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Phillipe Merlant, Luc Chatel
"Médias, la faillite d’un contre pouvoir"
Editions Fayard - 2009
 

Pourquoi les médias suscitent-ils aujourd’hui autant de passion et de défiance, de fascination et de rejet dans le grand public ? Pourquoi le fossé ne cesse-t-il de grandir entre médias et citoyens, alors même que le système des médias se veut le miroir de l’opinion publique et participe aussi à sa « fabrique » …
Plutôt que d’approcher le problème sous un angle idéologique ou corporatiste, Philippe Merlant et Luc Chatel (*) nous invitent, en professionnels de l’information, à une plongée au cœur du système. Leur ouvrage ne se contente pas de pointer les défauts et dérives - hélas ! nombreux des médias : « suivisme », course au scoop, prime au spectaculaire et au sensationnalisme, autocensure … il décrit de manière très concrète la formation et le travail des journalistes, le fonctionnement des rédactions, montrant notamment l’impact des impératifs de rentabilité sur les différents maillons de la chaîne.

Consulendo publie, avec l’aimable autorisation des auteurs, des extraits de l’introduction et de la conclusion de leur essai : "Médias, la faillite d’un contre pouvoir" (éditions Fayard)

- * Philippe Merlant est journaliste à l’hebdomadaire La Vie et Luc Chatel rédacteur en chef de l’hebdomadaire Témoignage Chrétien

« Médias, la faillite d’un contre pouvoir »
Médias, la faillite d'un contre-pouvoir - Fayard 2009 par Phillipe Merlant et Luc Chatel

« En avril 2009, lors d’un reportage à l’usine Continental de Clairoix (Oise), en lutte contre sa fermeture et le licenciement de 1 120 salariés, nous avons pu vérifier que la situation était bien plus tendue entre les grévistes et les journalistes qu’entre ceux-ci et les gendarmes chargés de protéger le site. Certains chercheurs ne sont pas plus tendres, évoquant parfois, tel Emmanuel Todd, l’« hystérisation » du système médiatique. Ainsi, le fossé ne cesse de se creuser entre des citoyens de plus en plus sceptiques et une profession qui, confrontée à des attaques incessantes, hurle à l’injustice, s’arque-boute sur la défense de ses principes et vertus et finit par dénier toute légitimité à la critique des citoyens, militants et chercheurs. (…)

Si de plus en plus de citoyens se méfient des journalistes, ce n’est pas seulement à cause des approximations ou erreurs qu’ils relèvent, mais parce que, plus fondamentalement, ils ont le sentiment que les médias d’information, pourtant devenus omniprésents dans leur vie, sont passés du côté du pouvoir, des pouvoirs, et ne constituent donc plus un contre-pouvoir susceptible de les défendre. Comme chaque année depuis quinze ans, le « baromètre de confiance dans les médias » TNS-Sofres, dont les résultats ont été publiés dans le journal La Croix, a livré début 2009 un verdict inquiétant : près de la moitié des Français pensent que les choses « ne se passent pas vraiment » comme les journaux ou les télés le racontent. Et ils sont six sur dix à juger les journalistes dépendants des pressions des politiques et de l’argent. Ainsi, leur perte de crédibilité serait directement liée à leur soumission aux pouvoirs et intérêts dominants. Mais ce sujet est rarement abordé dans les milieux journalistiques.

Dans cet ouvrage, en essayant de répondre honnêtement à la question : « Pourquoi nos plumes se trouvent-elles si souvent du côté du manche ? », en tentant de trouver des embryons de réponses et d’alternatives, nous espérons contribuer à réduire, un peu, ce fossé de défiance entre journalistes et citoyens. (…)

L’envers du décor.

C’est à une visite dans les coulisses de la fabrication de l’information que nous convions le lecteur. Non pour y découvrir des cadavres cachés ou des secrets crapoteux, mais pour comprendre – à partir d’expériences vécues – les conditions, souvent ingrates, de l’exercice de ce métier, sa complexité, ses contradictions… Un envers du décor qui est loin d’être irréprochable, mais ne fonctionne pas toujours de la manière dont l’imagine le public. (…)
Nous avons cherché à éviter la dénonciation personnelle, car les principales dérives nous semblent relever de la responsabilité collective.(…)

Ce livre parlera moins de tout ce qui fonctionne – encore – bien, ou à peu près bien, dans l’exercice de ce métier. Mais insister sur ce qui tourne mal contribue aussi contribuer à le réhabiliter et à réaffirmer quelques-unes de ses qualités essentielles. Oui, le journalisme est un apprentissage de la rigueur, de la cohérence, de la précision et de l’exactitude. Oui, c’est une école de liberté car il y a toujours, face à un sujet donné, une infinité de manières de le traiter, donc des choix possibles : plutôt que d’objectivité journalistique, qui n’existe que dans les mythes, nous préférons parler de « subjectivité honnête ».

