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Ces entrepreneurs Made in France

Insensiblement, la France est devenue un pays d’entrepreneurs. Une révolution silencieuse dans ce (...)

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L’analyse de Jacques Gautrand - Février 2013
La France a besoin de TOUS ses entrepreneurs
 

« Faire de la France un pays plus accueillant pour les entrepreneurs », telle est l’ambition affichée par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, dont la ministre déléguée aux PME, Fleur Pellerin, a officiellement lancé les Assises de l’Entrepreneuriat, le 14 janvier 2013. Réunissant des chefs d’entreprises, des personnalités et des experts de l’écosystème entrepreneurial, neuf groupes de travail (voir en note) doivent produire une quarantaine de propositions d’ici le mois d’avril.
Ces propositions serviront de base à "un plan d’action" destiné à stimuler l’envie d’entreprendre dans la population, à « réconcilier l’impératif de croissance et de compétitivité avec la dimension sociale et humaine de l’entreprise », avec « l’objectif de doubler le nombre d’entreprises de croissance d’ici à 5 ans »...
L’intention est d’autant plus louable que certaines déclarations et certaines mesures, fiscales notamment, avaient laissé à penser que le gouvernement tenait les "patrons" dans son collimateur.

Ces Assises interviennent alors que la création d’entreprises reste très dynamique en France, malgré un contexte économique difficile.

Il s’est, en effet, créé 550 000 entreprises en France l’an dernier(1).
Depuis l’institution, en janvier 2009, du régime de l’auto-entrepreneur, le nombre de créations dans notre pays a plus que doublé : les immatriculations sous ce régime représentent 56% des nouvelles entreprises en 2012.

Même en mettant de côté les auto-entrepreneurs, on observe une augmentation régulière des créations d’entreprises depuis vingt ans : celles-ci sont passées de quelque 178 000 en 2002 à 242 000 en 2012...
Toutefois, 95% des entreprises créées, n’ont pas de salarié. Et c’est ce qui embête le gouvernement qui veut développer l’emploi à tout prix, pour faire face au chômage de masse qui sévit en France ...

L’entrepreneuriat est entré dans les mœurs des Français.

Se mettre à son compte, "créer sa boîte" est désormais considéré comme une étape "normale" dans un parcours professionnel.
Beaucoup de jeunes n’hésitent pas à se lancer à la fin de leurs études - et même pendant celles-ci ! Un sondage réalisé par l’institut Think, à l’occasion des 20 ans du Salon des entrepreneurs (qui s’est tenu les 6 et 7 février à Paris) montre qu’un jeune sur deux (jusqu’à 34 ans) caresse l’envie de créer son entreprise (la proportion est de 30% pour l’ensemble des Français).

C’est que le salariat a été rudement mis à mal par des années de crise : Etre salarié dans un grand groupe, même si cela reste une situation enviable - en raison des multiples avantages attachés à ce statut -, n’est plus synonyme de sécurité de l’emploi. Changement de direction ou d’actionnaire, redéfinition de la stratégie, délocalisation, retournement de la conjoncture ... autant d’événements désormais courants, prétextes à réductions d’effectifs, plans sociaux ou licenciements transactionnels - dont le nombre a explosé ces dernières années.

La dégradation de la condition de salarié rend plus séduisante encore l’aventure entrepreneuriale, laquelle paraît moins risquée qu’à une époque où "l’emploi à vie" était la règle ...

Besoin d’autonomie et de réalisation de soi ...

Les relations de travail tendues dans les grands groupes, l’augmentation des conflits, la montée du stress, des maladies, le manque de reconnaissance, la pression du court terme, les changements erratiques de stratégies ... conduisent beaucoup de cadres à vouloir se mettre à leur compte pour pouvoir "maîtriser" leur destin et redonner du sens à leur travail.

Toutes les enquêtes le confirment, la première motivation mises en avant par les créateurs d’entreprise ce n’est pas l’argent, mais le besoin "d’indépendance", et la recherche d’un épanouissement personnel, d’une réalisation de soi. L’envie d’être "entrepreneur de sa vie".
Tendances parfaitement illustrées par la vague des "mom’preneurs", ces jeunes mères de famille qui se mettent à leur compte pour trouver un meilleur équilibre de vie ...
D’ailleurs, la dernière étude l’Insee, confirme l’augmentation de la proportion de femmes parmi les créateurs d’entreprises individuelles : 38% en 2012, contre 34% dix ans auparavant.

Chômeurs et créateurs

La montée inexorable du chômage dans notre pays, alimente aussi le flux des candidats à créer "leur propre emploi" : 35% à 40% des créations d’entreprises sont portées chaque année par des chômeurs. Se mettre à son compte est souvent pour eux le seul moyen de retrouver une activité. D’ailleurs, PôleEmploi et l’APEC ont désormais intégré cette option dans leurs dispositifs d’accompagnement. Tout salarié a intérêt a cumuler, comme on lui en donne la possibilité, ses indemnités chômage avec la phase délicate de lancement de son entreprise...

