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ESSAI
« L’Empire du mail » de Jean Grimaldi d’Esdra (éditions Librinova)
 

« Au commencement était le mail » semble être la nouvelle règle de fonctionnement des managers. S’il fallait définir vite le management de notre époque, nous dirions assez spontanément que le management c’est envoyer et recevoir des mails... » *

Depuis l’invention du courrier électronique, il y a plus de quarante ans, l’e-mail ou courriel s’est imposé sous toutes les latitudes comme premier vecteur de correspondance écrite. Il s’échange dans le monde plus de 215 milliards d’e-mails par jour ! Dans le même temps, on envoie – et on reçoit - de moins en moins de lettres sur papier !

Dans le monde professionnel, l’e-mail est devenu un accessoire quotidien dans l’organisation du travail et le management, apportant d’incontestables avantages sur les supports antérieurs, tels que le fax par exemple. Mais cette évolution n’est pas sans inconvénients, dérives ou excès. La pléthore de messages qui submerge les boites à courriels des collaborateurs d’une entreprise finit par noyer les informations importantes sous un flot ininterrompu de sollicitations plus ou moins utiles… Le temps passé à trier ses mails et à y répondre vire parfois au cauchemar et accapare une proportion croissante du temps des managers… au détriment du management lui-même !

Les méthodes de management évoluent, elles aussi, considérablement avec l’usage immodéré des interfaces électroniques ; certains dirigeants pensent que les techniques peuvent suppléer la relation interpersonnelle en face-à-face ou leur éviter de se confronter à de « vraies » personnes… Tandis que le stress augmente dans les grandes organisations bureaucratiques, de même que le sentiment, chez la plupart des collaborateurs, d’un manque de considération pour le travail accompli.

Ecrit par un spécialiste et praticien des ressources humaines, Jean Grimaldi d’Esdra*, « L’Empire du mail » recense de façon pertinente tous les usages et abus du courriel dans l’entreprise. Il analyse, références à l’appui, comment le management est transformé par cet outil à la fois magique et maléfique. Il ouvre aussi quelques pistes – qui auraient mérité à notre avis de plus larges développements - pour élaborer une sorte de diététique du mail.

Comme l’auteur le souligne à juste titre, nous utilisons les interfaces numériques indifféremment à des fins personnelles comme à des fins professionnelles, d’où la confusion des temps, d’où l’encombrement de nos vies, d’où le brouillage du discernement entre l’urgent et le nécessaire, entre l’utile et le futile. Mais, après tout, n’est-ce pas le propre de toute technique d’être ambivalente ? Naguère, une lettre manuscrite pouvait aussi bien se révéler un courrier de mise en demeure pour défaut de paiement qu’un joli mot d’amour.

Nous reproduisons, ci-dessous, de larges extraits du livre de Jean Grimaldi d’Esdra, avec son aimable autorisation.
J.G.

>>>« L’Empire du mail - Management, contrôle et solitude » - de Jean Grimaldi d’Esdra - éditions Librinova 2017

* A propos de l’’auteur :

DRH de métier, Jean Grimaldi d’Esdra a notamment travaillé au sein du Groupe Michelin. Docteur en droit habilité à diriger les recherches, il dirige depuis plus de dix ans Formadi, une société de conseil en management. Il est également directeur de programme « Executive » à l’Edhec Paris, cycle de formation destiné aux cadres de direction. Il dirige aussi une publication de veille et de prospective « Le Radar des Responsables ».

L’Empire du mail
L’entreprise à l’heure du digital-management Jean Grimaldi d'Esdra par Jean Grimaldi d’Esdra

« Au commencement était le mail » semble être la nouvelle règle de fonctionnement des managers, ceux qui dirigent les autres. La proximité n’est plus ce que nous croyons. Insensiblement de nouvelles pratiques envahissent les entreprises, créent de nouvelles insatisfactions.

S’il fallait dessiner ou définir vite le management de notre époque, nous dirions assez spontanément que le management c’est envoyer et recevoir des mails. (…) Cela représente aujourd’hui la tâche essentielle de nombreux managers dans nos entreprises… (…)

Répondre aux mails devient l’activité principale de certains salariés ! D’autant plus qu’il s’agit d’une activité qui, bien que vide en soi, est montrable, archivable, référençable. Ce n’est pas ce que l’on crée ou fait qui compte désormais, mais l’image que l’on se donne en répondant à des mails.

