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ESSAI
"Dans la Google du loup" de Christine Kerdellant
Editions Plon
 

Au départ, il voulait simplement "indexer" l’Internet... Comment le moteur de recherche américain Google est-il devenu une firme globale à visée hégémonique, un nouveau "Big Brother" qui veut régenter les esprits et les corps, et nous embarquer vers la post-humanité ? Dans son dernier essai *, dont la forme originale fait précéder chaque chapitre d’un mini-roman à épisodes, la journaliste économique Christine Kerdellant décrypte sans complaisance les ambitions démiurgiques de l’entrepris californienne qui « se prend pour Dieu (en voulant) « augmenter » l’homme et tuer la mort... pour les plus riches. » Google-Alphabet ne veut rien moins que devenir l’alpha et l’oméga de l’âge numérique !
Dominique Mataillet rend compte de l’ouvrage de Christine Kerdellant dans un article pour La Revue ; nous en reprenons, ci-dessous, de larges extraits avec l’aimable autorisation de son auteur.

* « Dans la Google du loup » de Christine Kerdellant - Editions Plon - 2017 - 317 pages

Google nouveau maître du monde ?
par Dominique MATAILLET

Christine Kerdellant - Editions Plon 2017

George Orwell l’avait imaginé dans son roman "1984". Google l’a fait. Ou, du moins, est en train de le faire...

Google, ce n’est plus seulement un moteur de recherche lancé aux Etat-Unis il y a trente ans. De la santé à la domotique, en passant par les drones, l’intelligence artificielle, l’automobile et le tourisme, cette entreprise californienne devenue la plus riche du monde (1) étend chaque jour, ou presque, son champ d’activités dans des domaines où elle dicte sa loi.

Ce sont les menées hégémoniques et potentiellement liberticides du géant de l’Internet que passe en revue Christine Kerdellant, directrice de la rédaction de L’Usine nouvelle (précédemment directrice adjointe de la rédaction de L’Express), dans un ouvrage saisissant tant dans le fond que dans la forme.

À la fois essayiste et romancière, l’auteur a mobilisé cette double compétence littéraire. Chaque chapitre débute par un épisode d’un feuilleton futuriste dont les principaux personnages portent les noms des héros du 1984 d’Orwell : Winston, Julia, O’Brien…

Première catégorie de menaces, auxquelles bien peu d’entre nous échappent désormais, celles qui pèsent chaque jour un peu plus sur notre vie privée. L’entreprise californienne créée en 1998 par Larry Page et Sergueï Brin est, on le sait, le champion de la publicité programmatique. Chaque fois que nous effectuons une recherche, notre profil est synthétisé en une fraction de seconde. Pas seulement notre âge ou notre statut marital, mais aussi nos passions, nos loisirs, nos achats récents, les sports que nous affectionnons, l’endroit où nous avons l’intention de partir en vacances, sans compter nos habitudes alimentaires et nos soucis de santé. Ce profil est mis aux enchères en temps réel et Google nous route automatiquement la publicité de l’annonceur le mieux-disant !

Pourtant le moteur de recherche ne nous vole rien. Il se contente de collecter et de donner du sens à tout ce qu’il récolte à partir des sources à sa disposition : le contenu de nos courriers électroniques (pour ceux qui utilisent Gmail), nos recherches sur Google Chrome, les vidéos que nous visionnons sur You Tube, nos déplacements retracés dans Google Maps ou encore l’actualisation de notre profil sur Facebook dans le cas où notre smartphone est équipé du système Android (de… Google). A chaque nouveau service qu’il met à notre disposition, le groupe Internet approfondit la connaissance intime qu’il a de chacun de nous.

Une telle surveillance numérique a de quoi effrayer (...)

Il est une autre raison, plus inquiétante encore, pour laquelle la société de Mountain View – son siège social, au sud de la baie de San Francisco - mérite bien le surnom de "Big Brother" emprunté à l’univers orwellien : elle n’hésite pas à collaborer avec les autorités américaines, la NSA en particulier. En 2013, elle a reconnu surveiller le contenu de milliers de comptes Google pour le compte de l’agence de renseignements dans le cadre du Patriot Act. De même, deux ans plus tard, a-t-elle admis avoir fourni au ministère de la Justice américain l’intégralité des comptes de trois membres de WikiLeaks...

La grande affaire de Google, toutefois, c’est l’intelligence artificielle. Et cela ne doit rien au hasard. Le père de Larry Page en a été l’un des pionniers. Ces dernières années, le groupe californien a intégré en son sein les meilleures firmes de robotique et d’intelligence artificielle du monde. De même qu’il s’est longtemps refusé à fabriquer des téléphones, préférant mettre au point le système – Android – qui les équipe, c’est le software qui l’intéresse et pas le hardware.

