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Insensiblement, la France est devenue un pays d’entrepreneurs. Une révolution silencieuse dans ce (...)

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La chronique de Jacques Gautrand - Octobre 2013
Réforme de l’auto-entrepreneur :
Veut-on (vraiment) davantage de travailleurs indépendants dans notre pays ?
 

Ayant émis des réserves, dès son lancement, sur le régime de l’auto-entrepreneur, je suis d’autant plus à l’aise pour donner mon avis aujourd’hui alors qu’il est menacé.

Faisons un rapide point sur le sujet.

- En simplifiant au maximum les formalités administratives de la création d’entreprise, le régime de l’auto-entrepreneur, a séduit depuis le 1er janvier 2009 plus d’un million de Français, parmi lesquels un bon nombre ne seraient probablement pas passés à l’acte sans ce dispositif. *

- Alors qu’on qualifiait la France de "pays de fonctionnaires" (ce qui n’est pas totalement faux), le régime de l’auto-entrepreneur a démontré que l’envie d’entreprendre était largement répandue dans la population, quel que soit l’âge, les diplômes et les situations - y compris parmi les agents de la fonction publique qui ont adopté ce régime pour améliorer leurs revenus ...

- On ne le rappelle jamais assez : le régime de l’auto-entrepreneur s’appuie en réalité sur un régime fiscal préexistant, celui de la micro-entreprise (ou régime micro-social) qui fixe des seuils de chiffres d’affaires en deça desquels l’entrepreneur est dispensé de facturer la TVA sur ses ventes (32 600 euros pour les prestations de services ou 81 500 euros pour le commerce). Fort curieusement, dans les débats actuels, on a très peu parlé de l’avenir de ce régime fiscal de la micro-entreprise : sera-t-il lui aussi concerné par les "coups de rabots" envisagés par la ministre Sylvia Pinel dans son projet de réforme ?

- La principale innovation du régime de l’auto-entrepreneur tient en vérité à une mesure : acquitter ses cotisations sociales seulement quand on réalise du chiffre d’affaires. C’est un progrès considérable par rapport au régime commun des indépendants et des TPE, lesquels sont soumis à l’obligation de payer des cotisations (RSI, URSSAF et caisses de retraite) avant même toute facturation, sur une base qui est régularisée deux ans après (ce qui explique notamment le pic de mortalité des entreprises lors de la troisième année d’existence, car elles doivent payer, en plus des cotisations de l’année, le rattrapage des deux exercices précédents ...)

Le projet de réforme annoncé par le gouvernement Ayrault

Pourquoi un gouvernement de gauche a-t-il décidé de corseter un régime qui a rencontré depuis sa création un grand succès, qui a permis à de nombreuses personnes éloignées du marché du travail de retrouver une dignité en créant leur propre emploi - comme s’y consacre avec succès l’ADIE - un régime qui a permis à de nombreux Français modestes de se constituer un complément de revenu, et qui a stimulé chez beaucoup de nos compatriotes la fibre entrepreneuriale, l’esprit d’initiative, le désir d’autonomie, de réalisation de soi, d’indépendance ? >>>

* 94% des auto-entrepreneurs se déclarent aujourd’hui satisfaits du régime tel qu’il est. En son absence, 57% d’entre eux auraient renoncé à leur projet et 22% auraient trouvé une alternative informelle pour exercer leur activité. C’est l’un des résultats de la dernière enquête de l’Union des auto-entrepreneurs (UAE) publiée le 4 octobre. Selon ce même sondage, 91% des Français pensent il faut prendre le temps de faire un bilan objectif du régime avant de le réformer. Et 79% d’entre eux sont par ailleurs formellement opposés à sa suppression.

Les motivations de la réforme ignorent le potentiel du travail indépendant

Quand on analyse l’exposé des motifs du projet de réforme de l’auto-entrepreneur présenté en conseil des ministres le 21 août par Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme, on décèle deux arguments principaux sur lesquels s’appuie le gouvernement pour justifier son action :

- « Le régime de l’auto‐entreprise n’a qu’en partie atteint l’objectif pour lequel il avait été créé initialement : il devait, et devrait, être un tremplin vers une forme pérenne d’entreprise, mais seules 5 % d’entre elles ont basculé vers un régime classique » ...

- Ce régime aurait favorisé "le salariat déguisé" : « Certaines entreprises poussent leurs salariés à devenir autoentrepreneurs et les "emploient" à ce titre. Les salariés qui en sont victimes se retrouvent dans une situation particulièrement précaire, ils n’ont plus d’assurance chômage, plus de droits à congés et ils peuvent être congédiés à tout moment par leur "employeur" », peut-on lire dans le texte de présentation.

Ce second argument explique la volonté d’abaissement des seuils de chiffres d’affaires du régime de l’auto-entrepreneur : le montant de 19 000 euros a clairement été fixé par le gouvernement à « un niveau proche du coût complet d’un emploi rémunéré au SMIC avec pour objectif de décourager les employeurs à recourir au salariat déguisé et au contournement du droit du travail. »
C’est clair et net.