(…) Ce qui compte c’est être visible. C’est d’ailleurs toute la problématique de l’Internet aujourd’hui : être vu et reconnu, par les profils que l’on poste, les Tweets que l’on envoie à la terre entière, les articles de blog que l’on publie. La visibilité, tant extérieure dans les réseaux sociaux, qu’intérieure dans l’entreprise, est devenue une nouvelle et peut-être la seule forme d’existence. (…)

Le mail a-t-il créé ce nouveau management ? Ou bien le mail vient-il tout simplement, au bon moment, couronner une lente dérive des formes et méthodes de management et de pouvoir ? N’y a-t-il pas depuis bien longtemps une modification profonde en marche ? (…)

Le travail mute, le manager mute. Ce n’est pas tant l’homme qui mène la danse. Il s’adapte plus ou moins bien. Il se moule dans une "posture" - attitude qui n’est pas authentique. Un outil comme le mail est emblématique de ces changements. Si pratique, si rapide, si universel, il paraît décupler notre force productive, notre efficacité personnelle ou d’équipe. Pour le meilleur, pour le pire…

(…) Le poste de manager, emploi par essence de contacts, de paroles, d’actions devient un emploi de bureau. Ou plus exactement un emploi où la charge de travail s’est modifiée pour devenir plus majoritairement liée à une charge de production d’écrits électroniques. (…)

Pas une rencontre sans que les personnes ne fassent référence au poids démesuré, irrépressible, insensé de la gestion des mails dans leur quotidien. Aucune solution à vue humaine n’apparaît, c’est un flot qu’on ne peut endiguer. L’homme seul ne peut que subir, les organisations s’en plaignent, sans agir.

Pour changer de comportement il faudrait comprendre ce qui se passe, ce qui cloche dans le monde des organisations tel qu’il est. Il faut l’admettre ensuite et faire siennes les principales raisons, les transformer en convictions. Il faut enfin cerner ses degrés de liberté pour agir avec réalisme.

Demander des outils pour régler cette question, sans consacrer le temps nécessaire à une phase de diagnostic et de compréhension, c’est négliger les chemins de l’intelligence et de la volonté personnelle pour modifier un comportement, le sien, avant celui des autres. C’est faire semblant de vouloir changer quelque chose. C’est ignorer, qu’à l’occasion de cette réflexion personnelle, chacun va identifier des choses fondamentales. De là, seulement, naitront des résolutions concrètes.

(…)

Quelques chiffres à l’appui...

En moyenne un manager trouve 60 mails dans sa boite électronique par jour, alors que seulement 5 à 10 sont réellement importants… (…)

Selon le site arobase.org « 88 courriels sont reçus et 34 sont envoyés en moyenne par jour en entreprise par chaque collaborateur »…

Selon une étude Adobe d’août 2015, « les cadres estiment passer plus de 5 heures par jour en moyenne à consulter leur messagerie, 5,6 heures en France et 5,4 heures en Europe. Aux Etats-Unis, ce chiffre monte à 6,3 heures. » (…)

Cette même enquête décrit aussi les modes, moments et lieux de consultation des mails :

- En regardant la télévision, 70%
- Au lit, 50%,
- En vacances, 50%,
- Dans la salle de bains et aux toilettes, 42%,
- En conduisant, 18%,
- Au téléphone, 43%, (…)

L’abondance des messages à un effet pervers sur le salarié : 43 % des salariés français sont interrompus au moins toutes les dix minutes et 31 % avouent être distraits dans leur travail. (Créfac) (…)

Une enquête BVA (2012) mesure la qualité de vie au travail. Symboliquement, il faut noter que pour un salarié sur deux, une diminution du nombre de mails signifierait (quasi automatiquement) une amélioration de la qualité de vie. (…)

24 % des salariés traitent immédiatement les mails. Au plus tard, ce serait fait dans la journée pour 62%. Seuls 11% les traitent dans les 2 jours, 2% résistent et se donnent 5 jours. Il paraît évident qu’il n’y a plus de temps de latence.

