Pour relancer les investissements, encore faut-il ne pas dissuader les investisseurs et leur inspirer confiance
Ayant clamé haut et fort qu’ils voulaient « taxer le capital comme le travail », les gouvernements de gauche ne doivent pas aujourd’hui s’étonner que la France manque d’investisseurs : on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre ! Or, en économie de marché, l’investissement se fait d’abord avec… du capital privé. Encore faut-il qu’il trouve un environnement – fiscal, social, culturel – favorable à son épanouissement.
Le Premier ministre Manuel Valls a avoué lui-même le 31 mars à RMC que les hausse continues des impôts depuis des années « avaient étouffé l’économie française... »
Le paradoxe français, c’est que notre pays dispose pourtant d’une épargne importante, plus importante en proportion que certains de nos voisins, mais en raison d’une fiscalité absurde, cette épargne est placée essentiellement en obligation du Trésor, tandis que l’investissement en actions d’entreprises est pénalisé (y compris l’actionnariat salarié, dont la gauche aurait dû normalement se faire la championne !)
Le 8 avril 2015, Manuel Valls, a annoncé une série de mesures pour « accélérer l’investissement et l’activité et une croissance plus forte »
Même si ces mesures vont dans le bon sens, elles ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Elles dénotent une conception traditionnelle de l’investissement, celle de la classique « formation brute de capital fixe » (FBCF) : des murs, des machines, des engins … Or l’économie du 21ème sicle est de plus en plus immatérielle, relationnelle et « servicielle ».
Comme le souligne Hervé Baculard, le président de la fédération Syntec Conseil en Management : « Les mesures du plan Valls sont héritées du 20 ème siècle ! Certes, l’appui à l’investissement « industriel productif » est une bonne mesure de même que le meilleur accès au crédit. Mais c’est oublier que l’investissement dans le secteur marchand est en minorité composé de machines et de bâtiments. La majorité de l’investissement au 21ème siècle, c’est de la matière grise (appelée aussi investissement immatériel). Ce type d’investissement, porteur de compétitivité n’est pas considéré comme de l’investissement productif, et ne peut se financer par crédit, car il est non « immobilisable » la plupart du temps. La mesure phare qu’il fallait prendre, c’est de réduire l’impôt sur les sociétés (IS) sur l’ensemble des catégories d’investissement, baisser le taux d’IS sur le résultat mis en réserve. Ceci aurait de plus permis de reconstruire les fonds propres des entreprises, autre faiblesse structurelle de notre économie. »
Or les banques françaises en sont restées, elles aussi, à une conception d la FBCF datant du 20ème, voire du 19ème – siècle. Elle savent financer des locaux d’activité, une camionnette, une machine outil, un ordinateur … mais pas un plan marketing, une étude de prospection export, un développement dans le e-commerce, l’embauche d’un community manager, ou d’un consultant export …
Or embaucher des collaborateurs qualifiés, faire appel à des consultants, repenser une organisation, innover, se lancer dans le e-commerce ... c’est cela l’investissement du 21 ème siècle. Pourtant ces actions sont toujours considérées comme des « dépenses d’exploitation » et non comme des investissements ... C’est un anachronisme destructeur de valeur !
Les professionnels du Chiffre devraient réfléchir avec les pouvoirs publics, à l’adoption d’une nouvelle norme comptable permettant d’inscrire au bilan, dans les actifs dits « incorporels », tout ou partie des dépenses de nature immatérielle, qui sont vitales pour le développement de l’entreprise.
Redéfinir l’investissement et son véritable contenu aujourd’hui, paraît tout aussi indispensable si l’on veut relancer de façon durable notre économie.
Jacques Gautrand
jgautrand [ @ ] consulendo.com
Lire aussi une de nos précédentes chroniques sur le thème : « l’investissement est l’acte fondateur de l’entrepreneur »
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