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La chronique de Jacques Gautrand - Mai 2014
Le salariat : ligne de clivage de la société française
 

Tout indépendant est-il un salarié qui s’ignore ?
Tel est le débat implicite qui traverse - et divise plus profondément qu’on ne le pense - la société française.

La question est revenue dans l’actualité avec un amendement déposé au mois d’avril par le groupe communiste au Sénat dans le cadre de la discussion du projet de loi Pinel qui concerne notamment le régime de l’auto-entrepreneur. En instaurant une « présomption de salariat », cet amendement vise à exiger de tout auto-entrepreneur qu’il apporte la preuve qu’il n’est pas un "salarié déguisé" et qu’il n’est pas dans un « lien de subordination » avec son donneur d’ordre.

Rappelons qu’en droit français, c’est le "lien de subordination" du salarié à son employeur qui caractérise le salariat. [Relevons au passage que nos principales organisations syndicales défendent bec et ongles ce lien de subordination (en raison des généreuses contreparties qu’il est censé apporter aux salariés en échange de leur sujétion), alors que les philosophes dont elles s’inspirent ont décrit le salariat comme une forme d’aliénation ...

La loi Madelin de 1994 sur l’entrepreneuriat, puis la loi Dutreil de 2003 sur l’initiative économique, avaient pourtant introduit dans le Code du travail - ce qui était un progrès appréciable - une « présomption de non-salariat » pour la plupart des travailleurs indépendants et assimilés. Cette disposition était destinée à apporter un peu de sérénité juridique à tous ceux qui préfèrent exercer leur métier en indépendants plutôt que comme salariés ...

Voudrait-on décourager l’envie d’entreprendre, on ne s’y prendrait pas autrement ...

Notre droit du travail est suffisamment retors. En effet, le même Code du travail qui garantit la présomption de non-salariat, stipule aussi que l’on peut requalifier un indépendant en salarié s’il est démontré qu’il effectue ses prestions pour un donneur d’ordre « dans des conditions le plaçant dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci ». Cependant, cette requalification ne fonctionne pas "a priori" ; elle doit faire l’objet d’une demande de la part du pseudo-"subordonné".

S’il est définitivement adopté en commission mixte paritaire fin mai, l’amendement des sénateurs communistes risque de faire jurisprudence. Cela ferait peser sur tout travailleur indépendant la menace de devoir se justifier "a priori", et de démontrer qu’il n’est pas un salarié qui s’ignore !

"Vrai" travail

Cette controverse est révélatrice d’une mentalité française assez répandue qui ne conçoit " un vrai" travail que dans cadre d’un CDI avec RTT, cinq semaines de congés payés, Comité d’entreprises et autres avantages sociaux ...

La culture française qui vénère le statut social, les titres ronflants, les positions hiérarchiques, les "hautes fonctions" ... n’est guère propice à stimuler les vocations d’indépendants.

Il n’est pas rare, dans certains milieux, d’entendre dire que les indépendants le sont par défaut, faute de mieux ! Plutôt que de saluer leur volonté, leur goût de l’indépendance, leur agilité. Leur courage d’accepter aussi une certaine précarité...

10% d’indépendants seulement. Cela se confirme dans les statistiques : sur 26 millions d’actifs, la France ne compte que 2,5 millions d’indépendants pour 23,5 millions de salariés (parmi lesquels, soulignons-le, 5,5 millions de fonctionnaires et 800 000 salariés des entreprises publiques) -Et pourtant nous sommes un pays ou le "mal-être" au travail est très répandu parmi les salariés ...

Par ailleurs, au regard des organismes sociaux, les travailleurs indépendants sont définis négativement par rapport à ce qui est considéré comme la "norme" : puisqu’ils sont qualifiés de travailleurs "non salariés".

Enfin, dans un pays hautement réfractaire à la prise de risque, où l’on glorifie, à gauche comme à droite, les "droits sociaux" et la "protection sociale", le salarié est perçu comme un travailleur "sécurisé" plutôt que comme un travailleur "subordonné", en comparaison de l’indépendant souvent considéré comme "précaire" ... En oubliant un peu vite qu’au 21ème siècle, on n’est plus au temps de Zola et qu’il existe pour les indépendants une palette de dispositifs de prévoyance volontaire (sans doute plus coûteux que pour un salarié !)

Veut-on décourager l’esprit d’entreprendre en France ?

Le plus grave dans cette affaire, c’est qu’en généralisant la « présomption de salariat », on risque d’anesthésier les velléités d’initiative et de créativité auprès de tous ceux qui ont envie de prendre en main leur avenir professionnel, tous ceux qui , foncièrement indépendants de tempérament, souhaitent sortir du cadre général et recherchent autonomie et réalisation de soi, ou ceux qui, tout simplement, veulent créer leur emploi dans un pays qui compte 5 millions de chômeurs...

N’y a-t-il pas une contradiction chez ceux qui nous gouvernent à tenir des discours admiratifs sur "l’initiative économique", à faire l’éloge des petits entrepreneurs, de tous ceux qui prennent des risques avec leur propre argent, à encourager les jeunes à créer leur boîte, et, dans le même temps, à faire peser sur la tête de ceux qui ne veulent pas du "lien de subordination" la menace de la « présomption de salariat » ?

Messieurs les législateurs, un peu de cohérence !

Jacques Gautrand
jgautrand [ @ ] consulendo.com


Laurent Grandguillaume, député 2014-> Interviewé par la rédaction de L’ENTREPRISE.COM, le député Laurent Grandguillaume, auteur d’un rapport remarqué sur l’avenir du régime de l’auto-entrepreneur s’inquiète de l’amendement des sénateurs communistes : « Cet amendement signifie que tous les auto-entrepreneurs devront prouver qu’ils ne sont pas salariés. Le texte est flou, on ne connaît pas vraiment les contours de ce renversement de la charge de la preuve » ... déclare-t-il notamment à notre confrère.

- Consulter aussi notre dossier Vers la fin du salariat ... Mais par quoi le remplacer ?

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