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Insensiblement, la France est devenue un pays d’entrepreneurs. Une révolution silencieuse dans ce (...)

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L’analyse de Jacques Gautrand - Janvier 2013
La France en 2013 (II) : les défis économiques
 

Dans notre précédente chronique, nous avons analysé la situation politique française à la fin de 2012, en soulignant le paradoxe du gouvernement en place : disposant de tous les leviers du pouvoir, il est ouvertement contesté au sein de sa majorité (cf. la vidéo satirique diffusée sur Internet par le PCF et le Front de Gauche) et il voit grossir le nombre des déçus au sein des catégories sociales qui l’ont élu sur la foi de ses promesses de changement « ici et maintenant »...

Nous analysons, ci-dessous, quelques-uns des défis économiques auxquels notre pays est confronté à l’aube de 2013. Et nous commenterons, in fine, les choix de politique économique du gouvernement pour y faire face.

- LA CROISSANCE INTROUVABLE. Les prévisionnistes ne laissent espérer aucun sursaut en matière de croissance : après une année de "croissance" quasi nulle en 2012 (0,1%), l’année 2013 devrait lui ressembler avec une augmentation du PIB (produit intérieur brut) inférieure à 0,5% (0,8% projette le gouvernement dans sa loi de Finances), soit "l’épaisseur du trait", selon l’expression consacrée ...

Certes la France n’est pas tout à fait en récession, mais depuis le 2ème trimestre 2011, elle est en stagnation prolongée !

2013 : L’économie française face à ses défis et à ses ... démons

LA CONSOMMATION S’ESSOUFFLE.
Le principal moteur qui soutient l’économie française depuis des années, c’est, on le sait, la consommation - essentiellement la consommation des ménages. Or celle-ci s’est effondrée depuis l’été 2012.

Pour au moins trois raisons :

- le climat de sinistrose exacerbé par les médias en continu autour de la crise de la zone Euro * ;
- l’aggravation continue du chômage depuis vingt-quatre mois : face à ce spectre qui hante les familles, même ceux qui ont l’assurance d’un emploi et d’un revenu, sont enclins à restreindre/reporter leurs achats et, ceux qui le peuvent, à épargner par précaution ...
- la perception d’une lente dégradation du pouvoir d’achat, du fait de l’augmentation des dépenses contraintes (transports, énergie, logement, télécoms...), de l’augmentation significative de la fiscalité locale et de la crise de l’immobilier spécifique à la France (insuffisance chronique de constructions ; droits de mutation prohibitifs).

Les deux autres moteurs de la croissance du PIB sont à la peine : - l’investissement des entreprises, après s’être relancé en 2010, il s’est essoufflé en 2012 et restera faible en 2013 (1) ; - le commerce extérieur : la France ne cesse de perdre des parts de marché en Europe et dans le monde, tandis que le nombre d’entreprises exportatrices diminue (il est inférieur à 90 000 sur 3 millions de sociétés !)

- L’EMPLOI SINISTRÉ.
La France détruit depuis l’été ses emplois au rythme de 40 000 par trimestre ...
Le nombre de chômeurs inscrits à Pôle Emploi augmente de quelque 35 000 chaque mois depuis mai 2012, s’alerte le centre de prévision de L’Expansion.
Au total, notre pays comptait en novembre 2012, 4,6 millions de chômeurs et de personnes en sous-emploi recensées (catégories A,B,C), soit 1,5 million de plus qu’en février 2008 ... A ce rythme, le chiffre record de 5 millions de chômeurs sera atteint avant la fin de l’année 2013 !
Certains observateurs estiment que ce nombre est déjà atteint si l’on inclut les chômeurs en fin de droit et tous ceux qui renoncent à s’inscrire à Pôle Emploi par découragement ou se "débrouillent" par le travail "au noir" ...
Si l’on rapporte cela aux emplois salariés du secteur marchand (hors fonctionnaires et salariés des associations), soit 16 millions de personnes, le taux effectif de chômage serait de 31% !

C’est une situation socialement explosive ...

