Ce véritable tir de barrage est motivé, selon le président de CCI France, par l’impression retirée de différents entretiens au niveau gouvernemental que certains cabinets ministériels militeraient pour placer les CCI sous le contrôle des Régions, à la faveur du nouveau projet de loi de décentralisation qui sera débattu en avril.
Cette « OPA hostile », selon l’expression de CCI France, permettrait à l’Etat de réaliser un tour de passe-passe financier sur le dos des chambres de commerce : tout en réduisant ses dotations aux Régions, l’Etat leur ferait "cadeau" des CCI de façon à accroître leurs prérogatives en matière d’animation économique des terrtoires.
« Ce sont les entreprises qui paieraient (ainsi) la facture d’une nouvelle étape de la décentralisation et qui pâtiraient d’une offre de services dégradée », s’alarme CCI France dans un communiqué publié hier (cf. ci-dessous)
On se souvient que dans la précédente loi de décentralisation du 13 août 2004, les Régions se sont vu officiellement attribuer, sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, le rôle de « chefs de file du développement économique » dans les territoires. De là à donner des vélléités à certains présidents de Région d’avoir sous leur tutelle les CCI et de pouvoir utiliser à leur guise leurs moyens d’action ... On sait aussi que des Régions ont développé des entités qui "doublonnent" avec les services proposés par les CCI, tel ERAI, une émanation du CR Rhône-Alpes qui accompagne les PME à l’export ...
CCI France et les 151 chambres se déclarent prêts à travailler avec les Conseils régionaux, mais dans le cadre de « contrats d’objectifs et de moyens », et dans le respect du statut et des prérogatives de chacun, de façon à « apporter aux entreprises le meilleur service au meilleur coût. »
Et de rappeler que les CCI sont des établissements publics de l’Etat pour mettre en œuvre la politique de l’Etat en faveur des entreprises dans les territoires, quelles que soient, par ailleurs, les orientations politiques de chaque Conseil régional. Les instances de gouvernance des CCI sont composées de représentants issus des entreprises, élus par les ressortissants des chambres, commerçants et industriels.
Dans une tribune commune publiée dans "Les Echos", cosignée par André Marcon, président de CCI France, Pierre Gattaz, président du Medef et Jean-François Roubaud, président de la CGPME, les signataires estiment que « cette stratégie brutale (du gouvernement), élaborée sans aucune concertation avec les représentants des entreprises, (...) souligne l’absence de confiance du gouvernement dans les corps intermédiaires patronaux et donc dans les chefs d’entreprise pour diriger des actions publiques et contribuer ainsi au redressement du pays. »
Voici donc une nouvelle hache de guerre déterrée (volens-nolens ?) par le gouvernement Ayrault à l’encontre du monde patronal, à l’heure précisément où le "Pacte de responsabilité" était censé faire sonner les trompettes de la réconciliation entre la gauche au pouvoir et les entrepreneurs.
J.G.
CCI France a publié le 25 février le communiqué suivant :
« André Marcon, Président de CCI France, accompagné par ses vice-présidents Jacques Pfister, Pierre Antoine Gailly et Philippe Dutruc, et du trésorier Didier Gardinal, a tenu une conférence de presse pour dénoncer les projets du Gouvernement et formuler plusieurs propositions.
Ils ont ainsi condamné les intentions du Gouvernement de placer les CCI sous le pilotage stratégique des Conseils régionaux, le qualifiant d’OPA hostile.
Dans une tribune publiée ce jour dans Les Echos, cosignée avec Pierre Gattaz, président du MEDEF et Jean-François Roubaud, président de la CGPME, André Marcon a souligné que cette OPA conduirait à priver les entreprises, en particulier les PME et les TPE, de l’expertise et de la légitimité des élus des Chambres de Commerce et d’Industrie, chefs d’entreprise eux-mêmes, ainsi que de l’ensemble des collaborateurs, pour définir les meilleurs outils à destination du monde économique.
Ils estiment que le transfert envisagé des missions des CCI vers les Régions permettrait à l’Etat, dans une relative discrétion, de doter les collectivités territoriales de nouvelles ressources fiscales. « C’est donc les entreprises qui paieront la facture d’une nouvelle étape de la décentralisation et qui pâtiront d’une offre de services dégradée » ont-ils prévenu.
Face à cette tentative, les présidents de CCI, revendiquant un rôle central dans le développement économique, ont rappelé leur attachement à la décentralisation s’il s’agit de renforcer l’appui aux entreprises et aux territoires de manière efficiente et appelé au respect du rôle de chacun, collectivités territoriales et chambres consulaires.
Et c’est bien sur cette base qu’ils ont apporté une contribution pour simplifier l’organisation territoriale de la France. Une contribution correspondant aux intérêts des entreprises qui demandent une meilleure lisibilité de l’action publique, une meilleure coordination des acteurs et la suppression des doublons de structures.
De surcroît, les CCI poursuivront, dans un esprit de responsabilité mais aussi dans le souci d’améliorer le service rendu aux 2,5 millions d’entreprises qu’elles représentent et accompagnent, leurs investissements au bénéfice des territoires.
Les présidents ont, en outre, appelé à la reprise des travaux, dans un climat de confiance entre le Gouvernement et le réseau des CCI sur la question de ses ressources fiscales. »
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