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Insensiblement, la France est devenue un pays d’entrepreneurs. Une révolution silencieuse dans ce (...)

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La chronique de Jacques Gautrand - Février/Mars 2015
Plutôt que de parler d’« emplois », si nous parlions de métiers, de professions, de savoir-faire, de qualifications, de talents …
 

« L’emploi ! L’emploi ! L’emploi ! » Le mot est devenu une incantation récurrente dans les discours des dirigeants politiques, syndicaux et même patronaux … incantation d’autant plus lancinante que se manifeste cruellement leur impéritie à remédier au chômage de masse. (1)

Nous l’avons suffisamment écrit sur ce site : le chômage est un cancer qui ronge la société française. C’est la « mère » de tous les maux de notre société.
Mais la lutte contre le chômage ne doit pas s’enfermer dans le slogan commode et tautologique : « Il faut créer des emplois ! »

C’est une erreur sémantique qui repose sur une erreur d’analyse et de perspective. Laquelle explique peut-être aussi en partie l’impuissance des politiques publiques qui, depuis 35 ans, Droite et Gauche confondues, s’efforcent sans véritable succès de venir à bout de l’hydre du chômage.
Car notre pays, reconnaissons-le, a jusqu’à présent préféré le « traitement social » du chômage à la mise en œuvre d’initiatives originales pour démultiplier les activités.

Il en est ainsi de la création, sous différents gouvernements, des « emplois aidés » - un euphémisme ou une coquetterie de langage pour faire oublier qu’il s’agit d’emplois financés par les contribuables. Or, dans leur immense majorité ces fameux « emplois » se révèlent en définitive des emplois précaires et ne débouchent que rarement sur des métiers ou des « situations » d’avenir...

Une notion administrative ou statistique qui cache la réalité de sa genèse

La notion d’emploi est abstraite et indistincte. Elle relève d’une conception administrative, bureaucratique, ou statistique de la vie économique. La dénomination sert par exemple à dénombrer le nombre d’employés d’un service, d’une usine, d’une société ou d’un secteur d’activité.

La notion d’emploi induit aussi, par réciprocité, la qualité - ou le « statut » - d’employeur, qui est strictement encadré par une multitude de règlements et d’obligations légales et sociales ...

La notion d’emploi renvoie aussi à la révolution industrielle, où seules comptaient la force physique et la disponibilité de la « main d’oeuvre » : dans l’usine originelle l’"emploi" de masse était substituable, comme dans une armée : lorsqu’un soldat tombe au front, un autre le remplace ... (n’utilise-t-on pas d’ailleurs l’expression "front" de l’emploi ?)

Cette notion abstraite et indistincte d’emploi est désormais tellement ancrée dans le langage courant qu’on la retrouve dans de nombreuses expressions utilisées dans les commentaires de presse, les discours politiques ou syndicaux, les rapports d’experts : " tel secteur d’activité « a créé XXX emplois » ou « X centaines de milliers d’emplois industriels ont été détruits en dix ans ... », ou encore, lu récemment dans un grand quotidien : « chaque année l’agriculture perd des emplois » ... « Embellie sur le front de l’emploi ... »

Emploi majuscule, Emploi institutionnalisé

L’Emploi majuscule est aussi une institution : nous avons une « Agence nationale pour l’Emploi » - devenue depuis Pôle Emploi - chargée de publier des « offres d’emploi » … Ses agents sont tellement accaparés par le traitement administratif de 3,5 millions de "demandeurs d’emploi" inscrits dans ses registres qu’ils n’ont pas le temps de se consacrer à ce qui devrait être leur mission première : aller visiter les 1,5 millions d’entreprise « employeuses » pour connaître et identifier leurs besoins de collaborateurs, de compétences, de métiers …

Notons d’ailleurs que quelqu’un qui a un métier, une qualification, un savoir-faire, s’il s’inscrit à Pôle Emploi devient, ipso facto, un "demandeur d’emploi" ...

Citons aussi l’étrange dénomination du « ministère du Travail et de l’Emploi » (sic) : comme s’il y avait des emplois qui n’étaient pas du travail …Tiens, tiens, à qui pensez-vous ?

Il y a toujours dans notre pays des personnes qui pensent que l’Etat est capable de « créer » des emplois, d’un coup de baguette magique ! Il y a même des gens qui pensent mordicus que cela fait partie de sa mission...