Oui, c’est également une quête permanente d’équilibre entre les faits, l’émotion et la réflexion. Oui, c’est un exercice proche de la vie réelle, à travers l’attention portée aux personnes, la curiosité des rencontres, la volonté de donner à voir des réalités quotidiennes… C’est pour toutes ces raisons que nous avons choisi ce métier. Pour tout cela aussi que nous n’acceptons pas de le voir ainsi perverti. (…)

Marchandisation de l’information ou manque d’éthique professionnelle ?

Depuis une dizaine d’années, la critique des médias d’information connaît un succès grandissant (sans doute corrélé à la place centrale que ces médias ont pris dans la vie personnelle de chacun). Mais pour le moment, elle ne suffit pas à contrecarrer les tendances dominantes dans la sphère médiatique : marchandisation de l’information, concentration aux mains d’empires industriels, prime au spectaculaire et au sensationnalisme, phénomènes de désinformation en séries, alignement de l’ensemble des médias sur les standards télévisuels, conformisme et effets d’imitation, divorce avec les attentes des milieux populaires… Tout se passe comme si la critique ne faisait qu’effleurer le système, ou même comme si celui-ci se portait d’autant mieux que celle-là se développait en parallèle… (…)

Particulièrement vertueux quand il s’agit de demander aux autres humilité et capacité de remise en cause, le milieu journalistique peine à s’appliquer à lui-même pareilles exigences. Faut-il y voir la principale cause de l’étonnante inefficacité de la critique des médias ? L’explication contient sa part de vérité, mais reste insuffisante. Si la critique des médias se développe « à côté », n’est-ce pas aussi parce qu’elle rate en partie sa cible ? (…)

En France, la critique des médias se divise grosso modo en deux grandes écoles, assez profondément opposées. La première fait de la marchandisation de l’information et de l’asservissement des journaux à la logique néolibérale – donc d’un élément « macro », d’ordre économique et idéologique – le facteur explicatif de la plupart des dysfonctionnements. La seconde voit dans le manque d’éthique et de déontologie des journalistes, renforcé par l’absence de régulations – donc d’un levier « micro », psychosociologique – la principale source des défaillances professionnelles. Critique politique (ou idéologique) et critique professionnelle (ou éthique) se révèlent imperméables l’une à l’autre, leurs auteurs s’ignorent, et leurs trop rares échanges prennent la forme d’invectives, avec, au bout du compte, bien peu d’effets sur l’objet même de la critique. (…)

Privilégier les chaînons manquants.

Il faut se rendre à l’évidence. Ce n’est pas parce que des maîtres du monde imposent chaque jour leur loi à des rédactions censurées ou vendues que les médias se coulent ainsi dans un moule unique. Et ce n’est pas non plus parce que les journalistes ont juste oublié leur déontologie que quotidiens, magazines, radios et télévisions peinent à apporter aux citoyens des éléments d’explication du monde et de ses évolutions. Il ne s’agit pas de jeter le discrédit sur ces deux écoles de critique auxquelles nous nous rattachons aussi. Sans doute auraient-elles d’ailleurs tout intérêt à se positionner davantage comme complémentaires que comme antagonistes. Mais nous faisons l’hypothèse que ni l’une ni l’autre ne sont en capacité réelle de modifier la donne. Car quel autre choix le citoyen proche de l’explication économique et idéologique a-t-il, en attendant la chute du capitalisme néolibéral, que de « fuir à toutes jambes dès qu’il aperçoit un journaliste », comme nous l’avons entendu affirmer lors d’une université d’été d’Attac ? Et que peut imaginer le tenant d’une régulation démocratique sinon l’adoption – par tous les journalistes et éditeurs de presse – d’une énième charte éthique et déontologique ? Nécessaire ? Certainement. Suffisant ? Sûrement pas.

Plutôt qu’une critique externe et qui dissocie, nous avons cherché à ébaucher une critique interne et qui associe. Qui ne fasse pas l’impasse sur la responsabilité personnelle des journalistes, mais évite de tout ramener à des considérations déontologiques en s’efforçant d’analyser les conditions de production de l’information et … des journalistes eux-mêmes. Qui ne gomme pas les conflits de pouvoir et d’intérêt, les antagonismes et les enjeux collectifs, mais sans réduire l’ensemble à la soumission au néolibéralisme triomphant. Qui s’efforce, enfin, de concilier point de vue « radical » (au sens étymologique du terme, c’est-à-dire tentant de remonter à la racine des choses) et acceptation de la complexité des phénomènes décrits. Une critique « systémique » puisque les médias forment bien un « système » : un ensemble de phénomènes cohérents et interdépendants sans qu’il y ait quelqu’un pour « tirer les ficelles »…