Nous avons régulièrement pointé du doigt sur Consulendo.com l’incapacité de notre système socio-économique - hérité de la Libération - à renouveler ses gisements d’emplois.

Sous-emploi structurel.
Arrêtons-nous un instant sur ce mal profond d’où découle nombre de nos difficultés actuelles : le sous-emploi structurel. Un ensemble de facteurs expliquent la spécificité de la situation française. Les deux facteurs les plus souvent invoqués sont : - son dynamisme démographique plus fort que dans le reste de l’Europe, avec des classes nombreuses arrivant chaque année sur le marché de l’emploi ; la "désindustrialisation" causée par la mondialisation,
accusée d’avoir détruit quelque 2 millions d’emplois en trente ans ...

Ces facteurs sont certes à prendre en compte, mais ils n’expliquent pas complètement à eux-seuls le sous-emploi structurel qui sape notre système.

Pour relancer l’emploi dans notre pays, il faudrait s’attaquer à de nombreux blocages plus ou moins connus ou reconnus :

- la taylorisation des services-clients au profit des robots et automates de toutes sortes, au détriment de la qualité de service et de la qualité de la relation-clients ;
- l’illusion culturelle française (entretenue sous des gouvernements de droite et de gauche) considérant le travail comme un "gâteau" qui se partage, d’où la complaisance pour les programme de pré-retraites et la marginalisation des "seniors" dans la gestion des RH (on commence à revenir de ces idées-fausses) ;
- la rigidité de la législation du travail dissuadant les entreprises d’embaucher de peur à avoir des difficultés à débaucher lorsque la conjoncture se retourne ;
- le poids des prélèvements sociaux pesant uniquement sur les revenus d’activité (cotisations d’allocation familiales) ;
- l’image brouillée du travail indépendant et du travail manuel (ajoutée aux pesanteurs bureaucratiques pesant sur l’exercice des TPE ou des solos) ;
- un système d’orientation scolaire inadapté aux mutations du travail et des métiers de demain ;
- La rigidité de nos structures socio-économiques, avec un système de statuts et de secteurs protégés, l’inflation de normes et le mille-feuilles administratif, ralentissant les reconversions vers de nouvelles filières d’avenir, tels les écoproduits, l’éco-construction, le bio et le bien-être, les services relationnels, etc ;
- la faiblesse structurelle de l’investissement des entreprises.
Dans la société de l’information et de l’immatériel dans laquelle nous sommes entrés, investir ne signifie pas seulement acheter des machines, mêmes les plus modernes ; investir veut dire embaucher des collaborateurs formés et motivés ; investir veut dire accroître "l’intelligence collective" en attirant des talents, en faisant appel à des prestataires et des experts ... Or, face à cet enjeu, les entreprises françaises se répartissent en deux catégories. Une minorité de grands groupes et d’entreprises de croissance fortement internationalisées, capables d’aller chercher des relais de croissance sur des marchés étrangers - celles-ci recrutent les talents là où elles sont implantées ; pour certaines, les salariés français ne représentent plus qu’une minorité des effectifs globaux ... Et puis la grande masse des entreprises françaises, principalement des PME et des TPE aux marges très faibles, trop faibles. Résultat : la grande masse des entreprises françaises sont incapables d’investir dans l’embauche comme elles le devraient ! Elles gèrent au plus serré leurs coûts de fonctionnement, s’efforcent de maintenir un volant de commandes à effectifs constants (voire sans remplacer les départs) et n’investissent pas dans l’avenir ... car notre système bancaire ne sait pas financer l’immatériel !
- A cela s’ajoute, l’insuffisance d’un tissu de moyennes entreprises de croissance et d’ETI (entreprises de taille intermédiaire) : seul 1% de nos entreprises dépasse les 50 salariés (soit environ 33.000 entreprises) ! Quant aux "ETI" (de plus de 250 salariés), la France n’en compte que 4 500, deux fois moins qu’en Grande-Bretagne, deux-fois et demie moins qu’en Allemagne ...