Parallèlement à ces évolutions, les réseaux d’accompagnement des futurs entrepreneurs se sont à la fois densifiés, structurés et professionnalisés, qu’il s’agisse des réseaux consulaires, des réseaux socio-professionnels ou associatifs (BGE, Entreprendre, Initiative France, France Active, Adie, etc.).
Et l’on sait qu’un créateur "bien accompagné" augmente sensiblement ses chances de réussite.

Au cours des dix dernières années, sous l’effet de mesures favorables engagées par les gouvernements successifs, la création d’entreprises en France a été simplifiée, du moins en ce qui concerne la phase de démarrage de l’activité.

Qu’attendre des Assises de l’Entrepreneuriat ?

La ministre Fleur Pellerin en visite à l'université d'été du Medef 2012Du point de vue des entrepreneurs ou futurs entrepreneurs, il reste encore des points d’amélioration sur lesquels il est légitime d’attendre des avancées de la part des Assises de l’Entrepreneuriat, lancées le 14 janvier 2013 par la ministre déléguée aux PME, Fleur Pellerin (photo ci-contre).

- Au premier rang des problèmes récurrents, le financement.
Ce n’est pas tant les premiers capitaux à rassembler par le créateur qui font problème (une entreprise sur deux démarre avec moins de 8000 euros !). Mais c’est pour durer (et se développer) que la tâche de l’entrepreneur devient particulièrement difficile. Car notre système bancaire n’est pas adapté pour répondre aux besoins concrets des TPE et des indépendants.

Dans sa gestion courante, une petite structure (soit plus des deux tiers des entreprises françaises *) doit financer à la fois des besoins immatériels (2) (marketing, prospection, communication, Internet, embauche ...) et des décalages de trésorerie (entre ses recettes et ses charges). Or face à ces besoins pressants, la banque française n’a aucune solution "sur mesure" à proposer à ses clients TPE (sinon des outils inadaptés comme l’affacturage ...) Seule la mise en œuvre d’un "crédit global d’exploitation" (lequel existe, mais est réservé à quelques grands groupes triés sur le volet) permettrait de sécuriser la gestion courante d’une TPE. Espérons que la BPI (Banque publique d’investissement) qui doit être opérationnelle avant cet été, pourra apporter des réponses concrètes et originales en matière du financement du cycle d’exploitation de l’entreprise.

- Parmi les autres sujets sur lesquels planchent les neuf groupes de travail constitués à l’occasion des Assises de l’entrepreneuriat (3), figure la fiscalité. La ministre Fleur Pellerin a reconnu la nécessité « d’assurer un stabilité juridique et fiscale pour les entrepreneurs. » Cette stabilité, qui au regard de l’expérience passée - tous gouvernements confondus !- paraît bien utopique, est la condition indispensable pour « faire de la France un pays plus accueillant pour les entrepreneurs », objectif affiché par l’actuel gouvernement...

Une fiscalité incitative plutôt que "punitive" ...

La controverse née de l’aggravation de l’imposition des plus-values de cession d’une entreprise, a montré combien le discours officiel peut être mis en contradiction avec les actes. Les assouplissements consentis en la matière par le gouvernement à la suite de la levée de boucliers parmi les organisations d’entrepreneurs, ont besoin d’être clarifiés.
Cette affaire milite pour une remise à plat complète de la fiscalité touchant les TPE/PME, laquelle ne doit pas être une fiscalité de l’entreprise "en miniature", mais une fiscalité spécifique, non pas une fiscalité "sanction" mais favorable à la création et au développement. Elle doit non seulement prendre en compte le "statut fiscal de l’entrepreneur" mais aussi la fiscalité de son écosystème : associés minoritaires, investisseurs de proximité, business angels, capitaux-risqueurs ...

La tâche dévolue au Groupe de travail N°2, animé par Michel Taly, avocat fiscaliste et Marie Ekeland, associée chez Elaia Partners, est donc particulièrement sensible et cruciale pour l’avenir.
Faire de la France "un pays accueillant pour les entrepreneurs" commence par tout mettre en œuvre pour que ceux qui ont réussi ... ne s’exilent pas et que ceux qui ont l’intention de créer et d’innover ne préfèrent pas le faire ailleurs, en raison d’une fiscalité jugée "punitive" ...

- La simplification des déclarations fiscales et sociales de la TPE - un point technique qui mériterait d’être couvert par les travaux des Assises - demeure un chantier inachevé :
Hervé Novelli, après avoir lancé le régime de l’auto-entrepreneur, avait déclaré qu’il songeait à étendre à toutes les entreprises individuelles (elles sont quelque 1,6 million) la possibilité de s’acquitter de leurs cotisations sociales a posteriori : c’est à dire, selon le principe des recettes réellement encaissées, et non, comme c’est le cas actuellement, par anticipation (avec régularisation deux années plus tard).
Cette réforme qui n’a jamais été engagée (Hervé Novelli n’en a pas eu le temps et ses successeurs l’ont "oubliée") aurait pourtant un effet très bénéfique sur les trésoreries des TPE, mises à mal par des années de crise ...

