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Ces entrepreneurs Made in France

Insensiblement, la France est devenue un pays d’entrepreneurs. Une révolution silencieuse dans ce (...)

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L’analyse de Jacques Gautrand - Mars 2014
Le nerf de la guerre économique : l’argent
 

Nous avons tous vibré en 2012 avec les "couturières" qui se sont mobilisées pour sauver de la faillite leur outil de travail, l’usine de lingerie Lejaby ...
La création d’une coopérative par des femmes, le partage du capital et du travail, la sauvegarde du "made in France"... tous les ingrédients de cette saga se conjuguaient pour en faire une cause populaire et consensuelle. Or voila que ces nobles ambitions se heurtent aujourd’hui au « mur de l’argent » ... et de la dureté du marché.
Soit dit en passant, le ministre Benoît Hamon qui voit dans la coopérative le sésame miraculeux de la reprise d’entreprise devrait méditer cet exemple : la structure coopérative ... n’est qu’une structure ; elle n’est en soi ni un gage ni de succès, ni de vertu
(cf l’affaire Lur Berry-Spanghero) ...

Confrontée à de sérieux problèmes de trésorerie (les salaires des 30 employées n’ont pu être versés en février), la société coopérative "Les Atelières" (ex Lejaby) a d’abord dénoncé le manque de soutien des banques et de Bpifrance, la banque publique d’investissement... Et son dépôt de bilan n’a pu être évité de justesse que par l’intervention de Bercy et d’Arnaud Montebourg qui a réuni les différents protagonistes le 5 mars, « afin d’analyser les difficultés industrielles et financières de l’entreprise et les moyens éventuels de pérenniser son activité. »

Dans un communiqué, Bercy a notamment rappelé que « dès la création de cette entreprise, le gouvernement s’est mobilisé pour encourager un projet visant à soutenir le Made in France dans un secteur particulièrement exigeant. Le Commissaire au Redressement productif et le Préfet de la région Rhône-Alpes, de même que Bpifrance se sont ainsi tenus aux côtés des Atelières pour les accompagner dans la réussite de leur pari. » On ne sait pas encore quelle solution "pérenne" générera cette réunion au sommet...

RECYCLER L’ÉPARGNE DES FRANCAIS POUR FINANCER L’ÉCONOMIE PRODUCTIVE

En attendant, les "Atelières" et leur animatrice, l’ex-journaliste Muriel Pernin, ont lancé une nouvelle souscription sur les réseaux sociaux, dans l’espoir de collecter quelque 100 000 euros. De la part des banques, la coopérative aurait besoin de 300 000 à 400 000 euros de crédits ...

Le cas de YOOJI, « Entreprise remarquable » :

Autre exemple de difficulté à trouver des financements dans notre pays lorsqu’on prend le risque d’entreprendre, celui de la jeune entreprise Yooji - pourtant créée par un ex-financier, Frédéric Ventre, et sur un créneau original. Cette société, lancée en septembre 2012, sur l’Agropole d’Agen, par ce papa de quatre enfants, conçoit et fabrique des aliments pour bébés, à partir de fruits et légumes issus de la culture biologique, conditionnés dans des portions économiques.
Yooji qui a créé 12 emplois à ce jour - et ambitionne de parvenir à 50 salariés - s’est rapidement retrouvée à court de trésorerie
(malgré un solide business-plan et un premier tour de table de 100 000 euros).

Or Yooji vient d’être labellisée "Entreprise remarquable" par le réseau Initiative France qui la soutient (notamment grâce à un nouveau prêt d’honneur conçu en partenariat avec la BEI).

La jeune entreprise qui se "bat" sur un marché dominé par les géants Nestlé et Danone, a besoin de beaucoup plus de fonds propres que prévu pour financer son développement, et a du mal à mobiliser des crédits bancaires...

Or les banques françaises, comme l’illustre ce cas, ne sont pas vraiment "outillées" - techniquement et culturellement - pour financer le cycle d’exploitation et les besoins en fonds de roulement des PME/PMI, notamment dans les secteurs "classiques" de l’économie, même si on y innove aussi, comme le prouve Yooji...
Frédéric Ventre se plaint que de jeunes entreprise agro-alimentaires comme la sienne aient du mal à rentrer dans le cadre du CIR (Crédit d’impôt recherche), très orienté High-Tech ou numérique.

Aux dirigeants de PME qui recherchent un véritable accompagnement dans la durée, les banques commerciales répondent mécaniquement "affacturage" - une solution coûteuse et inadaptée aux petites entreprises...

Parade. Le dirigeant de Yooji a reconnu, fin février, avoir eu des difficultés à attirer des "venture-capitalists" classiques... jusqu’à ce qu’il trouve un investisseur providentiel, une « structure atypique » permettant à son entreprise de pouvoir envisager l’avenir avec plus de sérénité... (nous n’en savons pas plus à ce stade).

Ces deux exemples - qui sont loin d’être des cas isolés - illustrent bien la difficulté structurelle de notre pays à mobiliser de l’argent pour ses PME-TPE, c’est à dire à recycler l’épargne des Français - très abondante (environ 75% du PIB !) - vers l’économie productive. Ce qui devrait être, en principe, le premier rôle des banques ...

« LES BANQUES VOUDRAIENT FINANCER PLUS DE PROJETS » ...

Le durcissement des règles prudentielles internationales ("Bâle III" et "Solvency") ont conduit les banques commerciales à être beaucoup plus sélectives dans l’examen des demandes de crédits ; exigeant des entrepreneurs et porteurs de projets davantage de fonds propres et de plus en plus de garanties.