34% considèrent recevoir plus de 25% de mails inutiles.

61% consultent à l’extérieur de l’entreprise ces mails professionnels, cette tranche de population consulte souvent ou régulièrement sa messagerie le soir (pour plus de 60%) ou le week-end (pour 47%). (…)

Vie pro/Vie privée : une frontière abolie

On passe de la vie professionnelle à la vie totale. Une porosité complète s’instaure entre les deux mondes. (…) La porosité des mondes personnel et professionnel a un effet induit qui accroît nos difficultés.

Le fait d’utiliser la même technique de manière universelle pour les activités personnelles comme pour les professionnelles, banalise à l’extrême l’outil utilisé.

On intercale de plus en plus des tâches afférentes à l’un ou l’autre monde, cela devient notre seconde nature. Et en conséquence, on passe et repasse d’un monde à l’autre, en un court laps de temps. Est-on au travail ? Est-on en repos ou en vacances ? Le psychisme des individus est sollicité jusqu’à l’épuisement. Au début, dans une phase d’excitation, l’individu sera fier d’être sollicité, contacté, au centre d’un réseau. Mais ensuite, à la longue, sa résistance, son envie, sa fierté déclinent. (…)

Éloquentes sont aujourd’hui les enquêtes de l’utilisation d’Internet au travail pour des fins privées. L’enquête Olfeo 2015 avance une durée de plus de cinquante minutes par jour passées sur Internet au travail, pour des motifs personnels. C’est une moyenne pour des salariés ayant un libre accès (ce qui est de plus en plus le cas via les Smartphones). Ce temps quotidien correspond à une demi journée de travail au minimum par semaine. Les sites les plus visités en France sont les blogs et forums, les plateformes vidéo-audio, les sites d’actualité, les sites de commerce, les réseaux sociaux.

Mais comme l’activité de chacun est conçue dans une chaîne, avec une succession d’opérations, la personne devra finalement accomplir une quantité de travail dans le temps résiduel, (loisirs, pauses) non dédié normalement au travail, qui lui reste. La contrainte viendra des autres, collègues et partenaires plus que des représentants de l’autorité.

(…)

Le multi-tasking s’étend, tout particulièrement parmi les plus jeunes. Cela consiste à faire plusieurs choses à la fois, en mélangeant domaines, outils. Répondre à son portable en activant le haut parleur, tapoter un SMS à sa petite amie, jeter un œil sur sa boîte d’arrivée de messagerie… Ce fait du multi-tasking est massif, constatable par tous, partout. Déstabilisant pour celui qui parle, anime, transmet, demande, il est à la limite de l’irrespect.

Devant les remarques, les gens concernés disent ingénument : « Cela a l’air de vous choquer mais vous savez notre génération fonctionne comme cela et c’est aussi efficace… » Bref, on vous cantonne dans le rôle de l’ancien, légèrement ringard… (…)

Mais comment imaginer que le fait de passer sans cesse d’un travail à un autre, écrire, téléphoner, regarder ses messages, etc. serait sans conséquences ? C’est un peu allumer et éteindre en permanence notre interrupteur cérébral. Croyons nous que cela n’a aucun effet sur notre vision, sur la lumière répandue, sur la longévité de l’ampoule ? L’épuisement que l’on peut constater chez nombre de managers trentenaires trouve dans ce phénomène une cause possible. (…)

Un jeune ingénieur, huit mois après sa nomination à un poste de responsable, témoigne lors d’un séminaire, lorsque est abordée la question de l’équilibre personnel : « Le soir je rentre chez moi vers 19h30/20h00, j’ai commencé la journée à 7h30. Heureusement je n’habite pas trop loin. Ma femme m’attend, on dîne ensemble. Après je peux me remettre à mes mails et mes pointages. Elle regarde sa télévision… »
Chacun écoute ce témoignage et dans sa tête se dit :"Pendant combien de temps ?" (…)