Sans doute quelques maillons font-ils défaut à l’analyse. Loin de bannir les autres aspects – mais les deux écoles critiques les ont déjà largement développés –, ce sont ces chaînons manquants que nous proposons d’approfondir dans ce livre.
Le premier vise à décrire, et à tenter d’analyser, les conditions de fabrication de l’information : production des dysfonctionnements (chapitre 1), conditions de travail des journalistes (chapitre 2) et phénomènes d’imitation en chaîne (chapitre 3) apparaissent comme autant d’éclairages indispensables pour essayer de comprendre comment, au jour le jour, les acteurs produisent cette information qui satisfait de moins en moins les citoyens. Le second maillon repose sur l’hypothèse que le journalisme, loin de refléter le monde tel qu’il est, constitue une vision du monde qui s’assimile à une idéologie dans la mesure où elle refuse de s’assumer comme telle (chapitre 4) ; comme toute idéologie, elle renforce donc des mécanismes de pouvoir, de domination et de soumission, ce qui permet d’analyser les relations que les médias entretiennent avec le pouvoir, ou plutôt les différents pouvoirs (chapitre 5). Le troisième chaînon, après avoir décrit les critères, vertus et limites d’une information « citoyenne » (chapitre 6) et les conditions de rencontre entre des acteurs aujourd’hui dispersés (chapitre 7), propose une mise à jour des « frontières intérieures » du système médiatique afin de repérer, à partir de là, les marges de manœuvre et les axes d’intervention les plus pertinents (chapitre 8). (…)

Conclusion (extraits)

« Modestie journalistique »
Nous n’avons pas voulu nous montrer prescriptifs, ne serait-ce que pour tenter d’échapper, nous aussi, à l’étouffoir de la pensée utilitariste. Et bien malin qui pourrait dire où se trouve LA solution face à un système si autoréférencé et « en boucle ». Mais ce livre contient en filigrane des pistes de réflexion et d’action pour les partisans d’un journalisme différent. Certes, il n’est pas question pour des professionnels de l’information de prétendre échapper à la « vision du monde » que le chapitre 4 a mis en exergue. Serait-ce souhaitable d’ailleurs ? Notre ambition sur ce point est tout autre : nous faisons le pari que la simple prise de conscience des ingrédients de cette représentation est essentielle pour retrouver une certaine modestie journalistique, admettre que ce n’est qu’une vision du monde parmi d’autres, interroger ces autres visions, incarner une culture du dialogue et du doute. Donc s’éloigner d’une posture d’arrogance qui nuit autant à la qualité de l’information qu’à la crédibilité de ses artisans.

Mais allons plus loin. Pour avoir mis en pratique depuis des années – dans des situations de formation ou de conseil – les trois ingrédients d’une information citoyenne, exposés au chapitre 6 (cultiver l’esprit critique, inciter à l’action, construire du débat public), nous pouvons affirmer que ce sont des outils simples et efficaces pour réfléchir aux sujets, angles et modes de traitement selon une autre logique que celle qui prédomine aujourd’hui dans les médias.(…)

Enfin, les sept frontières intérieures analysées au chapitre 8 nous semblent constituer un puissant levier de transformation. Car nous touchons là aux racines du système médiatique, à ses soubassements les plus profonds. A première vue, s’attaquer à de telles frontières peut s’apparenter au combat de Don Quichotte contre des moulins à vent. Mais chacune d’elles s’incarne aussi dans des situations très concrètes et des comportements bien quotidiens. Et chaque journaliste ou citoyen est susceptible d’apporter sa pierre à leur destruction ou à leur contournement.

Dans les relations entre les journalistes et leur public, entre les postés et les précaires, entre les hommes et les femmes, entre les « normaux » et les autres… que de situations à investir, explorer, subvertir !

On connaît la métaphore de la théorie du chaos, illustrée par cette question du météorologue Edward Lorenz : « Le battement d’ailes d’un papillon au Brésil provoque-t-il une tornade au Texas ? ». Ou encore : « Un flocon de neige peut déclencher une avalanche ». Autrement dit, faute de connaître instantanément toutes les données d’un système, une petite cause semble induire des effets considérables. Nous préférons, au terme de ce livre, faire ce pari : les combats que chacun(e) d’entre nous mène au quotidien contre les frontières intérieures du système médiatique conduiront un jour à en perturber les soubassements. »

Phillipe Merlant et Luc Chatel
« Médias, la faillite d’un contre pouvoir »
Editions Fayard 2009 - 336 pages

Les auteurs :

- Philippe Merlant est journaliste depuis 1975 (France Inter, L’Equipe, Libération, Autrement, L’Entreprise, L’Expansion, Tranversales Science Culture et aujourd’hui La Vie) et co-fondateur du site Internet Place publique, Philippe Merlant travaille depuis 1996 sur les conditions d’émergence d’une information « citoyenne ». Il a été le co-auteur ou le coordinateur de plusieurs livres collectifs, notamment : Histoire(s) d’innover (avec l’Anvar, Paris, InterEditions, 1992), Sortir de l’économisme (avec René Passet et Jacques Robin, Ivry-sur-Seine, Editions de l’Atelier, 2003) et Où va le mouvement altermondialisation ? (avec les revues Mouvements et Transversales, Paris, La Découverte, 2003).

- Luc Chatel est rédacteur en chef de l’hebdomadaire Témoignage chrétien. D’abord responsable des pages religion puis des pages culture de Témoignage chrétien, il en est aujourd’hui le rédacteur en chef. Depuis 2005, il est membre du collectif « Malgré tout » animé par Miguel Benasayag.

-  Sur le thème « Comment fonctionnent les médias ? », Consulendo.com a publié un Cahier en 2008. Que vous pouvez obtenir en nous contactant.

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