Les travaux des neuf groupes de travail doivent déboucher sur 36 propositions qui seront rendues publiques en avril et dont la mise en œuvre devrait être pilotée par un "Haut responsable à l’entrepreneuriat" désigné par le gouvernement ...

- On peut comprendre que ce gouvernement veuille concentrer tous ses efforts sur « les entreprises à fort potentiel de croissance », donc créatrices d’emploi (surtout face au cancer du chômage qui ronge notre économie). Mais il aurait tort d’ignorer ou de négliger les 2 millions d’entrepreneurs qui n’ont pas de salariés. D’une part, il serait intéressant de faire une étude approfondie pour savoir pourquoi les deux tiers des entreprises françaises n’embauchent pas. Et d’autre part, il faudrait traiter de façon spécifique tous ceux qui ne souhaitent pas embaucher (et n’embaucheront pas quelles que soient les aides), lesquels ont choisi d’entreprendre non pas pour "créer une entreprise" mais pour exercer en toute autonomie leur métier comme professionnels indépendants. Ils méritent, autant que les autres chefs d’entreprise, l’attention et la considération des pouvoirs publics. Et nous aurions collectivement tout intérêt à imaginer un environnement qui réponde plus spécifiquement à leur positionnement et leur permette de développer leurs activités.

La France a besoin de tous ses entrepreneurs !

Nous aurons l’occasion de revenir sur ces quelques réflexions lorsque seront connues les propositions qui sortiront des Assises.

Jacques Gautrand
jgautrand [ @ ] consulendo.com

* Selon l’Insee, la France compte 3,4 millions d’entreprises dont 2,238 millions n’ont aucun salarié.

(1) Source : INSEE Première. N° 1433 - Janvier 2013.

(2) Un porteur de projet (concernant la création d’une société d’ingénierie) se désolait devant moi de la frilosité des banques françaises et de leur incapacité à répondre aux besoins de l’économie nouvelle qui est une économie de l’intelligence, où il ne s’agit plus de financer des entrepôts ou des machines, mais ... de la matière grise, c’est à dire du capital immatériel. Voilà le hic : « Le problème me dit-il, c’est que les banques ne peuvent pas mettre d’hypothèques sur nos cerveaux .... » Tout est dit !

(3)Les neuf groupes de travail des Assises et leurs chefs de file :

Composés de vingt personnes chacun, ces 9 groupes de travail rassemblent des entrepreneurs et des experts de l’entrepreneuriat. Ils se réunissent du 15 janvier à la fin mars 2013« afin de proposer plusieurs mesures destinées à favoriser l’entrepreneuriat et faire de la France un pays accueillant pour les entrepreneurs » :

- "Diffuser l’esprit d’entreprendre auprès des jeunes", piloté par Philippe Hayat, président de 100 000 entrepreneurs et auteur d’un rapport à Fleur Pellerin ;
- "Asseoir un cadre fiscal durable pour l’entrepreneur", piloté par Marie Ekeland et Michel Taly, experts en fiscalité ;
- "Mobiliser tous les talents pour la création d’entreprise", piloté par Catherine Barba, CB Group ;
- "Proposer de nouvelles sources de financement pour les entreprises", piloté par Christophe Praud, président du CJD ;
- "Promouvoir et valoriser l’entrepreneuriat « responsable »", piloté par Nicole Notat, Pdg de Vigeo ;
- "Stimuler toutes les formes d’innovation dans l’entreprise", piloté par Philippe Berna, président du Comité Richelieu, et Armelle Weisman, Pdg de Trois Temps ;
- "Offrir à l’entrepreneur un accompagnement « global » et sur mesure", piloté par David Pouyanne, président de Réseau Entreprendre ;
- "Réussir la projection précoce des PME à l’international", piloté par Denis Jacquet, président de Parrainer la croissance, et Franck Provost, président de Provalliance ;
- "Inventer l’entreprise du « futur »", piloté par Christian Nibourel, président d’Accenture France.

*** P.S. Ma proposition : Les Assises de l’Entrepreneuriat ayant fait appel aux contributions de tout un chacun sur leur site Web, j’ai fait la proposition de créer un Livret d’Epargne Entrepreneur (LEE), sur le modèle du PEL (Plan d’Epargne Logement). Objectif du LEE ? Permettre à un futur entrepreneur - ou repreneur - d’augmenter ses fonds propres lorsqu’il concrétisera son projet de création ou de reprise d’entreprise.
J.G.

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