Aujourd’hui des starts-up proposent des systèmes à "pluger" sur les messageries d’entreprises pour analyser en détail ces milliers de messages quotidiens. Voici pour exemple la présentation d’une solution mise au point par la société Tryane : « Factualisez le ressenti en disposant de métriques réelles sur la volumétrie d’emails échangés. Découvrez le temps passé à traiter des emails par vos collaborateurs. Détectez les pratiques à risques : échanges soirs & week-end, instantanéité des réponses, emails "parapluie" (beaucoup de personnes en copie). Analysez les populations qui sont noyées sous les emails et repérez la source de ces emails (interne, client, fournisseur, robot, spam)… » (sic) (…)

Quand la technique prend le pouvoir

Très progressivement un outil a pris possession de notre être. C’est à dire de notre travail, de notre temps, de notre personnalité, de notre psychologie. Mais il est encore difficile de le reconnaître ouvertement, complètement, sincèrement. Nous espérons tellement garder la pleine conscience de nos actions, assurer l’action libre de notre volonté. Penser que notre crayon dicte nos paroles, crée notre humeur, façonne notre rythme et celui des autres, colore nos relations, emplit nos journées… C’est totalement impensable et pourtant…

Aujourd’hui, le crayon s’appelle mail, e-mail, courriel. Nos doigts ou notre voix lui donnent naissance, mais ce nouveau crayon est vivant. Nouveau Pinocchio, il s’anime. Nous le croyons encore instrument, subordonné, obéissant. Mais n’est-ce pas lui qui bien souvent commande, tout en nous laissant la paternité apparente du mécanisme ? (…)

Les techniques de l’information gèrent des flux et déposent dans nos boîtes mails beaucoup de données. Autrefois, nous nous sentions valorisés, aujourd’hui un sentiment de panique ou d’énervement est des plus communs. La vraie et seule question est : « Comment utiliser une partie de cette information pléthorique dans une communication efficace et riche pour nourrir des relations pérennes, professionnelles comme personnelles ? » (…)

On est parfois stupéfait du type de mails que les collaborateurs, bien souvent jeunes, s’envoient en portant des jugements sur les uns et sur les autres. Nous avons eu à lire des mails, émis par des collaborateurs sur d’autres collaborateurs, critiquant leur aspect physique, leur manière de se mouvoir, leurs capacités de travail. Les formulations étaient totalement irrespectueuse, écrites par des cadres de formation dite supérieure... Surpris par la violence de tels jugements, un responsable ayant eu, par erreur de transmission, connaissance de ces messages, reçoit en entretien les personnes. Surprises, elles réalisent leurs actes en voyant le texte imprimé de leurs mails. Comme si, resté sous la forme électronique, le message n’avait pas le même impact. C’était un jeu plus qu’une atteinte consciente à la dignité des personnes... (…)

Mail-parapluie

Un jeune ingénieur a hérité, comme bien souvent, d’une délégation de pouvoirs très large au sens juridique. Elle encadre sa future responsabilité. Des investissements pour la sécurité sont retardés dans son secteur, par décision de services supports. Conseillé de formaliser les risques et d’informer le niveau supérieur, il lâche : « C’est fait, j’ai envoyé un mail très détaillé sur cette affaire. Rien ne bouge, mais moi, de toute façon, je suis couvert. » Les contacts directs qui pourraient se prendre au niveau supérieur pour débloquer cette situation ne sont pas provoqués… « Ils sont bien informés, moi, je suis couvert. »

La multiplication des écrits pour prouver modifie en profondeur, par petites touches, le rôle réel des responsables. Il ne faut pas tant produire et entraîner que prouver. C’est bien la révolution copernicienne vécue par l’autorité à notre époque. Prouver que l’on a fait ce que l’on devait, prouver que l’on a transféré sur d’autres la charge de travail et les délais, prouver que sa responsabilité ne peut-être engagée. Non seulement il a agi dans mesure de ses moyens et de ses fonctions, mais il a informé, dans les temps, son supérieur hiérarchique, en gardant une trace. (…)

