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Le lien numérique, nouveau marqueur de civilisation
Par Denis Ettighoffer *
 

« Pour la première fois dans l’histoire humaine, nous avons la possibilité d’entretenir des rapports intenses avec une multitude de gens vivant loin de nous ... » Selon Denis Ettighoffer, spécialiste des TIC, les technologies numériques sont en train de "reinventer les liens sociaux". La planète Internet favorise la relation collaborative et le "don". Il y voit le "marqueur génétique" d’un nouveau développement de notre civilisation.

Il nous paraît essentiel aujourd’hui de s’interroger sur le devenir de la relation humaine à l’âge numérique.
Voici le point de vue de l’auteur de "Netbrain"

Le lien numérique, nouveau marqueur de civilisation

Par Denis Ettighoffer *

Internet favorise la réinvention des liens sociaux. La relation coopérative - « le don » - devient le marqueur génétique des nouvelles qualités indispensables au développement de nos civilisations.

Pourquoi se donne-t-on la peine de transmettre sur la Toile une nouvelle, de réagir aux évènements qui affectent les peuples ou les individus ?
Réponse : par désir de se rendre utile dans un monde qui paraît terriblement proche via les liens électroniques, mais dans lequel chacun a le sentiment de se diluer dans un grand tout informel...

Sur la planète numérique qu’incarne Internet, nous assistons à la modification du périmètre de la socialisation : entre, d’un côté, la résistance à une certaine promiscuité imposée et, de l’autre, la recherche nouvelle d’une intégration à distance dans des tribus liées par les mêmes affinités choisies, qui peuvent être plus fortes que celles du voisinage immédiat.

L’avantage de ces hyper rencontres est celui d’une fécondation mutuelle des valeurs, des cultures. Finalement, grâce à la technologie du lien, pour la première fois dans l’histoire humaine, nous avons la possibilité d’entretenir des rapports intenses avec un très grand nombre de gens vivant loin de nous. La Toile devient un médiateur social et économique d’un type tout à fait nouveau qui désenclave l’individu tout en lui offrant une palette considérable de possibilités pour entrer en relation avec autrui. Dans une enquête intitulée « The Strength of Internet Ties » (la force des liens sur Internet), le cabinet d’études américain Pew Internet indique qu’« Internet et le courriel jouent un rôle important dans le maintien des réseaux sociaux dispersés ». Ils viendraient compléter les communications téléphoniques et les rencontres en face à face au lieu de les concurrencer. L’étude américaine souligne également que les communications en ligne et le Web seraient couramment utilisés pour la résolution de problèmes personnels ou professionnels. Quelques 60 millions d’Américains auraient déjà employé Internet dans ce but au cours des deux dernières années (1) .

Internet en favorisant la réinvention des liens sociaux ne devient-il pas le marqueur génétique, universel, indispensable au développement de nos civilisations, de notre culture ?

Après avoir constaté l’inanité de compter sur des communautés (au sens "communautariste"), qui multiplient et renforcent leurs spécificités en élevant ainsi autant de barrières entre elles, les individus les plus ouverts préfèrent le renforcement des liens familiaux (pensez à l’impact du téléphone portable sur les relations interindividuelles) et la recherche de relations d’affinités rendues plus faciles par Internet. Sur notre nouvelle planète, la relation virtuelle, moins engageante physiquement implique le partage de valeurs et d’émotions, d’échange d’expériences. Les communautés virtuelles deviennent les nouveaux espaces sociaux de ralliement de la société numérisée. En cela n’ouvrent-elles pas un nouveau pan de l’histoire de l’humanité ?

Société fragmentée en manque de valeurs universelles

Alain Minc, dans «  Epitres à nos nouveaux maîtres » (2) parle d’une société fragmentée, dominée par ses minorités . Minorités qu’il accuse - non sans de bons arguments- de pervertir le fonctionnement des démocraties. Il analyse une société de corporatismes qui s’attaque derrière le « mythe républicain » aux valeurs qu’elles prétendent défendre. Du coup nos sociétés modernes fonctionnent dans un régime de « déresponsabilité partagée ». Il y avait « le toujours plus », il y a maintenant le « toujours l’autre ». Gouverner une société qui se reconnaît davantage par ses particularismes, ses singularités et ses discriminations que par son unité de culture et de valeurs peut paraître alors impossible ...

De son côté, Luc Ferry dans son essai « Face à la crise, matériaux pour une politique de civilisation » (3) tente une réponse et s’interroge sur ce que seraient les forces de cohésion universelles d’une civilisation qui se fragmente en tas granuleux de langues, en agrégats de styles de vies, divergeant par les croyances, les pouvoirs d’argent, par les modes de vies dans des pays qui sont passés d’une économie de production à une économie de consommation ... La société devient un marché qui se fragmente et se découpe en quartiles aux yeux du marketeur : « Dis-moi ce que tu consommes, je te dirais qui tu es » ! Luc Ferry en appelle à l’acte salvateur de la rationalité scientifique pour expliquer la première grande vague civilisatrice qui parcourt le monde entre le XVIe et le XVIIIe siècle. Celle qui réunit les élites par le fait scientifique et ses lois universelles. Il considère que le temps de la rationalité scientifique ouvert avec le siècle des Lumières en fait un langage universel. Thèse audacieuse. Je préfère l’idée que c’est la diffusion des connaissances par les livres et les clercs qui ouvrent à chacun l’accès aux « Lumières » et forge ce lien universel.