On observe aussi que les prises de décisions d’engagement de crédits se sont éloignées du terrain (les agences locales) au profit des directions régionales. Les procédures d’examen des demandes de prêts se sont "robotisées",à travers de savants logiciels qui calculent l’éligibilité de tel ou tel projet, évaluant son risque de "sinistralité" et les plafonds d’encours accordés ... excluant de plus en plus l’intervention humaine dans la prise de décision...

Pourtant, la plupart des banques jurent la main sur le cœur qu’elles voudraient davantage financer de (bons) projets, que ce sont les entrepreneurs eux-mêmes, qui, avec six années de crise dans les gencives, réduisent leurs demandes de crédits, s’autolimitent ...

Ceci n’est pas faux et se retrouve dans diverses statistiques macro-économiques.

Dans son dernier bulletin, la Banque de France écrit : «  Les crédits mobilisés et mobilisables destinés aux PME retrouvent progressivement du dynamisme. En janvier 2014, leur encours s’accroît de 1,6 % en termes annuels. » (cf. tableau ci-dessous) Banque de France 2014

38% des patrons de PME déclarent restreindre leurs investissements et leurs demandes auprès des banques...

Pour sa part la CGPME, commentant le bilan 2013 du Médiateur du crédit s’interroge : « Et si un des verrous de la reprise se trouvait là ? »

« Le recours au médiateur du crédit, relève la CGPME, est en hausse de 8% en 2013. L’action du médiateur du crédit, et c’est un point positif à souligner, aura permis de conforter 1530 entreprises l’année dernière.

« Il est par ailleurs à noter que le montant moyen des crédits reste à 58% inférieur à 50 000 euros, 96% des dossiers déposés concernant des entreprises de moins de 50 salariés.

« Ces constats corroborent ceux du baromètre du financement des entreprises réalisé par l’IFOP pour la CGPME et KPMG, selon lequel 77% des PME constatent un durcissement des conditions de financement. Demande de garanties supplémentaires, frais élevés, réduction des crédits ou des facilités de trésorerie sont le lot quotidien de nombreux dirigeants de PME », souligne la CGPME.

« Le résultat est là : en raison de difficultés d’accès au crédit 38% des patrons de PME déclarent restreindre leurs investissements et leurs demandes auprès des banques ... »

COMMENT MIEUX FINANCER L’ÉCONOMIE IMMATÉRIELLE ?

Les chiffres globaux d’encours fournis par les banques commerciales et la Banque de France masquent, dans la réalité vécue par les entreprises, une grande hétérogénéité des situations.

Comme le souligne l’Observatoire du financement des entreprises, « on constate une hétérogénéité croissante des situations des entreprises : la fragilité de certaines PME s’est aggravée depuis la crise de 2008. »
Or ce sont précisément ces entreprises qui auraient le plus besoin de soutien bancaire ... alors qu’elles représentent le risque de défaillance le plus élevé !

- Voir, ci-dessous, le tableau des concours aux TPE qui montre un effondrement des crédits de trésorerie fin 2013 (source Banque de France) : Banque de France 2014

En fait, les banques commerciales sont tout à fait prêtes à financer des demandes d’investissement en équipement "tangible", en machines, en véhicules, en immobilier... mais elles sont toujours très mal "outillées" - quoiqu’elles s’en défendent - pour financer les besoins immatériels des PME-TPE. (On continue à proposer des solutions traditionnelles : l’affacturage ou le découvert...)

Dans la société de l’économie informationnelle et relationnelle dans laquelle nous sommes entrés (ce que certains appellent la "troisième révolution industrielle") se sont les investissements immatériels qui sont le gage de l’avantage concurrentiel et donc de la pérennité de l’entreprise. Pour conquérir de nouveaux marchés, la PME doit faire appel à des compétences pointues, travailler sa communication, faire de la veille concurrentielle, développer des outils marketing, être présente sur le Net et les réseaux sociaux, prospecter des clients à l’étranger .... Or ces "dépenses" - qu’il conviendrait d’assimiler à des investissements et non à des dépenses d’exploitation ! - devraient pouvoir, au 21ème siècle, se financer à crédit et pas seulement en "fonds propres"... (1)

Élaborer des offres innovantes de financement

Face à ce nouveau paradigme, il est urgent que les professionnels du secteur et les chefs d’entreprise travaillent ensemble à l’élaboration de nouvelles offres de financement originales - en s’inspirant des concepts de "crédit global d’exploitation" et de "prêts participatifs" - destinées à mieux répondre aux défis d’une "création de valeur" de plus en plus immatérielle, dans un contexte de baisse générale des prix et de faibles taux d’intérêt.
Autant dire qu’il faudra beaucoup d’imagination. Et le courage de sortir des cadres habituels !

De façon à ce que le système bancaire - désormais sorti d’une formidable crise financière spéculative (en partie grâce à l’intervention des pouvoirs publics et donc des contribuables) - puisse jouer pleinement sa fonction première : recycler l’épargne au service de l’économie productive et donc du bien-être du plus grand nombre.

Jacques Gautrand
jgautrand [ @ ]consulendo.com

(1) Cette ré-évaluation des "dépenses" immatérielles en investissements productifs supposerait aussi une révolution comptable...

- Lire aussi nos précédentes chroniques : « Un capitalisme sans capital ... » et « Il faut encourager l’actionnariat salarié. »

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