Bonnes pratiques

Les entreprises, les organisations, soucieuses des effets collatéraux de la mailmania tentent d’élaborer chartes de bonnes conduites, règles de contingentement, et diffusent les bonnes pratiques collectives. Ces solutions ont des effets, pour l’instant, bien limités, il faut donc également se centrer sur l’action individuelle, tant il est vrai que seules les démarches personnelles peuvent maîtriser efficacement les effets néfastes d’une utilisation débridée, déraisonnable. (…)

Le retour de congés pour chacun est un saut non pas dans l’inconnu mais dans les messageries mails où un stock de messages non lus nous attend. Sauf évidemment pour les "addicts" qui ont travaillé tout au long des vacances. Le dilemme est posé, identifier rapidement tous les mails à mettre à la poubelle, trouver les mails urgents en souffrance pour y apporter des réponses circonstanciées sinon rapides.

Depuis 2014, Daimler a favorisé une solution, en Allemagne, pour tous ses salariés durant la période des congés. La presse y fait référence très régulièrement. Mais, à notre connaissance, aucune autre grande entreprise ne s’est lancée dans un tel programme. Le fonctionnement du programme "Mail on holiday" paraît assez simple. Vous avez la possibilité de déclencher l’effacement automatique de vos mails durant votre période de congé. Les personnes qui vous écriraient durant cette période reçoivent un message sans ambiguïté sur les conséquences de leur envoi. Pour tenir compte du fonctionnement d’une grande entreprise, des contacts de relais sont évidemment indiqués dans le mail circulaire. Le jour du retour pourrait être ainsi plus paisible pour reprendre pied et préparer les semaines de travail à venir. Mais c’est sans doute sans compter sur la nervosité, la crainte, qui pourraient germer dans l’esprit du salarié lui-même qui a autorisé cet effacement automatique et concomitamment sa disparition temporaire du circuit d’information. Il a démontré qu’il n’était plus indispensable. Cruel dilemme qu’il faudra assumer. (…)

Une charte (adoptée par l’entreprise - NDLR) donne des bonnes pratiques à suivre en tous temps : limiter la taille des mails, limiter le nombre des destinataires, (utiliser) le media le plus adapté, dans bien des cas le téléphone restera plus rapide et plus approprié. Créer un état d’esprit de non-dépendance sera le plus efficace et le plus pertinent, en refusant de travailler en permanence dans l’urgence. Veiller à une personnalisation des relations et bloquer les risques de conflits dans des échanges de mails abrupts…

Un exemple positif, extrait de la charte Solvay de février 2016 : « Il est important de rappeler à chacun les bonnes pratiques dans l’usage de la messagerie électronique afin de concourir à une plus grande efficacité au travail et au respect de l’équilibre des temps de vie. Ne pas se laisser déborder par le caractère instantané et impersonnel de la messagerie, mais au contraire : gérer ses priorités. Se fixer des plages horaires pour répondre. Se déconnecter pour pouvoir consacrer la réflexion nécessaire au sujet de fond. » (…)

La technique ira toujours plus vite que la seule capacité humaine pour produire des messages ou des biens. Se détacher de ses mails, c’est avoir compris quel est l’essentiel de ses fonctions. Un outil reste un outil ; si un collaborateur au lieu de parler de sa fonction parle de traitement des mails, nous pouvons noter le symptôme de l’inversion de l’utilisation de l’outil qui remplace l’essentiel de la fonction. (…)

Pour rester libre il faut varier les outils. Selon les moments, les destinataires, les sujets. Autrement, l’outil, seul élu, prendra les rênes et imposera son esprit et ses caractéristiques. (…)

Pour celui qui dirige les autres, anime des équipes, la relation est première. Elle doit rester directe en priorité, physique par dessus tout. Le regard, les gestes accompagnent les idées et la voix. Beaucoup d’observateurs du monde de l’entreprise conviennent qu’il faudra savoir accompagner les collaborateurs pour les former et faciliter leur réussite. Croit-on pouvoir le faire par des écrits-mails ? Une petite histoire qui en dit long sur la véritable notion d’accompagnement. Le grand pianiste Aldo Ciccolini venant de mourir, une radio diffuse une émission souvenir sur son œuvre, sur ses méthodes de formation. Une de ses anciennes élèves du Conservatoire est interrogée, sans avoir manifestement beaucoup préparé. Cela donne plus de poids à son témoignage. Elle résume en quelques mots l’essentiel du véritable accompagnement : « Il montrait avant de dire. » Montrer fait gagner beaucoup de temps et rend naturellement légitime celui qui va donner les clés de la progression dans toute activité. (…)

