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La chronique de Jacques Gautrand - Mars 2012
A la recherche de l’emploi perdu ...
 

Avec plus de 4,5 millions de personnes en chômage total ou partiel dans notre pays (soit près du quart de la population active hors fonctionnaires !), l’emploi devrait être au coeur du débat pour les prochaines élections. Or le débat n’est pas à la hauteur de l’enjeu.

La campagne médiatisée se complait dans une bataille de slogans, de "petites phrases" ou d’invectives, au détriment de l’analyse de fond des problèmes. Dommage !

Le plus souvent, la question de l’emploi est abordée en France à partir de visions traditionnelles ou conventionnelles. Les politiques et les syndicats continuent à raisonner selon des schémas anciens et datés.

Lorsqu’ils parlent des emplois ("à sauver", "à maintenir" ou "à créer"), ils s’inscrivent dans une conception du "travail posté" héritée de la "manufacture" du 19ème siècle, ils se rattachent à une notion "de poste" en vigueur dans l’administration et l’armée. Comme si l’économie n’avait pas été totalement bouleversée depuis vingt-cinq ans, sous l’effet conjugué de l’essor fulgurant des nouvelles technologies, des nouvelles organisations de production, de la mondialisation et des nouveaux modes de vie ...
Ils continuent à raisonner comme des "mécaniciens" alors que l’économie est une matière vivante, un système interactif, en régénération permanente.

Pour remédier au chômage de masse, favoriser de nouveaux ressorts de croissance, il faudrait sortir des schémas traditionnels. Des idées reçues et des clichés qui ont la vie dure. Ce sont autant de verrous culturels qui nous empêchent de repenser le travail et d’inventer l’emploi de demain.
Ainsi, plutôt que de courir après l’emploi perdu, nous pourrions mobiliser notre énergie et nos capacités d’initiative à inventer l’emploi de demain.

Inventaire de quelques idées reçues sur l’emploi

- 1. « L’Etat pourrait créer plus d’emplois » ...

Avec plus de cinq millions d’agents dans les administrations nationales, territoriales et hospitalière, notre pays est parmi les champions de l’hypertrophie de la fonction publique par rapport à la population active. Or le surendettement public retire désormais à l’Etat (quels que soient ses dirigeants) toute marge de manoeuvre : rappelons que les salaires (et les retraites) des fonctionnaires sont le principal poste de dépenses publiques. Or un tiers de ces dépenses est aujourd’hui financé par l’emprunt ... Inutile donc d’attendre, sauf à la marge, la création substantielle d’emploi dans le secteur public.

D’ailleurs, la proposition de François Hollande de créer "60 000 nouveaux postes" d’enseignants en cinq ans est proprement dérisoire, en comparaison des 1,1 million d’agents de l’Education nationale et surtout si on la rapporte aux besoins colossaux de l’économie française en matière d’emplois.

- 2. « Les seniors doivent laisser leur place aux jeunes dans les entreprises » ...

Cette vision très en vogue dans les années 80 a entraîné des plans massifs de pré-retraites, en partie financés par des aides publiques, dans la complaisance partagée des organisations patronales, syndicales et de l’opinion publique. Le résultat est patent : ces plans n’ont ni réduit le chômage global, ni fait baisser le chômage des jeunes (l’un des plus élevés en Europe) ... Car ils se fondent sur une vision simpliste et erronée appelée "partage du travail". En fait, le travail ne se partage pas : il se démultiplie. Lorsque davantage de personnes sont en activité, davantage de revenus monétaires sont injectés dans l’économie, ce qui accroît la demande solvable de biens et de services. Et crée de nouvelles offres.

Il faut augmenter notre population d’actifs et non souhaiter la réduire.

Notons au passage que l’idéologie des "35 heures pour tous" procède aussi de cette conception illusoire de "partage du travail" (comme un gâteau fini à se répartir). En définitive, si l’on compare les grands pays de l’OCDE, le nombre total d’heures travaillées dans l’année en France (nombre d’heures x total des actifs) est beaucoup plus faible - et même si notre productivité horaire est meilleure, au final, notre production globale s’accroît beaucoup moins, faute de suffisamment de "bras et de têtes occupées"...

- 3. « Il suffit d’interdire les licenciements » ...

Cette proposition est toujours brandie par des partis de gauche et par certains syndicats. L’expérience a montré qu’une gestion "administrée" de l’emploi n’a, dans le passé (du temps de la fameuse "autorisation administrative de licenciement"), empêché ni les fermetures de sites, ni les faillites, ni les démantèlements. Au contraire, on peut même dire que ces contraintes administratives ont été un puissant aiguillon incitant des sociétés à délocaliser tout ou partie de leurs productions hors de France.

On sait aussi d’expérience que plus on complique la possibilité de débaucher, plus on dissuade les chefs d’entreprise d’embaucher ... C’est ce qu’ont parfaitement compris les pays nordiques en inventant la "flexsécurité" (forte fluidité du marché du travail combinée à une sécurisation des parcours professionnels pour les salariés).

Enfin, comme le souligne le spécialiste des questions sociales du Figaro, Marc Landré, les licenciés économiques ne représentent qu’une infime partie des inscrits à Pole Emploi : moins de 3% des inscriptions mensuelles (in Le Figaro Economie du 2 mars 2012)

- 4. « Certaines entreprises ont intérêt à détruire l’emploi » ...

