 70% et 39% pour les hommes ; elles sont plus souvent en couple 67 (contre 45%), avec des enfants (48 contre 31%) - Ces derniers éléments restent cependant à vérifier du fait du très petit nombre de personnes concernées dans l’échantillon OpinionWay:180 femmes et 110 hommes (en décalage au regard d’autres enquêtes).

Ce sondage fait aussi apparaître que 4% des femmes déclarent être en activité comme chef d’entreprise (7% pour les hommes).

- Les freins à la création d’entreprise par les femmes

Il est intéressant de noter que près d’une femme sur deux (47%) répond clairement : « non, il n’est pas question de créer mon entreprise, je n’en ai aucune envie ! »

Pour les femmes l’activité professionnelle idéale doit en effet avant tout permettre de s’épanouir pleinement dans son travail (61%), tout en équilibrant parfaitement leurs vies professionnelle et familiale (60%). Les autres items cités ont beaucoup moins d’importance : apprendre des choses constamment (19%), gagner beaucoup d’argent (17%), vous dépasser/réussir des challenges (11%), accéder à une reconnaissance sociale (9%), développer son réseau social/rencontrer des gens (6%) ...

Or quand on demande aux femmes si elles pensent que "la fonction de chef d’entreprise peut permettre d’équilibrer parfaitement vie familiale/personnelle et vie professionnelle", elles sont très partagées dans leurs réponses : 46% de Oui et ... 54 % de Non !

- Commentaire de Consulendo.com : On touche là une contradiction ou un paradoxe majeur par rapport à la première question du sondage qui recueille 69% d’opinions positives chez les femmes sur le caractère plus "épanouissant" de la création d’entreprise par rapport au salariat ... En fait, l’analyse des freins évoqués par les femmes pour ne pas se mettre à leur compte, éclaire cette apparente contradiction : seulement 22% des sondées déclarent ne pas vouloir créer leur entreprise au motif que « mon emploi salarié me satisfait pleinement » ...

De là, on peut déduire que l’insatisfaction dans le travail n’est pas un moteur suffisamment puissant chez une femme pour la conduire à quitter les avantages et la sécurité du salariat et se mettre à son compte ...

* * * « Une femme sur trois qui n’a pas envie de créer manque de confiance en ses compétences » * * *

- Quels sont les principaux freins et obstacles à la création d’entreprise par les femmes ?
Les femmes ne pensent pas être désavantagées par le seul fait d’être une femme (33% y voient un inconvénient dont 3% seulement un inconvénient important) ; 38% n’y voient ni avantage, ni inconvénient ; 26% y voient même un avantage (dont 7% un avantage important !).

Les raisons invoquées par les femmes commes freins ou obstacles à la création d’entreprise tiennent plutôt à leur perception subjective de ce qui constituerait leurs propres handicaps :
tels, le manque de crédibilité dans les milieux professionnels (56% des réponses), la difficulté à convaincre les banquiers ou investisseurs (42%) et le manque de temps pour la vie familiale (36%) ...
25% évoquent aussi la difficulté à gérer des équipes d’hommes et le manque de soutien de l’entourage personnel (17%).

Si "l’investissement financier nécessaire trop important " est cité comme un frein majeur (42%), le fait de "ne pas avoir les compétences requises (35%), le "risque d’échec trop important" (31%), l’investissement lourd en temps (24%), des "responsabilités trop grandes "(15%), viennent ensuite dans les raisons invoquées. Autant de jugements d’ordre "personnel" qui conduisent les femmes à estimer leurs compétences insuffisantes pour créer une entreprise : 35% contre 23% chez les hommes. Une opinion qui dénote un manque de confiance dans leurs qualités ...

Il est intéressant à cet égard de regarder les représentations qu’ont les femmes des qualités indispensables pour un chef d’entreprise : savoir diriger une équipe (53%), avoir le sens des responsabilités (40%), la capacité à gérer et maitriser les aspects financiers (40%), l’expertise (28%) ... Leurs réponses mettent en avant des capacités de gestionnaire plus que des qualités liées au tempérament d’entrepreneur, telles la réactivité (27%), la créativité, l’innovation (19%), le dynamisme (17%), la ténacité (8%), l’audace (6%), le goût du risque, de l’aventure (5%), l’autonomie (4%), qualités personnelles qui sont pourtant indispensables à la réussite de tout projet.

- Quel est le moment favorable pour se lancer ?

Parmi l’ensemble des femmes interrogées, le plus grand nombre, soit 40%, estime qu’il faut avoir une expérience professionnelle de 3 à 10 ans (et 13% une expérience plus longue). Pour 29% des sondés :« peu importe, tous les moments cités peuvent s’y prêter ».

Par ailleurs, plus d’une femme sur trois (38%) estime que le moment le plus favorable pour céer intervient lorsque « les enfants sont autonomes ». Alors que pour 31% des sondées, cela peut être à tout moment et pour 20% au moment de la maternité ou après la naissance des enfants.
Ce que confirme le phénomène des "Mompreneurs", ces jeunes mères de famille qui ont choisi l’entrepreneuriat pour concilier famille et travail. Et trouvent, disent-elles, leur épanouissement dans ce choix de vie active et autonome.

André Letowski
* Expert et consultant en entrepreneuriat

(1) Sondage OpinionWay pour l’APCE, le Salon des Entrepreneurs, CER France : « Les femmes et la création d’entreprise », sondage selon la méthode des quotas auprès de 1 019 femmes et de 481 hommes âgés de 18 ans et plus (constitué selon la méthode des quotas au regard des critères de sexe, âge, statut d’activité, après stratification par région de résidence) réalisé entre le 14 et 23 décembre 2011- Publié le 30 janvier 2012

- A propos de l’APCE : Créée en 1996 sur l’initiative des pouvoirs publics, l’Agence Pour la Création d’Entreprises intervient dans le processus d’aide à la création, à la transmission et au développement des entreprises.

- A propos de CERFRANCE : Avec ses 700 agences implantées sur l’ensemble du territoire, CERFRANCE, réseau associatif de conseil et d’expertise comptable, offre les compétences pluridisciplinaires de 11 200 collaborateurs (conseillers, juristes, consultants, experts-comptables, etc.) à ses 320 000 clients actifs dans tous secteurs d’activité.

(2) INSEE Première N° 1387 - Janvier 2012

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