En conclusion : « Ni techno-rebelles, ni digital-slaves »

éditions LibrinovaExpliquons-nous, il ne s’agit pas, dans une fureur iconoclaste, de déclarer la guerre à un outil que nous avons tous trouvé extraordinaire pour nos affaires comme pour nos loisirs. Les inconvénients sont venus à l’usage et sachons le reconnaître, il appartient d’abord à chacun de nous de trouver la bonne pratique qui assurera une maîtrise raisonnée. (…)

Accepter la technique comme une opportunité. Elle détruit des formes anciennes d’action ou de réalisation. Soit. Ce qui est détruit devait passer ou s’adapter. Parfois il suffit de conserver l’esprit d’une chose et d’utiliser d’autres vecteurs sans complexes et sans regrets. Pour combien d’entre nous le mail a créé de nouvelles méthodes de travail, de nouvelles activités qui font le tissu de notre vie et nous permettent de trouver les revenus nécessaires à notre vie ? Travail, loisir, culture, tout est modulable, de nouvelles fenêtres s’ouvrent. Il faut tenter, expérimenter, traduire sans timidité et sans précipitation.

Refuser l’exil de notre monde et le repli sur un monde passé irréel. Peut-on se retirer au désert ? Notre monde est bien là, avec ses contraintes et ses codes nouveaux. Passionnant il n’attend que notre patience dans l’action.

Se réfugier dans d’anciennes pratiques, à peine utilisées pour nombre d’entre nous, est un non sens. On ne reconstitue jamais le passé. Le rôle du passé est parfois d’inspirer le temps présent. Il nous appartient de trouver les bonnes utilisations qui "vont bien" pour l’outil mail.

Garder une authenticité, une spontanéité. Il est dangereux de proclamer des grands principes dans le monde d’aujourd’hui qui ne seront pas appliqués. Peut-être faut-il les vivre, simplement, quotidiennement.

Le lien hiérarchique ne devrait plus s’exprimer par une dureté directe, immédiate, visible. Mais il se transforme dans l’envoi de messages qui manquent ou non au respect le plus réel, le plus immédiat. La manière de saluer, le style des questions posées, le choix des mots, l’esprit qui transparaît dans les messages sont des signaux forts du respect réel que l’on recherche.

Résister aux flux sans s’effrayer. Certes le flot communicationnel monte et manque parfois de nous engloutir. Apprenons à résister sans crispations.

Recevoir un mail n’oblige pas à l’ouvrir, à le lire, à y répondre à le ranger… Il faut choisir, élire les bons correspondants, les bonnes méthodes, les bons rythmes. Ceux qui exercent des responsabilités larges peuvent envoyer des messages forts : ne plus envoyer de mails, prendre des contacts directs, demander des notes écrites d’une page ; en un mot "ringardiser" le mail. Les hommes sont ainsi faits, ils ont besoin de signes forts, venant de ceux qui donnent le La à toute une société.

La production pourra ensuite amorcer une décrue. Un travail vous semble essentiel ? Passionnant ? Et bien faites-le et laissez donc votre messagerie ! A vous de cibler l’essentiel. Maîtriser la vitesse, éviter l’urgence sera la clé de notre équilibre.

« Il faut être rapide, mais à condition de porter en soi un contrepoids. Pourquoi, si impatients de toute autorité, accepter sans examen la dernière en date des tyrannies ? Formulons une loi nouvelle de résistance à la vitesse. Pas d’autre pente que notre volonté.(…) Aimons la vitesse, qui est le merveilleux moderne, mais vérifions toujours nos freins. » (Paul Morand)

Jean Grimaldi d’Esdra

(Les intertitres sont de la rédaction de Consulendo)

- « L’Empire du mail - Management, contrôle et solitude » - de Jean Grimaldi d’Esdra - éditions Librinova 2017

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