Il subsiste encore dans l’inconscient collectif d’une partie de la population, et pas seulement chez les adeptes du communisme, une nostalgie des « grands ateliers nationaux » que l’Etat souverain devrait ressusciter pour « occuper » le bon peuple … D’ailleurs lorsque des grands groupes sont en difficulté, vers qui se tourne-t-on pour « sauvegarder l’emploi » ? Vers l’Etat comme vers un roi guérisseur des écrouelles …

Rappelons au passage que plus de six millions d’actifs (et des millions de retraités) relèvent du secteur public (les trois fonctions publiques plus les entreprises publiques) pour leur bulletin de paye - ou leur pension…

Cependant, depuis la crise de 2008, de plus en plus de Français se rendent compte que ce sont d’abord les entreprises et les entrepreneurs qui « créent l’emploi » - pour reprendre cette expression que nous voudrions précisément démystifier dans cette chronique.

Même en France, pays d’économie administrée, le secteur privé compte quelque 17 millions de salariés, plus environ 3 millions d’indépendants.

Analysons maintenant cette notion trompeuse de « création d’emplois ».

En fait il faut se ranger à l’idée que l’entreprise ne « produit » pas des emplois comme elle délivre des biens et/ou des services, ce qui est sa première finalité, afin de satisfaire ses clients. Pour remplir cet objectif - qui est la première et fondamentale justification de l’entreprise (la satisfaction des besoins de ses clients) – celle-ci va recruter des collaborateurs afin de mener à bien cette tâche.

L’entreprise ne se positionne pas en termes d’emplois à créer, mais en termes de compétences, de savoir-faire, de métiers, de talents qu’elle doit trouver et attirer, d’une part, pour réussir son objectif - produire des biens/des services destinés à satisfaire ses clients - et, d’autre part, pour faire mieux que ses concurrents.

Un chef d’entreprise ne se dit pas : « je vais créer des emplois », mais je cherche un soudeur, un chaudronnier, un apprenti, une informaticienne, une comptable, une directrice commerciale, un webmestre ; j’ai besoin d’un bon ingénieur, ah ! si je pouvais trouver un bon développeur, un acheteur expérimenté, etc.

Et d’ailleurs, si l’on interroge des salariés (ou des indépendants), il est extrêmement rare que la personne se présente en disant « j’occupe un emploi », mais elle va vous décrire son métier, sa profession, vous expliquer son savoir-faire, son expérience…

Et la plupart des gens sont fiers du métier qu’ils exercent, même si parfois, leurs conditions de travail (ou l’ambiance) sont difficiles – ou se sont dégradées.

Les mots ne sont pas anodins.

Certes, ce n’est pas parce qu’on ne parlera plus d’Emploi qu’on va résoudre le Chômage !

Mais si nous parlions davantage de métiers, de compétences, de professions, de savoir-faire, d’expertise, nous contribuerions déjà à mieux valoriser le travail.

Par ailleurs, nos entreprises, pour se développer, innover, vendre, exporter ne peuvent pas se priver des talents, de l’ingéniosité, des idées des 5 millions de personnes aujourd’hui « inemployées » ou « sous-employées ». N’est-ce pas là un immense gâchis que cette « jachère humaine » qui coûte à notre pays, depuis des décennies, des points de croissance en moins ? Et creuse les déficits de ses caisses de protection sociale !

Ne faudrait-il pas se mobiliser collectivement pour que cet immense gisement potentiel soit enfin valorisé par nos entrepreneurs les plus actifs et les plus ambitieux ?

Dans la société de l’information, à l’heure de l’économie relationnelle et immatérielle, n’est-il pas temps de faire de ceux que l’on a appelés jusqu’à présent des « employés », le premier actif au bilan de l’entreprise ? Non plus une « charge d’exploitation » mais le capital social aussi précieux sinon plus que son capital financier ?

Cela suppose une véritable révolution culturelle. Et un changement radical de notre comptabilité nationale.

Mais si ce changement de perspective, pas seulement sémantique, nous permettait de faire un grand pas en avant vers une nouvelle prospérité ?

Et si nous quittions définitivement les « Temps Modernes » de Charlot pour entrer enfin dans le 21ème siècle ?

Jacques Gautrand
Jacques [ @ ] consulendo.com

(1) Selon les statistiques officielles publiées le 25 février 2015, « le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi en catégories A, B, C s’établit à 5 232 100 en France métropolitaine fin janvier 2015 (5 530 600 en France y compris Dom). Ce nombre augmente de 0,3 % (+16 100) au mois de janvier. Sur un an, il augmente de 6,2 %. »
C’est uniquement le nombre de chômeurs recensés dans la catégorie A (sans aucune activité sur le mois) qui a diminué de 0,5 % en janvier pour s’établir à 3,48 millions en France métropolitaine (19 100 personnes en moins).

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