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La santé des dirigeants de PME
Par Olivier Torrès, président de l’Observatoire Amarok*
 

« Avant nos travaux, il existait davantage de statistiques sur les baleines bleues que sur la santé des dirigeants de PME ! », aime à rappeler Olivier Torrès, universitaire, spécialiste du management des PME et fondateur de l’Observatoire Amarok * qui veut utilement combler un vide sur ce sujet (« Même aux Etats-Unis, il n’y a guère d’études sur cette question ... »)

Olivier Torrès était, le 9 février, l’invité de l’Association des journalistes des PME (AJPME). Il a présenté l’Observatoire Amarok "de la santé des dirigeants de PME, commerçants et artisans" et annoncé la création, le 18 juin, de la première chaire académique sur la santé des dirigeants de PME au sein de l’Université de Montpellier-Sud de France.
Synthèse de son intervention * *

J.G.

« Les dirigeants de PME s’estiment en meilleure santé que les salariés, mais ils sont plus exposés »
Olivier Torrès Par Olivier Torrès *

La souffrance patronale est une réalité méconnue et pourtant réelle. Il suffit d’être attentif aux cas de "burn-out" qui peuvent parfois dégénérer jusqu’au suicide. On dénombre en France deux suicides de dirigeants de PME par jour !

Si la souffrance patronale est une réalité méconnue, c’est pour deux raisons :

- Les spécialistes de la souffrance au travail considèrent que la souffrance résulte d’un état de domination. Le patron étant le "dominant", il ne peut pas souffrir ... Ainsi Christophe Déjours, psychiatre et spécialiste du travail, a mené de de nombreuses recherches sur la souffrance au travail ( il est notamment l’auteur de "Souffrance en France" - éditions du Seuil -1998), mais il ne s’intéresse pas aux dirigeants de PME : ses travaux analysent des mécanismes de domination que subissent les salariés ...

- De leur côté, les dirigeants de PME sont prisonniers de l’idéologie du leadership qui ne cesse de donner du dirigeant une image narcissique de lui-même. Le dirigeant est un "leader", un "winner", un "battant"... il ne peut donc pas souffrir !

La souffrance patronale est donc inaudible pour les "souffrologues" et inavouable pour les patrons. C’est ce dialogue entre sourds et muets qui explique l’existence d’une zone aveugle que l’observatoire Amarok cherche à investiguer : La santé des dirigeants de PME.

"Surcharge mentale".

On sait que les dirigeants de PME sont soumis à une charge de travail supérieure à la moyenne. Ils sont en "surcharge mentale". Ils subissent aussi beaucoup de stress : la centralisation des pouvoirs entre leurs mains, la polyvalence et la polychronie de leurs activités quotidiennes donnent aux dirigeants de PME un rôle central dans l’entreprise, bien plus que dans les grands groupes où le dirigeant-salarié est entouré d’un staff de conseillers.

Le dirigeant de PME se retrouve généralement seul face aux décisions à prendre - à la différence du patron d’une grande entreprise qui peut se reposer sur un Comité de direction et qui a le sentiment d’une plus grande "collégialité" de la décision ...

Dangers et bienfaits de la proximité managériale

Contrairement au patron d’un grand groupe, le dirigeant de PME gère son entreprise de façon "proxémique". Il est dans le « management de proximité » ou « management premier ». Lequel se distingue du "management second" en vigeur dans les grandes entreprises, destiné à "gérer de la dispersion spatiale"( les techniques de management enseignées dans les écoles de commerce sont d’ailleurs sans exception des outils de "gestion à distance").

Un dirigeant de PME ne prend que des décisions de proximité. Il ne parle pas de conquérir des "parts de marché" mais de "ses clients", qu’il connaît personnellement. Il connaît aussi parfaitement chacun de ses collaborateurs qu’il a généralement recruté en direct.

La loi de la "proxémie", connue en psychologie, s’applique à l’univers de la PME : « surévaluation de ce qui est proche, et sous-évaluation de ce qui est lointain ».

Or les effets de "proxémie" amplifient l’impact émotionnel généré par certaines décisions.

Le départ d’un salarié peut parfois être très mal vécu par le dirigeant de PME qui peut l’assimiler à une sorte de "trahison". De même, le licenciement est beaucoup plus traumatisant dans une PME, pour le licencié comme pour le licencieur. Alors que dans les grandes entreprises, la division du travail met à distance ceux qui prennent la décision (le conseil d’administration) et ceux qui l’exécutent (les DRH). La division du travail occasionne un effet de la dilution des responsabilités qui induit le syndrome du "responsable mais pas coupable" ... Tandis que dans une PME, il revient au dirigeant de faire la "sale besogne" ...

La prégnance de la proximité en PME renforce un sentiment de culpabilité. La proximité est un facteur d’inhibition qui rend aussi le management des PME plus humain.

Le dirigeant de PME est directement exposé aux aléas. Il a investi ses économies dans son outil de travail. En cas de faillite, il se retouve sans rien ! Il n’a pas droit aux indemnités de chômage ; et parfois sa maison a été vendue pour payer les cautions personnelles ... Il est alors confronté au "syndrome des 3 D" : dépôt de bilan, divorce, dépression ...

Or le management "proxémique" a un impact direct sur la santé du dirigeant de PME.

