« Vivre de son travail ... »
Le piège mortel du "low-cost" ...
Comme le montre la détresse des producteurs bretons, la France ne peut pas gagner la bataille du low-cost pour se nourrir ou se vêtir.
Nos entreprises sont en concurrence avec des pays où les coûts de production sont de cinq à dix fois inférieurs !
Le système privilégiant la recherche exclusive du prix le plus bas (popularisé notamment par l’un des fleurons de la grande distribution né en Bretagne) se révèle destructeur. En économie ouverte et mondialisée (avec en plus, un Euro fort !) la quête exclusive du prix le plus bas conduit à la ruine des producteurs nationaux.
Il est donc temps de changer de paradigme !
Dans l’agroalimentaire par exemple, il faudrait mettre en place des codes de "bonnes pratiques"entre producteurs indépendants et la grande distribution, avec la définition de prix au détail qui tiennent compte du coût réel de production et non d’une recherche effrénée du discount- ce qui, au final, ne représenterait que quelques centimes supplémentaires par produit pour le consommateur.
Parallèlement, il faut relancer des campagnes de sensibilisation du grand public pour que "les emplettes préservent les emplois", en promouvant les produits de terroirs, les spécialités locales (comme le font déjà certaines enseignes de la grande distribution), en favorisant les circuits courts et en réduisant les gaspillages (effort sur l’emballage et le condtionnement pour éviter que 30% des achats alimentaires ne finissent à la poubelle !)
Les filières agroalimentaires doivent progressivement se réorienter vers la recherche de valeurs ajoutées (qualité gustative, santé, forme, diététique) comme alternative à la seule variable du prix (comme l’ont fait les producteurs de vin du Languedoc-Roussillon engagés depuis des années d’une politique de qualité)
Concernant les importations de produits alimentaires et agroindustriels en Europe, comme les poulets brésiliens par exemple, il faudrait, comme le préconisent certains, instaurer aux frontières de l’Union une taxe "DD" (développement durable) de quelques points qui compenserait le fait que ces produits proviennent de pays qui n’ont pas les mêmes contraintes sociales et environnementales que les producteurs européens ...
Post-Scriptum
La plupart des manifestants bretons ne demandent pas de privilèges ou de prébendes, ils veulent simplement pouvoir vivre de leur travail ... Cette demande on ne peut plus légitime (1) est partagée par de nombreux Français, soit parce qu’ils sont victimes d’un chômage de longue durée, soit parce qu’ils sont des "travailleurs pauvres" - et il ne sagit pas seulement de salariés : des artisans et des commerçants, ne se rémunèrent même pas l’équivalent du SMIC une fois payées toutes leurs charges ...
Jadis, la définition d’un homme honnête était « celui qui vit de son travail ». Dans la France de 2013, cette acception est de moins en moins réaliste tant le nombre de personnes capables de vivre de leur travail tend à diminuer par rapport à l’’immense cohorte des personnes vivant de revenus de reversion.
Le poids croissant des cotisations sociales, des prélèvements obligatoires, des impôts et taxes locales, combiné à celui des dépenses contraintes (téléphone, eau, gaz, électricité, transports ...) a atteint un tel niveau que de nombreux Français, pourtant en activité, n’arrivent plus à joindre les deux bouts.
Et contrairement à l’analyse du gouvernement, les classes moyennes se sentent touchées et menacées par l’alourdissement de ces ponctionnements.
Tout ceci nourrit le mal-être, le pessimisme ambiant et le découragement d’un nombre croissant de Français.
D’ailleurs l’annonce en octobre de taxes supplémentaires sur l’épargne populaire n’a fait que rajouter une couche au climat délétère actuel. Heureusement, cette mesure insensée a été retirée avant même d’être adoptée ! Mais chat échaudé craint l’eau froide ...
Alors, face au mécontentement sourd qui paralyse notre pays, il est grand temps de changer de logiciel. Il est urgent de réduire le ponctionnement public qui pèse sur le travail et les actifs, de libérer l’esprit d’initiative et de créativité. Pour cela il faudrait donner des signaux forts comme, par exemple, réduire la TVA à 5,5% sur tous les travaux du bâtiment (construction, rénovation, extension) ; réduire de moitié les droits de mutation sur les biens immobiliers et les fonds de commerce...
Une politique économique de bon sens devrait s’attacher à fluidifier l’échange économique, à encourager l’initiative, l’activité et la prise de risque, au lieu d’installer des péages et des "octrois" à tous les carrefours ! C’est la condition pour retrouver la confiance. Et la croissance.
Jacques Gautrand
jgautrand [ @ ]consulendo.com
(1) Cette demande est d’autant plus légitime qu’elle est inscrite dans le préambule de la constitution de 1946, reprise dans celui de la constitution de la 5ème République de 1958 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. » Un principe qui semble aujourd’hui bien virtuel ...
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