Sauf qu’en abaissant les seuils de chiffres d’affaires on rend encore moins intéressant ce régime pour l’ensemble des auto-entrepreneurs, l’immense majorité qui l’ont choisi en toute liberté. Et du coup, cette réforme marginalise l’auto-entreprise dans une "activité d’appoint"...

Ainsi, pour corriger ses dérives, inhérentes à tout dipositif, et dont on ne connaît pas le nombre exact de cas concernés (qui en toute vraisemblance sont minoritaires sur 1 million d’auto-entreprise), on décourage des centaines de milliers de Français qui ont osé "se mettre à leur compte", malgré un contexte économique et socioculturel peu favorable...

Tel que cela ressort de son projet de réforme, le gouvernement veut cantoner le régime de l’auto-entrepreneur, dans la niche du "revenu d’appoint" ou en faire une étape « transitoire » vers ce qu’il considère la "vraie" entreprise (c’est à dire, si l’on décode, une entreprise capable d’employer des salariés). Et ce, en complexifiant la mise en œuvre d’un régime initialement censé "simplifier" la vie du futur entrepreneur ...

L’économiste Philippe Simonnot dit que la Gauche française préfère des chômeurs à des travailleurs pauvres, même si ceux-ci sont indépendants et ne doivent leurs gains modestes qu’à leur seule activité ...

Un indépendant n’est pas une "entreprise en miniature"

Derrière la réforme du régime de l’auto-entrepreneur, la véritable question à poser est : veut-on vraiment encourager le développement du travail indépendant dans notre pays ?

Les pouvoirs publics (Gauche et Droite confondues) font une erreur d’appréciation en assimilant l’entrepreneuriat à la création d’une entreprise "ayant vocation à grandir" (et donc à embaucher).

Or, toutes les "entreprises" n’ont pas vocation à grandir :
l’entrepreneur "unipersonnel" n’est pas une entreprise "en miniature" qui un jour deviendra grande (vision toute technocratique, hélas répandue) ...

A côté des dispositifs de soutien à la création d’entreprise "classique", nous avons tout autant besoin d’une politique publique spécifique, ciblée, favorable à l’émergence d’une multitude de professionnels indépendants qui, par goût ou par tempérament, font le choix d’exercer leur métier de façon autonome.

Car tout le monde n’a pas envie de travailler dans le cadre du "lien de subordination" qui définit en droit français le salariat et le rapport à l’employeur (avec, en contrepartie, tous les avantages sociaux accordés aux salariés qui renoncent à leur indépendance...)

Alors même que le contexte français est très favorable au salariat, y compris culturellement, puisque du point de vue de l’administration, un travailleur indépendant est qualifié de "TNS", c’est à dire "travailleur non-salarié" - il est donc défini négativement par rapport au salariat (ce qui en dit long sur l’inconscient français)

Le professionnel indépendant, ce que les Anglo-saxons appellent le "free-lance" ou "professional" n’a pas vocation à grandir - et généralement, il ne veut surtout pas embaucher ! Il tient d’abord à exercer son métier en toute indépendance. Et de préférence seul (ou en réseau).

Si l’environnement socio-culturel, juridique et fiscal y était favorable nous pourrions certainement voir s’installer 500 000 professionnels indépendants supplémentaires dans notre pays (hors professions libérales réglementées).

Or pour cela, le régime (actuel) de l’auto-entrepreneur n’est pas adapté, car trop "fourre-tout". Et, une fois réformé, il le sera encore moins, puisque dans la réforme telle qu’elle est présentée rien n’est prévu pour encourager le "travailleur indépendant".

Pour un statut valorisant du professionnel indépendant

Il manque aujourd’hui dans le paysage entrepreneurial un vrai statut clair, et valorisant, du professionnel indépendant. Défini positivement et non par défaut par rapport au salariat.

Espérons que la mission confiée par le gouvernement à Laurent Grandguillaume (1), Député de la Côte d’Or (PS), destinée à simplifier et à clarifier le cadre de l’entrepreneuriat individuel saura aussi prendre en compte cette problématique.

Actuellement en phase de consultation et d’audition des organisations professionnelles et des acteurs concernés, le député Grandguillaume doit remettre son rapport en décembre de cette année.

Espérons que l’arbre de l’auto-entrepreneur ne cachera pas la forêt des indépendants qui ne demande qu’à lever.

Jacques Gautrand
jgautrand [ @ ] consulendo.com

- (1) Dans sa lettre de mission au député de la Côte d’Or, le premier ministre Jean-Marc Ayrault, précise qu’il attend « des propositions visant à favoriser le développement pérenne des entreprises individuelles et des TPE par la réduction des charges administratives, par la simplification des régimes d’impositions fiscale et sociale, ainsi que par la simplification des régimes juridiques applicables »

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