Comment « retrouver la prospérité française » ?
D’abord agir prioritairement sur le front de l’emploi : avec plus de quatre millions de personnes au chômage ou en sous-emploi, auxquels il faut ajouter 1,3 million de Rmistes, la machine à créer des richesses ne fonctionne qu’aux deux tiers de son potentiel ! Non seulement l’économie française se prive depuis longtemps de beaucoup de talents et d’expériences, mais elle ne génère pas suffisamment de revenus issus du travail. Il va sans dire que ce manque à gagner accumulé pénalise la consommation globale et creuse les déficits des caisses des organismes sociaux et de retraites ...
Investir dans l’humain.
On ne le répètera jamais assez : nos cent plus grands groupes n’investissent pas suffisamment dans l’emploi hexagonal. Fortement internationalisés, ils créent de l’emploi dans les zones du monde en expansion, sur les marchés dits émergents, là où les coûts de production sont les plus faible et les taux de profits plus élevés ... Ce modèle est pervers. Comment leur faire comprendre que leur "responsabilité sociétale" (une dimension à laquelle ils sont de plus en plus sensibles, vis à vis de leurs consommateurs et des opinions publiques) passe aussi par l’investissement humain en France : aucune entreprise ne peut prospérer longtemps dans un désert ...
Il faut aussi aider nos PME à identifier leurs "besoins latents inexploités" -faute de collaborateurs- (diversification ; lancement de nouveaux produits ou services ; prospection de nouveaux marchés, etc.) et instituer à leur intention un « contrat de mission » très souple avec comme objectif un million d’embauches supplémentaires sur deux, trois ans.
Il faut investir massivement dans les filières "vertes" et les nouveaux créneaux du développement durable, avec une politique publique de soutien et d’incitations lisible et pérenne ...
Parvenir rapidement à l’objectif emblématique du million de jeunes en apprentissage et en alternance, grâce à une mobilsation conjointe des organisations professionnelles (patronat et syndicats de salariés !).
Enfin, il faut continuer l’effort en faveur de la création d’entreprises en instaurant un statut du "professionnel indépendant" qui complèterait utilement le régime de l’auto-entrepreneur.
Grands groupes-PME : un partenariat gagnant dans l’export.
Nous manquons d’exportateurs ! A la différence de l’Allemagne et même de l’Italie, notre pays n’a pas de « force de frappe » collective à l’exportation. Nous peinons à réunir 95 000 entreprises exportatrices (sur un total de 3 millions !). Et nos exportateurs travaillent de façon trop dispersée ... Plus qu’un manque de compétitivité de l’offre française, il faut reconsidérer nos méthodes d’organisation et de déploiement commercial à l’étranger. De nombreuses études ont montré que les entreprises françaises (à la différence des italiennes et des allemandes) ne savent pas jouer de façon collective, "partir en escadrille" à la conquête des marchés étrangers. Les organisations patronales doivent se mobiliser dans ce sens et obtenir une coopération concrète entre grands groupes et PME sur le terrain, avec suffisammment d’incitations publiques à la clé (via la Coface par exemple).
Des prélèvements obligatoires excessifs :Les prélèvement sociaux et fiscaux qui pèsent sur nos entreprises sont supérieurs de 5 à 6% à ceux que supportent la plupart des pays avancés. Cette ponction réduit leur compétitivité et surtout constitue la principale cause de la sous-capitalisation des PME qui, du coup, sont beaucoup plus dépendantes du crédit bancaire, par insuffisance de fonds propres ...
Réhabiliter la culture du risque entrepreneurial : Non seulement notre pays a cultivé le culte de la fonction publique, mais il a surtout développé une mentalité de "thésaurisateurs" et "d’assureurs", au détriment de l’investissement productif.
Est-il normal que les fonds publics qui financent, via le crédit d’impôt-recherche, l’innovation des entreprises soient quatre fois plus importants que les investissements du capital-risque privé dont c’est pourtant le premier rôle ?
Il faut lancer de grandes campagnes pour orienter concrètement l’épargne des Français vers les entreprises non cotées en Bourse, en créant avec l’appui d’Oseo et de la Caisse des dépôts un "tiers de confiance" qui facilite l’intermédiation - en s’inspirant de l’exemple probant d’ Oseo Capital PME.