LES LEVIERS DE LA POLITIQUE ECONOMIQUE

- Face à ces deux immenses défis : - Comment retrouver la croissance ? - Comment créer des emplois ? quels sont les leviers que compte actionner le gouvernement Hollande-Ayrault ?

Les contrats d’avenir ; les contrats de génération ; le CICE ; la Banque publique d’investissement. Tels sont les quatre principaux dispositifs que met en avant le gouvernement. Parallèlement, il se montre incapable de réduire drastiquement la dépense publique qui représente, même Jean-Marc Ayrault le reconnait, un record absolu devant la Suède (avec 56% du PIB) ...

> Nous avons énuméré plus haut la liste (non exhaustive) des causes structurelles du sous-emploi chronique qui mine notre pays. Même s’ils sont susceptibles de générer quelques dizaines de milliers d’emplois supplémentaires, les contrats d’avenir (surtout destinés au secteur public et aux associations) et les contrats de génération ("j’embauche un jeune et je garde un senior pour le former") ne sont pas à la hauteur de l’enjeu.
Outre qu’ils créeront parfois des effets d’aubaine - des embauches qui de toute façon se seraient produites -, ils ne remplaceront pas les indispensables réformes structurelles pour générer des employeurs dans le secteur marchand.

> Le Crédit d’Impôt Compétitivité-Emploi (CICE) : entré en vigueur dès le 1er janvier 2013, le CICE, épigone du rapport Gallois, a des allures "d’usine à gaz". Contrairement à ce qu’avait laissé entendre initialement le Premier ministre, il ne bénéficiera pas à "toutes" les entreprises. Puisqu’il ne s’appliquera pas aux 1,6 million d’entreprises sans salariés !
Le CICE est, en effet, un crédit d’impôt de 4% sur la masse salariale (la première année, 6% ensuite).
Le gouvernement a évalué à 10 milliards d’euros le bénéfice global que devraient en retirer les entreprises la première année. Mais comme parallèlement, le même gouvernement a augmenté les impôts et prélèvements sur les entreprises de 12 milliards en 2013 ... il s’agit d’un jeu à somme nulle !

Echaudées par la complexité du dispositif et la crainte de "contreparties" imposées, des PME, dit-on, ne feraient même pas l’effort de solliciter le CICE ... Il aurait été plus direct et stimulant d’alléger la charge des prélèvements sociaux et fiscaux qui pèsent essentiellement sur les entreprises ( ils devraient représenter au total 46,3% du PIB en 2013, encore un autre record dont on se passerait). Mais ce choix n’a pas été fait pour ne pas avoir à apliquer une "TVA sociale" préconisée (bien tardivement !) par le gouvernement précédent ...

> Le nouvelle Banque publique d’investissement (BPI) : ce grand projet structurant du gouvernement (qui figurait déjà en 2007 dans le programme présidentiel de Ségolène Royal) entrera en vigueur cette année. Il va rapprocher sous la houlette conjointe de la Caisse des Dépôts et de l’Etat (contrôlant à 50/50 le capital de la BPI) et sous la présidence de Jean-Pierre Jouyet (ami très proche du couple Hollande-Royal), les organismes préexistants comme Oséo, FSI Région, probablement Ubifrance. La BPI doit être dans les Régions (représentées dans son conseil d’administration) le "guichet unique" d’accès aux financements des PME. On peut se réjouir que l’Etat, à travers cet établissement financier emblématique, s’engage avec force et éclat à soutenir les PME. Mais, additionnant des dispositifs existants, même avec un renforcement significatif des fonds propres de la BPI, il ne faut pas s’attendre à des effets immédiats sur la santé de nos PME/TPE.
Ereintées par cinq années de crise prolongée, celles-ci ont "mangé" leurs fond propres, épuisé leur énergie, et réclament un véritable "new deal entrepreneurial", pour reprendre l’expression de Philippe Hayat. En tout cas, dès son entrée en fonction, gageons que la BPI fera l’objet d’une curiosité de tous les instants. Et nous aurons l’occasion d’y revenir ultérieurement sur Consulendo.com.

