La tempête financière internationale que nous affrontons depuis 2008 et la crise des « dettes souveraines » (l’endettement excessif des Etats) montre de façon éclatante l’interdépendance de nos destins. Tout est lié. L’économie mondiale est un immense jeu de Mikado : difficile de bouger un élément sans que tous les autres ne soient bousculés ...
Monnaies, capitaux, marchandises, informations, médias, produits culturels circulent et s’échangent en permanence autour de la planète. L’argent et les marchandises circulent sans cesse, mais aussi les hommes et de plus en plus : voyages et tourisme sont la première activité planétaire. Et depuis la généralisation des technologies numériques (T.I.C.) - en une quinzaine d’années seulement ! -, la diffusion des biens immatériels (données et images) s’effectue instantanément, à la vitesse de la lumière, jusqu’aux extrémités de la terre. On a pu observer d’ailleurs combien les T.I.C. on joué un rôle-clé dans les révolutions arabes de ce printemps.
A cet égard, parler de « démondialisation » tient davantage du slogan, du mot d’ordre incantatoire que de l’analyse sérieuse de la situation contemporaine.
La mondialisation n’est pas une idéologie, mais une réalité qui s’impose à tous, peuples et Etats.
. Remettre de l’ordre dans la "Maison Europe", un impératif vis à vis du reste du monde
Dans ce monde en profonde transformation, la santé économique de la France et celle de l’Europe ont aussi de l’importance pour leurs partenaires. Une Europe en faillite ne serait pas une bonne nouvelle pour les autres continents auxquels elle offre des débouchés considérables. On bien a vu la Chine proposer de mettre une partie de ses énormes réserves de change au service d’un plan de refinancement des dettes européennes ...
Partie des Etats-Unis en 2007, la crise dite des « subprimes » (à l’origine, un défaut de paiement de ménages dans l’incapacité de rembourser leurs prêts hypothécaires) a enflammé la planète ...
Mais aujourd’hui, face aux montagnes de dettes publiques accumulées - par facilité, disons-le ! - sur le Vieux continent, il revient à l’Europe de mettre de l’ordre dans sa « maison commune ». Et la France doit y prendre sa part. Elle n’a pas d’autre choix.
Voici quelques pistes de réflexion que m’inspire la situation actuelle et que j’apporte au débat public.
1. La France, comme aucune autre nation, ne peut prétendre aujourd’hui tirer, toute seule, "son épingle du jeu", en se repliant sur son Hexagone, en fermant ses frontières. Ceux qui prétendent le contraire se trompent et nous trompent.
2. Beaucoup de produits de consommation courante, des plus simples aux plus sophistiqués, matières premières, produits miniers, agricoles, énergétiques, biens d’équipement, produits culturels sont achetés à l’étranger. Et la France vend à l’étranger environ le quart des biens qu’elle produit. Précisons que l’essentiel de ce commerce se fait au sein de l’Europe (et, en plus, nous sommes déficitaires !)
3. Acteur historique de la construction européenne (depuis le Traité de Rome en 1957), notre pays a progressivement transféré une partie de sa souveraineté à l’Union européenne. C’est un fait : 80% de nos lois et règlements sont en fait des transpositions de directives communautaires …
4. L’intégration économique entre les membres de l’Union (27 à ce jour) s’est renforcée au fil du temps, sans pour autant parvenir à une harmonisation de la fiscalité et des règlements sociaux en vigueur dans chaque Etat. Ce qui est source de déséquilibres et de concurrence déloyale entre pays de l’Union ...
5. L’adoption d’une monnaie unique, l’euro, avec seize autres pays de l’Union, a créé une Europe à deux niveaux : les membres de l’Euro-zone et les autres, ceux qui ont conservé leur propre monnaie.
6. Contrairement aux anticipations des pères fondateurs de l’euro, l’intégration monétaire n’a pas généré un plus grand fédéralisme politique. Alors que la gestion d’une monnaie unique entre pays de niveaux économiques différents, exigerait une gouvernance politique communautaire renforcée.
7. L’endettement excessif de plusieurs membres de l’Euro-zone (France comprise), met en péril cette construction monétaire incomplète ou « bancale » dès sa naissance.
8. Pour éviter une explosion en vol de l’euro, dont les conséquences seraient dangereuses, à tous points de vue, la voie de salut est, comme le préconisent certains, une sortie par le haut : une intégration renforcée, en matière économique et fiscale, ainsi qu’une gouvernance politique commune par la constitution d’un « noyau dur » européen entre les fondateurs historiques de la CEE, Allemagne, Bénélux, France et Italie. Ces pays créeraient un Etat confédéral au sein de l’UE et se doteraient d’instances de gouvernance intégrée (un ministre de l’économie et des finances commun ?). Ce qui laisserait aux autres Etats européens en difficulté la possibilité de se mettre en retrait de la zone euro ou de négocier des accords d’indexation monétaire avec l’euro, de façon à pouvoir dévaluer en retrouvant leurs anciennes devises nationales (avec des taux de conversion à négocier au cas par cas). - Toutes les grandes crises d’endettement souverain dans le passé se sont traduites par des dévaluations, ce qu’interdit aujourd’hui les règles de fonctionnement de l’euro ... (1)
9. La France n’a pas d’autre destin que d’être un des copilotes d’une Europe forte, innovante, et ouverte sur le monde. Elle doit donc sans plus attendre harmoniser sa fiscalité avec ses voisins du "noyau dur" européen et restaurer rapidement ses équilibres budgétaires. (Faute de quoi, aucune marge de manœuvre en matière économique et sociale n’est possible)
10. Euro-Méditerranée : au-delà de son ancrage européen durable, la France, forte de son idéal d’universalité, doit jouer un rôle moteur dans l’intensification de la coopération avec le continent africain et le monde arabe. Les complémentarités entre nos régions sont évidentes. Nous avons plus que jamais besoin les uns des autres. Notre proximité géographique, nos liens historiques et culturels anciens, les immenses besoins de développement au Sud sont autant de potentialités de partenariats et d’échanges mutuellement bénéfiques. Jamais peut-être, les conditions de ce rapprochement n’ont été aussi favorables qu’aujourd’hui.
Avec le formidable vent d’espérance qui s’est mis à souffler au sud et à l’est de la Méditerranée, ne laissons pas passer cette chance historique pour notre avenir et celui des générations (nombreuses) à venir.
Jacques Gautrand
jgautrand [ @] consulendo.com
(1) Il est curieux que la France qui a présidé pendant des décennies le "Club de Paris" lequel a "réaménagé" la dette publique de très nombreux pays du Sud et de pays dits émergents, n’ait pas réussi a dédramatiser la situation actuelle à propos de la Grèce ou de l’Italie en faisant valoir son expérience en la matière ... (Beaucoup de pays "passés" par le Club de Paris ne s’en portent pas plus mal aujourd’hui !)
crédit photo : Présidence de la République française
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