C’est à la vitesse d’une tortue que les entreprises françaises ont découvert le mécénat qui pourtant, depuis près d’un demi-siècle fait partie intégrante de la politique d’investissement de leurs homologues anglo-saxons. Mais aujourd’hui, tels des lièvres, elles caracolent dans le peloton de tête mondial. Grâce sans doute à la lucidité et à la volonté d’un homme, Jacques Rigaud qui pendant près de trente ans, bâton de pèlerin en main, a su convaincre entreprises et pouvoirs publics que le mécénat rendait possible la participation à une (petite) redistribution des richesses.
Résultat : pratiquement toutes les grandes entreprises dédient aujourd’hui un véritable budget à des actions de mécénat et, selon une enquête réalisée l’année dernière par le CSA pour Admical (Association pour le développement du mécénat industriel et commercial), c’est plus d’1 milliard d’euros que la totalité des entreprises de plus de deux cents salariés consacrent chaque année au mécénat. Une paille diraient certains, comparée aux budgets alloués au sponsoring sportif ou à la publicité. Mais la somme n’est pas négligeable et semble répartie dans des secteurs dont chacun peut être fier : solidarité, aide au développement, actions de formation, éducation, santé, culture...
Redistribuer un peu d’argent pour de vraies valeurs, ça donne quand même du baume au cœur.
Largesse des puissants ?
Dans l’ensemble les mécènes restent discrets sur leur motivation fiscale.
Nombreux sont ceux qui pensent qu’il s’agit d’un « luxe » réservé aux seuls grands groupes : tels Vinci et la rénovation de la Galerie des glaces de Versailles, Bouygues et celle de l’hôtel de la Marine place de la Concorde, Dexia et le Festival d’Avignon, Axa ou LVMH et l’acquisition d’œuvres d’art, Orange et la musique...
Un luxe pas si désintéressé ?
C’est à la fois vrai et faux.
Certes, les entreprises du CAC40 et quelques centaines d’autres disposent de services financiers parfaitement rodés à l’interprétation et à l’application des lois permettant aux investissements dans le mécénat de bénéficier de réductions fiscales (notamment la loi du 1er août 2003 accordant une réduction d’impôt égale à 60 % du montant du don à hauteur de 0,5 % du chiffre d’affaires hors taxes), mais les plus petites entreprises n’en sont pas exclues. Les experts-comptables ont fait sur le sujet un gros effort d’information et tous les cabinets d’audit et de conseils proposent les services de spécialistes en fiscalité du mécénat. Si à l’échelon national, les chiffres sont encore rares on commence, grâce à Admical, à y voir un peu plus clair dans nos régions.
Des PME régionales engagées.
Dans le Nord-Pas-de-Calais, une enquête réalisée par le CSA en 2007 auprès de 601 chefs d’entreprises de 20 salariés et plus, montre que la majorité des mécènes (68 %), sont des entreprises de 20 à 99 salariés.
Si, à l’inverse des grands groupes, leurs actions de mécénat s’exercent essentiellement sur la région (80 %), c’est en grande majorité dans le domaine de la solidarité qu’elles interviennent (63 %) et surtout sous forme de contributions financières (71 %).
Sans forcément chercher à bénéficier des avantages fiscaux puisque 24 % seulement d’entre elles reconnaissent avoir utilisé la loi de 2003...
En Rhône-Alpes, on retrouve cette même volonté d’un mécénat de proximité. Un sondage CSA, réalisé également pour Admical en septembre dernier, montre que 65 % des entreprises mécènes font porter leurs actions de mécénat sur la région et pour 70 % essentiellement sous forme d’aide financière.
Leur participation internationale est encore modeste (16 % seulement d’entre elles indiquent participer à des actions à ce niveau), mais certaines interventions sont significatives. Telle la société Petzl, spécialiste des équipements de sécurité verticale qui organise des actions sur la sécurité avec Pompiers sans frontières en Amérique centrale, ou SEB, qui, avec sa fondation, lutte contre l’illettrisme en France et dans le monde, ou encore APICIL (spécialisé dans la protection sociale complémentaire) qui multiplie les initiatives pour aider les malades à lutter contre la douleur...
Ces quelques exemples montrent bien le potentiel de développement de cette démarche dans le tissu de nos PME. Mais il y a des risques : le mécénat a des limites, relativement étroites, et peut engendrer surenchères, dérives ou abus.
Marianne Eshet, déléguée générale d’Admical, soucieuse que se développe un mécénat ambitieux et exigeant, ouvre un chantier pour définir une déontologie adaptée, qui puisse servir de référent commun. Les dirigeants de PME qui se lancent dans le mécénat, par goût personnel, conviction ou engagement sociétal, mais qui en espèrent aussi, directement ou indirectement, des retombées positives pour leur entreprise, ont tout intérêt à clarifier leurs motivations, et à adopter des règles d’éthique et de transparence irréprochables.
Gérard Négréanu
* Journaliste économique et financier, Gérard Négréanu a été rédacteur en chef de la Vie Française (Groupe Expansion) Il collabore aujourd’hui à Entreprises & Mécénat, la revue d’Admical.
Plus d’infos sur le site Admical
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