Facteurs pathogènes et "salutogènes".

Les dirigeants de PME, tout comme les salariés, sont soumis à quatre facteurs pathogènes majeurs : le stress, la surcharge de travail, l’incertitude et la solitude. Mais à des degrés plus importants.

Par exemple, les patrons travaillent 65 heures par semaine, contre 55 heures en moyenne pour les cadres supérieurs, selon une étude de la DARES.

Les chefs d’entreprise sont davantage sujets à éprouver leur santé mentale ou plus exposés au risque de "burn-out"...
Sont-ils pour autant plus malades que les cadres ou les salariés ?

Non, car il y a des facteurs compensateurs. Les dirigeants de PME sont en situation de "contrainte choisie" et non subie comme pour la plupart des salariés. Et cela change tout !

La psychologie de la santé a identifié, dans les années 90, trois facteurs "salutogènes" (bons pour la santé) :

- Le locus of control interne (la maitrise de son destin)
- L’optimisme
- L’endurance ou hardiness (la capacité de rebondir après un échec)

Or, ne s’agit-il pas là de trois caractéristiques correspondant au système de valeur des entrepreneurs ? »

Selon les premières données collectées par l’Observatoire Amarok, les patrons de PME se portent plutôt bien.
Sur pratiquement toutes les variables, les chefs d’entreprise s’estiment en meilleure santé que les salariés, qu’il s’agisse des troubles musculo-squelettiques ou du stress. Reste que tous les patrons ne sont pas égaux devant la santé. Les artisans, par exemple, ont un niveau de santé plutôt comparable à celui des ouvriers. Et le patron de TPE se porte mieux que celui d’une PME ...

Par ailleurs, sur certaines variables, comme la difficulté à concilier vie personnelle et vie professionnelle, ou sur la qualité du sommeil, les chefs d’entreprises sont plus nombreux que les salariés à donner des réponses dans les deux extrêmes, positifs et négatifs. Je soupçonne que les dirigeants sont en meilleure santé, mais qu’ils sont plus exposés : quand ils craquent, ils tombent plus bas !.

Par ailleurs, les chefs d’entreprises sont moins nombreux [que les salariés] à aller voir le médecin. Mais le fait que cette population soit majoritairement masculine explique pour beaucoup ce phénomène.

Le taux d’arrêt maladie est plus faible chez les indépendants que chez les salariés.

Les chefs d’entreprise ont un rapport à la santé sous contrainte de temps. Ainsi ils préféreront consulter un ostéopathe (visite unique) plutôt qu’un kinésithérapeute (plusieurs séances).
Ils ne sont pas dans une démarche de santé préventive, mais uniquement curative ... Ils pratiquent beaucoup l’auto-médication. Et ils font globalement moins de sport.

En fait, j’observe que le rapport à la santé est tributaire du rapport que l’on a au travail.

Olivier Torrès, agrégé d’économie, docteur en gestion, professeur à l’université de Montpellier (MRM-ERFI) et chercheur associé à l’EM LYON Business School, est le président fondateur de l’Observatoire Amarok sur la santé des dirigeants de PME. Il est aussi vice-président de l’Association Internationale de Recherche en Entrepreneuriat et PME (AIREPME)

* Plus d’infos sur le site de l’Observatoire AMAROK

150 000 données déjà collectées par l’Observatoirer Amarok pour la première étude épidémiologique sur la santé des dirigeants de PME.

L’Observatoire de la santé des dirigeants de PME, commerçants et artisans, fondé par Olivier Torrès mène deux types d’études :

-  La première étude épidémiologique sur la santé des dirigeants de PME réalisée auprès d’un panel de 1000 personnes représentatives des dirigeants de PME.

-  Une étude mensuelle menée auprès de 370 chefs d’entreprise (bientôt 650), à travers un questionnaire détaillé et destiné à établir les liens entre leur santé et leur travail.

Les résultats définitifs seront rendus publics le 18 juin prochain, lors de l’inauguration de la première chaire académique sur la santé des dirigeants au sein de l’Université de Montpellier-Sud de France.

- Sujets de recherche en cours menés au sein de l’Observatoire par six doctorants : « La santé, premier capital immatériel de l’entreprise » ; « Gestion du sommeil et efficacité entrepreneuriale » ; « Dégradation de la santé post-transmission » ; « Le burn-out patronal » ; « Le rôle de la santé dans l’octroi de crédits » et « Le rôle de la santé dans les structures d’incubation et d’accompagnement. »

Principaux partenaires et soutiens de l’Observatoire Amarok :

-  Agglomération de Montpellier
-  Services de santé au travail du Languedoc-Roussillon (PST-LR)
-  5 chambres de Métiers et de l’Artisanat (Bouches du Rhône, Annecy, Montpellier, Val-de- Marne, Deux-Sèvres)
-  70 chefs entreprises donateurs (500 euros), membres du "Club des Amarokiens"
-  Malakoff Mederic
- CJD (Centre des Jeunes Dirigeants d’entreprise)
- LABEX, laboratoire d’excellence de l’université de Montpellier 1.

* * Article édité par Consulendo.com à partir du compte rendu réalisé pour l’AJPME par Anne Daubrée et François Simoneschi.

Crédit photos : AJPME

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