Dès lors, où trouver ce lien universel à l’ère de la société du tout numérique ? Luc Ferry s’avise dans sa réponse de montrer que « la société de la compassion » (donc de l’intérêt porté à l’autre), que l’humanisation des hommes dans le partage de certaines valeurs, devient le lien de notre civilisation actuelle. En d’autres termes, face au constat de l’atomisation croissante des groupes sociaux, il propose de penser la relation à l’autre comme l’attache universelle de la progression civilisatrice. Je le suis tout à fait.

Vers l’économie relationnelle

En 1996, dans sa contribution au Travail au 21e siècle (4) , Pierre Lévy, mettait en évidence le fait que « l’intelligence collective » était d’abord celle de l’échange, du lien. Les métiers du futur, expliquait-il dans sa contribution « Pour une ingénierie de l’intelligence et des qualités humaines » seront « des métiers de la relation ». Il présentait déjà ce que seront les réseaux relationnels qui se développent un peu partout dans le monde. Pour lui, les conditions de la création de nouvelles richesses nécessitent que notre société admette explicitement que les apports des activités sociales produisent et maintiennent le capital social indispensable au progrès.

Cet investissement relationnel, quelque en soient la nature, les objectifs et les ressources, constituera un capital social que fera fructifier le groupe. Une analyse selon laquelle une société gavée de richesses matérielles ne peut plus avancer sans s’interroger sur ses qualités humaines, sur la qualité du lien social qui favorise et encourage l’échange. Echanges dont la première des caractéristiques est de savoir donner du savoir, de savoir faire « le don »…

« Foules numériques »

Internet se substitut aujourd’hui aux clercs et aux livres. Internet est une technologie du lien qu’utilisent des foules numériques parcourues d’émotions généreuses et de ressentiments. Les populations numériques relaient de proche en proche l’information qui les indigne ou les mobilise donnant à leur démarche un pouvoir redoutable. Les sociologues se passionnent pour ces phénomènes de foules, dites numériques, capable de se mobiliser à partir de tous les coins de la planète lorsqu’il s’agit de soutenir les naufragés du tsunami, des inondations ou des tremblements de terre récents qui ont fait des dizaines de milliers de victimes… Des centaines de milliers de forums de discussion venant de tous pays, en toutes langues et traitant une infinie variété de sujets désenclavent la connaissance et l’économie par la même occasion.

Des millions de forums spécialisés jouent le rôle de petits déjeuners virtuels entre amis pour trouver appartements, nouveaux jobs et multiplier des échanges qui ne sont pas qu’amoureux. Par exemple, OneWorld en ouvrant son portail Web (5) sur les questions de justice sociale encourage les gens à intervenir là où les médias traditionnels ne sont pas assez déterminés pour traiter certaines questions importantes qui ne sont pas dans l’actualité du jour .

A mesure que l’internaute comprend les particularités et les richesses de la planète numérique, l’utilisateur s’enhardit. Il apprend à consommer mieux, certes, mais aussi à mieux s’informer. Il devient plus actif et interactif. Il participe à des groupes de discussions, s’engage parfois, s’informe toujours. Enfin, il devient acteur, crée son personnage, construit son image, personnalise les contenus de son blog à souhait, prenant de-ci de-là des éléments qui retiennent son attention. Le voilà producteur d’idées, d’avis.

Ecoutant, il récoltait. Maintenant, il s’exprime : il donne !

Denis Ettighoffer
Auteur de « Netbrain, planète numériques, les batailles des nations savantes », Prix de l’Economie Numérique. Dunod 2008

Notes :

- 1. Voir http://www.pewinternet.org/index.asp
- 2. Alain Minc « Epitres à nos nouveaux maitres » Grasset 2002
- 3. Odile Jacob. 2009
- 4. Collectif Eurotechnopolis Institut, « Le Travail au 21e siècle, Mutations de l’économie et de la société à l’ère des autoroutes de l’information », Paris, Dunod, 1996.
- 5. http://www.oneworld.net/

A propos de Denis Ettighoffer :
Précurseur dans l’analyse de l’économie immatérielle, Denis Ettighoffer s’est fait connaître en 1992 avec son essai « L’entreprise virtuelle » (ouvrage primé et plusieurs fois réédité).

Ex collaborateur du groupe Bossard Consultants, expert en innovation, consultant en organisation, spécialisé en management stratégique des technologies de l’information, Denis Ettighoffer est le président fondateur d’Eurotechnopolis Institut. Professeur consultant du groupe IGS (Institut de Gestion Sociale), il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles. Et notamment : Du Mal travailler au Mal vivre, avec Gérard Blanc, ( Editions Eyrolles, 2003), L’Entreprise Virtuelle, nouveaux modes de travail, nouveaux modes de vie ? (réédité par les Editions d’Organisation, 2001), Mét@-Organisations, les modèles d’entreprise créateurs de valeur, avec Pierre Van Beneden (Ed. Village Mondial, avril 2000 - Prix Turgot 2001), eBusinessGeneration, les micro-entreprises gagnent de l’argent sur Internet, ( Ed. Village Mondial, 1999), Le Syndrome de Chronos avec Gérard Blanc (Ed. Dunod, 1998 - Prix Rotary du Livre d’Entreprise).

Retrouvez Denis Ettighoffer : sur son site

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