Réformer la TVA.
Pour rétablir l’équilibre des finances publiques, les marges de manœuvre du gouvernement sont très minces. Une réforme de la principale source de recettes fiscales paraît incontournable. N’est-ce pas le moment, comme le préconisent certains tels le sénateur Jean Arthuis, de mettre en place une TVA « sociale » : c’est-à-dire un taux renforcé de la TVA frappant les seuls produits d’importation, les recettes supplémentaires ainsi dégagées servant à financer les dépenses de protection sociale (ce qui permet d’alléger les prélèvements obligatoires qui pèsent uniquement sur les entreprises et les actifs).
La remise à plat de notre fiscalité, réaffirmée par Nicolas Sarkozy dans l’agenda 2011, pour « l’harmoniser avec celle de nos voisins Allemands », devrait intégrer un volet TVA et ne pas s’obnubiler sur le seul duo « bouclier fiscal-ISF. »
Voici donc, quelques-uns des leviers sur lesquels le gouvernement devrait s’appuyer pour aider l’économie française à retrouver le chemin de la prospérité ...
Soyons positifs !
Il reste cependant un dernier élément qui, lui, ne dépend pas du gouvernement, mais de nous tous, car il ressortit de l’âme profonde d’un peuple : c’est la propension à l’optimisme.
Il n’y a pas d’initiative, il n’y a pas d’esprit entreprenant, il n’y a pas de créativité, sans une bonne dose d’optimisme. Or, nous autres Français, forts en gueule et grincheux, sommes les moins doués dans l’art de positiver, comme le confirme un récent sondage BVA-Gallup (1) ...
Peut-être, cela provient-il, comme le suggère le journaliste britannique Peter Gumbel (2), de notre système éducatif qui, dès la maternelle, est prompt à décourager l’enfant en stigmatisant ses lacunes et ses imperfections au lieu de flatter le plus petit de ses progrès !
Alors, puisque nous sommes, en ce début d’année, à l’époque des bonnes résolutions, pourquoi ne pas nous essayer, chacun de nous et autour de nous, à développer un esprit positif, en nous efforçant de voir systématiquement le verre à moitié plein, de reconnaître la promesse de chaque matin : oui, les jours rallongent !
Jacques Gautrand
Jacques [ @ ] consulendo.com
(1) - « Les Français champions du monde du pessimisme ! Selon l’Institut BVA, le monde est coupé en deux : d’un côté « les confiants », les pays émergents, de l’autre « les craintifs », les pays occidentaux ... La crise est venue remettre en cause un modèle né à l’Ouest. Plus profondément, le vieux continent paraît bien avoir gommé le mot « prospérité » de son vocabulaire ... En France la sinistrose aiguë gagne du terrain : Notre enquête montre que les Français sont les plus pessimistes du monde sur la situation économique de 2011. Plus sombres sur leur situation personnelle à venir que…. les Irakiens, les Afghans ou les Pakistanais ! Notre pays se situe dans le top 3 des pessimistes pour l’Emploi, même si, sur ce point, la défiance perd un peu de terrain. »
Voir le sondage sur le site de BVA
(2) - Peter Gumbel : « On achève bien les écoliers » (Grasset) :
« Pourquoi la France est-elle le seul pays au monde à décourager ses enfants au nom de ce qu’ils ne sont pas, plutôt qu’à les encourager en vertu de ce qu’ils sont
?
J’ai écrit cet essai parce que je suis convaincu que la France passe à côté d’un élément clef pour comprendre ce qui pêche dans son système scolaire : « t’es nul » ! Une phrase qui résonne comme un leitmotiv en France. Autrefois, on l’entendait beaucoup dans d’autres pays européens, mais en Angleterre, en Allemagne et surtout dans les pays nordiques, la vieille approche éducative basée sur l’humiliation a depuis longtemps été remplacée par une vision plus positive et généreuse qui cherche à encourager plutôt qu’à rabaisser.
Pourquoi la France persiste-t-elle dans cette culture de la négativité ? Les Français eux-mêmes ne réaliseraient-ils donc pas à quel point leurs méthodes d’enseignement peuvent être contre-productives et en décalage avec le reste du monde ? »
Voir la présentation de son livre « On achève bien les écoliers »
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