Cette idée de "destruction d’emplois" est aussi vieille que la mécanisation. On pense notamment aux "canuts" de Lyon, ces tisserands qui ont brisé les nouveaux métiers à tisser Jacquard accusés de réduire la main d’oeuvre ... De même que l’arrivée du télégraphe a ruiné les éleveurs de pigeons voyageurs ... En réalité, l’économie n’est qu’un processus incessant de "destruction créatrice", conceptualisé par Joseph Schumpeter : des activités nouvelles se développent sur les décombres des anciennes, grâce notamment aux innovations et à la créativité des entrepreneurs.

Voyez la transformation remarquable d’Issy-les-Moulineaux, jadis banlieue ouvrière, et qui, au cours des décennies, a perdu ses emplois industriels (dont la fameuse usine de poudres et explosifs Gévelot) ; aujourd’hui cette ville mitoyenne de Paris compte plus d’emplois que d’habitants ! car elle a su attirer des entreprises des services et des TIC comme Microsoft ...

Ce processus de transformation de l’emploi n’a fait que s’accélérer au cours des trente dernières années avec l’essor fulgurant des technologies et l’émergence de nouveaux producteurs dans les pays hier "en développement". Mais aussi parce que la société évolue et se transforme, faisant émerger de nouveaux besoins dont la satisfaction fait naître de nouvelles entreprises, de nouvelles activités ... Pensons à l’immense potentiel du bio, de l’agriculture raisonnée, du bien-être, des écoproduits, du développement durable, etc.

Un partie des emplois que l’on dit avoir été "détruits" dans l’industrie française, ont en fait été externalisés dans des sociétés de services (bureaux d’ingénierie, SSII) et des sous-traitants. Naguère, ces emplois étaient comptabilisés comme intégrés au sein des groupes industriels. Ils n’ont pas tous été détruits, mais se sont déplacés ou se sont transformés ...

- 5. Il faut aussi tordre le cou à une autre idée reçue : la finalité d’une entreprise n’est pas de créer des emplois mais de répondre à des besoins par ses produits ou ses services. L’emploi n’est qu’une conséquence de la combinaison plus ou moins judicieuse et efficace des ressources à sa disposition : les capitaux, les idées, le travail.

C’est l’activité économique qui génère l’emploi. Et l’emploi génère à son tour l’activité ...

L’entreprise moderne est une entreprise collaborative en réseau : l’emploi n’est pas enfermé une fois pour toute dans des "postes" fixes, mais il est de plus en plus "éclaté" dans des "chaînes d’activités", pour certaines externalisées, pour d’autres intégrées.

- Pour stimuler et développer l’emploi de demain, il reste à analyser finement ces nouvelles "chaînes d’activités" afin d’en dégager les ressorts de croissance dont nous avons tant besoin.

Quelques pistes d’avenir

Lançons quelques pistes de réflexion dont gagnerait à se nourrir le débat public :

- Le salariat ne pourra rester l’alpha et l’oméga de l’activité professionnelle : le travail indépendant (assorti d’un statut social et fiscal à améliorer) pourrait, à terme, attirer un million de personnes supplémentaires (pour 2,5 millions d’indépendants actuellement).

- Il faut favoriser l’adoption par les partenaires sociaux d’un "contrat de travail unique à droits progressifs", comme le proposent certains comme le CJD ou le Nouveau Centre.

- Le contrat d’apprentissage devrait être étendu à tous les métiers et à toutes les filières de l’enseignement supérieur. Et transformer les "stages" d’études universitaires en apprentissage qualifiant.

- Le télétravail doit être massivement soutenu et encouragé, en créant dans les zones d’habitat résidentiel, comme l’on fait certaines communes, des centres équipés. Aujourd’hui moins de 9% des actifs en France pratiqueraient le télétravail (contre 18% pour la moyenne européenne), selon L’Express.

- Il faut faciliter la reprise de TPE et de commerces de proximité, notamment en zone rurale, en créant un fonds de garantie national (adossé à la Caisse des dépôts).

- Il faut aussi encourager, à grande échelle, la reprise des PME/PMI par leurs salariés, en totale déduction fiscale des fonds investis dans la reprise (avec l’appui de fonds d’investissement et de business angels).

- Pour favoriser le développement d’entreprises innovantes et de croissance, il serait judicieux de créer, comme le propose la fédération France Angels, sur le modèle du Angel Co-Fund britannique, un fonds de co-investissement associant 1 euro de capital public à 1 euro investi par un business angel (charge aux busines angels d’identifier les projets porteurs).

- La revalorisation des métiers de service aux personnes doit devenir une grande cause nationale : ces métiers sont le grand gisement d’emplois de demain, du fait du vieillissement des populations et des nouveaux modes de vie.

- On a aussi évoqué plus haut tous les métiers liés au bio, au bien-être, au développement durable et aux énergies renouvelables : De véritables filières professionnelles, des clusters, des centres de recherche et d’excellence, etc. doivent rapidement être mis en place, développés, encouragés ...

Cette liste est loin d’être limitative. A chacun de la compléter à sa guise.

Ainsi, plutôt que de courir après l’emploi perdu, nous pourrons mobiliser notre énergie et nos capacités d’initiative à inventer l’emploi de demain.

Jacques Gautrand
jgautrand [ @ ] consulendo.com

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