En réalité, la France aurait besoin d’un véritable choc fiscal "à l’envers" : une réduction massive des impôts et prélèvements, assortie d’une refonte de notre fiscalité (devenue illisible et dissuasive), de son assiette, de sa finalité. Mais l’addiction de l’Etat et des collectivités locales à la dépense publique depuis trente-cinq ans - financée par la dette extérieure - a réduit les marges de manœuvre des gouvrenements successifs - aucun n’ayant ni la volonté, ni le courage, de faire la "révolution fiscale" qui libèrerait les initiatives et les potentiels de croisssance bridés.

LE MORAL DES ENTREPRENEURS

Je voudrais terminer ce tour d’horizon en auscultant le moral des entrepreneurs. Car ne l’oublions pas, c’est d’eux, en grande partie, dont dépend le dynamisme de l’économie. De leurs inventivité, de leur opiniâtreté, de leur prise de risques, de leur énergie, de leur décision d’investir, d’embaucher, d’acheter ... C’est de cette multitude de décisions individuelles prises par les acteurs économiques, les entrepreneurs en particulier, que dépend en définitive la croissance. Pour cela, il faut deux ingrédients et une condition. Les ingrédients : la confiance et l’envie. La condition : un environnement (culturel, politique, réglementaire) favorable et stimulant.

Ces trois éléments sont-ils présents en ce début de 2013. On peut en douter.

Depuis six mois, le gouvernement en place a multiplié les signaux contradictoires à l’égard des chefs d’entreprise. Il a "démonisé" l’enrichissement et le capital. Pour donner des gages à son aile gauche, il s’est laissé enfermer dans une frénésie taxatrice plus idéologique qu’efficiente - au point que le Conseil constitutionnel a retoqué plusieurs dispositions fiscales de la loi de finances 2013 ...

De leur côté, les dirigeants de PME et de TPE n’ont pas le sentiment d’être traitées, comme cela leur avait été promis pendant la campagne, avec davantage de mansuétude que les grands groupes (on avait évoqué une fiscalité différente ...).

L’assimilation des plus-values de cession à un revenu (ce qui est un non-sens économique), l’augmentation de la CFE et du forfait social ont été perçues comme des signaux négatifs. Sans compter que l’instabilité fiscale, sa complexité accrue, les velléités d’interventionnisme étatique dans un esprit punitif, sont le meilleur moyen d’inciter à la paralysie : "Pourquoi me défoncer si l’Etat me prélève davantage ?" ; "Pourquoi embaucher, si je ne sais pas de quoi demain sera fait ..."

En ce début d’année, les entrepreneurs attendent toujours un "choc de confiance". Car l’envie, l’envie d’entreprendre, l’envie d’aller de l’avant, l’envie de se dépasser, il l’ont toujours en eux, chevillée au corps.

Bonne année !

Jacques Gautrand
jgautrand [ @ ] consulendo.com

Note : (1) « L’investissement des entreprises non financières continuerait de baisser au quatrième trimestre 2012 (-0,3 %) avant de se stabiliser progressivement au premier semestre 2013. Le contexte resterait en effet peu propice à l’investissement : les perspectives d’activité sont dégradées et le taux d’utilisation des capacités dans la branche manufacturière est à un niveau très bas. En outre, même si, depuis l’été, les conditions d’octroi des crédits se sont stabilisées et les taux d’intérêt privés ont baissé, la dégradation de la situation financière des entreprises freinerait leur effort d’investissement. » Source : INSEE -Note de conjoncture - décembre 2012

* P.S. Nous n’abordons pas, dans cette chronique, la situation de l’Euro qui mériterait, en soi, un long article. Nous partons du principe que la France est ancrée dans la zone Euro, qu’elle y restera en 2013, et donc qu’elle devra en assumer toutes les conséquences, autant qu’elle bénéficie des avantages de cette appartenance : en permier lieu la capacité de pouvoir continuer à s’endetter à bon compte (en 2013, le Trésor français doit émettre sur les marchés 169 milliards d’euros d’emprunts pour refinancer et rembourser une partie de sa colossale dette extérieure ...)
J.G.

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