Parmi les pépites du secteur rachetées par Google, Boston Dynamics, qui a travaillé pour le Pentagone et « dont les robots plus rapides que les hommes escaladent les murs et grimpent aux arbres », le japonais Schaft, qui conçoit des machines humanoïdes hautement perfectionnées, ou encore Bot & Dolly, spécialiste des systèmes de caméras.

Engendrer l’homme "nouveau" capable de défier la mort...

Une idéologie accompagne l’essor de l’intelligence artificielle : le transhumanisme. Pour ses tenants, notre espèce doit outrepasser ses limites biologiques et s’hybrider avec les machines afin d’atteindre l’immortalité. Une utopie que partagent les milliardaires de l’Internet, ceux de Google en premier lieu, qui s’emploient à créer l’homme de demain, celui qui défiera la mort. L’outil ? Une puce dans le crâne. En affirmant lors d’une conférence de presse, en septembre 2010, que Google deviendra d’ici peu « la troisième moitié de (notre) cerceau », Sergueï Brin ne parlait pas qu’au figuré (...)

Les dirigeants de Google ne nous préparent pas seulement un cerveau augmenté, mais un corps en meilleure forme. Depuis 2015, ils ont recentré une bonne partie de leurs activités vers la santé et les sciences de la vie. Tout ce qui peut concourir à l’amélioration des capacités humaines est exploré.

Combattre le vieillissement : tel est par exemple, la vocation de sa filiale Calico (California Life Company). De son côté, Verily Life Sciences, une autre filiale, s’emploie à trouver les moyens de détecter, avant qu’ils ne se déclarent, les cancers, les maladies neuro-dégénératives et autres pathologies cardio-vasculaires, de façon à ce que la médecine se consacre à leur prévention plutôt qu’à leur traitement.

Google finance les recherches mais ne fabriquera jamais de médicaments. De même qu’avec la publicité, il vend ses thérapies innovantes aux laboratoires les plus offrants. (...)

On ne pourrait que féliciter Google s’il ne décidait seul ce qu’est le progrès et le bonheur. De toute façon, dans ce domaine comme dans les autres, les questions éthiques ne l’intéressent pas.

Tout ce qui est faisable sera fait un jour, soutiennent ses dirigeants. Alors, autant être les premiers à le faire…

Un appétit sans tabou...

En bons libertariens, Larry Page et Sergueï Brin ne connaissent aucun tabou sur le plan des mœurs. Refusant de réfléchir aux risques induits par l’eugénisme, ils ont investi dans 23andMe, une start-up qui est en train de fabriquer la plus grande base d’ADN humain au monde. On n’ose imaginer l’utilisation qui pourrait être faite d’une telle masse de données génétiques collectées si elles tombaient aux mains de nouveaux docteur Frankestein...

En 2009, (...) Google s’est lancé dans le développement de véhicules autonomes. (...) Dans la société où nous conduit Google, écrit Christine Kerdellant, «  non seulement le concept de vie privée sera obsolète, mais la culture, les plaisirs, la qualité de vie chers aux Français auront disparu, remplacés par les valeurs culturelles et sociales de la civilisation « techno » devenues dominantes et acceptés sans débat ni combat ».

De la santé à la robotique, l’appétit de Google est sans frontières, et quel que soit le secteur, il vise toujours la position dominante.

Avec ses moteurs de recherche sectoriels et ses services en ligne, Google « est devenu juge et partie, joueur et sélectionneur, vendeur et courtier ». Il diminue la visibilité de ses rivaux, court-circuite les intermédiaires, rachète ceux qui peuvent lui faire de l’ombre. Peu à peu, le géant du numérique « cannibalise l’aval et l’amont du marché ». Google est en position de faire vivre ou mourir les sites internet qui le concurrencent... (...)

Le géant du numérique est aussi le champion de l’évasion fiscale. Grâce à des montages astucieux, Google réussit à se soustraire aux taxes qui pèsent sur les entreprises. C’est notamment le cas en France.

(...) WebRankInfo, site spécialisé dans le référencement et les moteurs de recherche, donne trois chiffres qui situent la puissance de Google. A la mi-2016, il commercialisait 223 produits différents ; il avait racheté 200 sociétés et brevets ; sa dernière panne pendant cinq minutes - en 2013 - a fait chuter d’environ 40% le trafic Internet mondial. (...)

Le plus déconcertant est que Larry Page et ses acolytes ne fonctionnent pas comme des capitalistes traditionnels. Leur principal ressort ne semble pas être l’accumulation des bénéfices. Ils agissent comme s’ils étaient investis d’une mission supérieure : forger un « homme nouveau ». Ils se prendraient pour Dieu qu’ils ne se comporteraient pas autrement…

D.M.

* « Dans la Google du loup » de Christine Kerdellant - Editions Plon - 2017 - 317 pages


(1) Depuis 2016, le groupe Google - rebaptisé Alphabet - affiche la première capitalisation boursière au monde (560 milliards de dollars en janvier 2017), devant Apple.

