Harmonies et dissonances
par Remi Huppert
« Harmonies et dissonances sont consubstantielles à la musique, comme les sentiments et les émotions qu’elles évoquent le sont à la vie. Il faut jouer les deux, sans chercher à glisser sur les dissonances, faute de quoi l’effet voulu par le compositeur disparaîtrait complètement : il faut savoir « zoomer » sur les dissonances plutôt que de chercher à en gommer l’effet.
Observons au passage que les dissonances d’hier peuvent devenir les consonances d’aujourd’hui, l’accord de tierce était réputé jadis dissonant…
En musique, y compris en musique tonale, tout accord ou mélange de notes n’est pas forcément euphonique, c’est-à-dire agréable à l’oreille. Des compositeurs aussi classiques que Haydn, Mozart ou Brahms ont utilisé la dissonance dans certaines de leurs œuvres parce qu’à certains moments il leur semblait utile de sonner faux, de faire « grincer » les instruments, en prélude à l’embellie que serait la consonance.
Dans son célèbre Quatuor « Les Dissonances », Mozart fait usage, sans modération, de fausses relations et de frottements impitoyables entre les instruments, pratique que de vénérables théoriciens devaient présenter comme hérétiques alors que l’œuvre s’en trouve au contraire colorée de façon magistrale.
La dissonance n’est en aucun cas une fausse note qu’il conviendrait de dissimuler honteusement, une tache sur la nappe aussitôt recouverte d’une serviette. Elle est tension passagère, nécessaire et rugueuse au sein de l’œuvre musicale qu’une harmonie constante rendrait monotone et ennuyeuse.
La dissonance musicale pourrait se décrire comme une sorte de tourment passager, elle se « résout » en consonance, c’est-à-dire qu’elle l’annonce comme un dénouement heureux. Les musicologues n’appellent-ils pas « résolution » le fait pour la note dissonante de rejoindre « par le plus court chemin » l’emplacement consonant le plus voisin possible ?
Entendre les dissensions
Quid des dissonances dans l’entreprise ? Le manager, à l’instar du musicien, sait « mettre le doigt où cela fait mal ». Tout dans l’entreprise n’est pas harmonie. Faire taire les contradictions peut être agréable dans l’instant, mais celles-ci finiront par sourdre à nouveau après un long cheminement souterrain...
Les crises ont ceci d’utile qu’elles permettent la montée des dissensions, qu’il faut savoir entendre avant de les réguler.
Les juguler avant même qu’elles ne s’expriment, ou pratiquer un management si consensuel qu’aucune contradiction n’affleure jamais, ne paraît pas relever d’une approche très réaliste de l’entreprise.
La considération pour la diversité, sous toutes ses formes, revient à faire entendre une utile dissonance. Il convient de la magnifier, de l’amplifier, car si elle peut paraître a priori dérangeante, en rupture avec le statu quo ambiant, elle enrichit précieusement la matière même dont est faite l’entreprise. »
Remi Huppert
Le Manager musicien
- Eyrolles - Editions d’Organisation
240 pages - 2007
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