Peut-on encore contrer Google ?

Les visées hégémoniques de Google - firme plus puissante que de nombreux États ! ne semblent guère mobiliser le monde politique, en France et en Europe, regrette l’auteur.

Que faire ?

D’abord, nous pourrions davantage utiliser les moteurs de recherche concurrents de Google et qui sont de « bonne qualité comme Bing et DuckDuckGo ». Nous avons aussi à notre disposition le moteur "made in France" Qwant ! qui pourrait devenir, si une volonté politique forte existait, une véritable alternative européenne à Google... Des voix proposent aussi de transformer Google en bien commun universel en confiant la gouvernance de l’entreprise - qui se muerait au préalable en ONG - à l’Unesco... mais cette proposition d’un chercheur français paraît bien utopique !

Afin de contrôler les avancées de Google en matière de transhumanisme et d’intelligence artificielle, et d’éviter les risques de dérapages, l’auteur suggère d’en appeler à un cadre éthique et réglementaire qui devrait être mis en oeuvre au plan international (via des organisations multinationales telles l’ONU ou l’OMS ?)...

En attendant une riposte planétaire, les dirigeants de Google peuvent dormir tranquille : la firme californienne jouit du soutien sans faille de l’État américain, car elle est « un généreux donateur politique (...) qui distribue ses subsides aux candidats US »... En plaidant auprès des politiques : « Laissez-nous tranquille, nous préparons un monde meilleur ! »...

Par ailleurs, la firme californienne utilise son image de Best-place-to-work pour attirer les talents, chouchouter les hauts potentiels et s’attacher les expertises de pointe dans ses domaines d’activité et de recherche ; aux mêmes fins, Google subventionne aussi des start-up et des incubateurs...

Tant que des contre-pouvoirs existent dans nos pays démocratiques (certes vulnérables), il est toujours possible d’espérer contenir la toute-puissance de "Big Google" ... Mais que se passerait-il, s’inquiète légitimement Christine Kerdellant, « si un nouvel Hitler ou un dictateur nord-coréen prenait le contrôle de Google, de toutes les données qu’il conserve et de toutes les entreprises qu’il possède ? »

J.G.

- « Qui arrêtera Google ? » Sur ce thème, Christine Kerdellant interviendra au Press Club de France le 27 avril 2017, à l’occasion d’une rencontre-débat animée par Nicolas Arpagian de Prospective Stratégique.


Christine Kerdellant - Photo Dahmane - Journaliste économique, aujourd’hui directrice de la rédaction de L’Usine nouvelle, Christine Kerdellant a un parcours professionnel singulier. Cette diplômée d’HEC a débuté sa carrière, au milieu des années 80, comme cadre au sein d’une filiale de la SNCF, le Sernam. Mais sa passion de l’écriture est la plus forte : elle la conduit à collaborer aux pages économiques du quotidien Le Monde puis à intégrer le groupe Jeune Afrique où, conquis par ses dons de plume, on lui confie de nombreux reportages. Elle enchaînera ensuite des postes à responsabilité dans la presse : la direction de la rédaction du mensuel L’Entreprise (au sein du Groupe Expansion, ce qui lui a permis de participer au lancement en France du Grand Prix de L’Entrepreneur avec le cabinet EY), la direction d’un nouveau magazine, Newbiz, puis du Figaro Magazine avant de créer, avec son confrère Eric Meyer, le mensuel Arts Magazine. En 2007, elle rejoint la direction de la rédaction de L’Express comme adjointe de Christophe Barbier, tout en assurant la rédaction en chef du prestigieux mensuel économique L’Expansion, fondé en 1967 par Jean Boissonnat et Jean-Louis Servan-Scheiber. Et, depuis mars 2016, elle dirige la rédaction de L’Usine nouvelle.

Parallèlement à ses responsabilités journalistiques, Christine Kerdellant a écrit une quinzaine de livres, touchant des univers très éclectiques, signe de son insatiable désir de découvertes, avec des essais, des thrillers, des romans sentimentaux ou historiques, comme le dernier en date sur Alexis de Tocqueville - « Alexis ou la vie aventureuse du comte de Tocqueville » (Robert Laffont 2015) - qui lui a valu un prix littéraire de sa région natale, la Normandie.

Parmi ses essais, citons « Les Enfants-puce » (Denoël, 2003), sur la génération Internet-jeux vidéo, « Les Nouveaux Condottieres » (Calmann-Lévy), et aussi « Le Prix de l’incompétence » (Denoël, 2000), précurseur d’un nouveau livre sur ce thème : « Ils se croyaient les meilleurs... Histoire des grandes erreurs de management » (Denoël 2016).

J.G

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« La liberté, ça marche ! L’entreprise libérée, les textes qui l’ont inspirée, les pionniers qui l’ont bâtie » (Flammarion)
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